L’UDC attaque l’AI et marginalise les citoyens
Ces dernières semaines, l’UDC a lancé une attaque en règle contre l’AI. Elle estime que l’AI coûte beaucoup trop cher, que les rentiers sont des profiteurs et qu’il faut faire la chasse aux simulateurs.
A défaut de bouc-émissaires, l’UDC est obligée de les inventer. Le sujet des étrangers est à peu près épuisé. Il y a moins de requérant d’asile. Il faut trouver autre chose. Nous sommes en campagne électorale, nom d’une pipe, il faut des sujets mordants. S’ils n’existent pas, il faut les inventer. Les personnes les plus fragiles socialement sont des victimes toute désignées. C’est pourquoi, après les réfugiés, les étrangers, les personnes âgées, voici les personnes en situation de handicap, qui nous deviennent financièrement insupportables.
J’ai participé samedi au Congrès de la Société suisse de médecine générale, où j’ai présenté deux ateliers sur l’AI. C’était particulièrement intéressant, parce que j’ai présenté ces deux exposés en allemand, donc à des médecins venant de tous les cantons alémaniques. Il y en avait une quarantaine. La discussion a été très nourrie. C’est un sujet qui passionne aujourd’hui. Les médecins étaient particulièrement fâchés que l’on remette ainsi en doute leur compétence de juger de la maladie et de l’incapacité de gain de leurs patients. En effet, m’ont-ils dit, il ne faut pas oublier, que l’obtention d’une rente AI est liée à un double échec. D’une part, l’échec du médecin, qui doit admettre qu’il ne peut rendre la santé à son malade et d’autre part l’échec du patient, qui doit faire le deuil de sa vie professionnelle, quelquefois aussi sociale. Ce n’est donc jamais un passage facile. A la fin du Congrès, un médecin est encore venu vers moi pour me dire « Il n’y a pas de faux invalides, il y a des patients sur lesquels on a posé un mauvais diagnostic ». Il m’a cité le cas d’un patient qui avait de tels maux de tête qu’il ne pouvait travailler. L’AI lui avait refusé une rente, n’ayant rien décelé. En fait, ce monsieur perdait son liquide rachidien par une blessure dans la tête et personne ne l’avait remarqué… Un médecin m’a dit avoir une quinzaine de personnes gravement atteintes dans leur santé, qui devraient avoir une rente et qui sont en attente depuis des années. De toute évidence, elles ne peuvent pas travailler et émargent donc aux services sociaux.
Si le nombre de personnes rentières de l’invalidité augmente en effet chaque année, les conditions d’octroi des rentes, elles ne se sont pas assouplies, bien au contraire. En revanche, les personnes handicapées vivent plus longtemps, touchent donc plus longtemps une rente, les handicaps de naissance ne diminuent pas, car la médecine permet de sauver des enfants toujours plus fragiles. Il en va de même pour les accidents de la route ou du travail.
Le résultat de la politique abusive de l’UDC a été de révéler non pas des pseudo-invalides, mais ceux qui ont des âmes de délateurs. C’est une véritable chasse aux sorcières contre les personnes handicapées qui est en train de se mettre en place en Suisse alémanique. C’est particulièrement répugnant quand on sait la somme de souffrances qui conduit à la reconnaissance du handicap par l’AI. L’OFAS dit recevoir plusieurs lettres de dénonciation par jour. Vos charmants voisins vous observent et estiment que vous n’avez pas droit à l’AI. L’OFAS affirme cependant que la plupart de ces lettres sont sans objet. Tous les handicaps ne se voient pas. Une insuffisance cardiaque ou une épilepsie n’empêchent pas d’aller faire ses courses ou son jardin, mais elles peuvent donner droit à une rente, si elles sont importantes et rendent tout travail difficile. Les critères sont sévères et rien ne permet de dire aujourd’hui qu’il y a des abus. Chaque cas est examiné par un médecin et par l’OAI. S’il y a doute, un second médecin est mandaté pour donner son avis.
Chaque fois que quelqu’un m’a dit : « Je connais quelqu’un qui abuse de l’AI » et que je lui ai demandé de m’expliquer le cas, il s’agissait de personnes qui avaient fait une demande AI pour tenter leur chance, mais qui n’avaient pas obtenu de rente. Que certaines personnes veuillent abuser, c’est possible, cela ne veut pas encore dire qu’elles parviennent à leurs fins.
Les programmes de recherche PNR 45, qui seront terminés cet automne pourront nous dire plus exactement de quoi vient cette augmentation des handicaps reconnus.
Une chose est sûre c’est que les assertions de l’UDC sont mensongères et abusives. Il ne s’agit que de slogans électoraux.
L’AI dépense actuellement 10 milliards de francs. De 1990 à 2000, le coût total de l’AI a passé de 4 milliards à 8,4 milliards de francs. La rente moyenne a passé de 1083.- à 1358.-/mois. Elle est actuellement de 1363.-/mois.
Le nombre de rentiers a passé de 164’000 à 229’000 en 2000. Il est maintenant de 259’000.
Depuis 1990, l’accroissement du nombre de personnes bénéficiant des rentes d’invalidité a été de plus ou moins 5% par an en moyenne. L’augmentation du handicap psychique a été un peu supérieur à celle du handicap physique.
Cela représente actuellement près de 5% de la population active. La Suisse est en train de rattraper les autres pays européens, mais on est encore loin des Pays-Bas, où 10% de la population active est déclarée handicapée. Pour comparaison, dans les pays de l’OCDE, les dépenses des assurances invalidité représentaient en 1995, 4,1% du PIB aux Pays-Bas, 2,7 en Norvège, 2,4 en suède, 1,5 en Autriche, 1,4 en Italie, 1,3 en Suisse et 1.1 en Allemagne.