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Gisèle Ory on 30 Jan 2004 in
Invalidité |
Commentaires fermés sur Concept pour l’assurance invalidité
L’AI en question
Contribution à la réflexion
Quelques pistes
La réinsertion professionnelle au centre de nos préoccupations
Le nombre de personnes qui perçoivent des rentes de l’AI augmente constamment. Cela pose un problème financier. L’AI est en déficit depuis plusieurs années et des solutions doivent être rapidement trouvées pour consolider son financement. D’un autre côté, ce qui est plus grave encore, il y a un problème humain. Des personnes sont exclues du marché du travail pour des raisons de santé, or être exclu du marché du travail, cela veut aussi souvent dire, être socialement en difficultés.
Or, beaucoup de personnes handicapées veulent travailler et veulent participer à la vie sociale. Le défi à relever est donc de mettre en place des mesures qui facilitent le maintien de la personne menacée de handicap à sa place de travail et la réinsertion professionnelle. Les personnes handicapées en profiteront autant que l’AI elle-même.
I. Les priorités
La politique de l’AI pour les prochaines années doit donc s’orienter vers les points prioritaires suivants :
- La prévention : Mieux vaut prévenir l’invalidité que la constater. Il faut prendre des mesures rapidement pour soutenir les personnes menacées d’invalidité et leur permettre de rester à leur place de travail ou de se réinsérer avant d’être marginalisées socialement.
- L’autonomie : il faut prévoir des mesures qui permettent aux personnes handicapées de vivre de manière aussi autonome que possible, cela signifie des mesures dans le domaine des réseaux d’aide et des auxiliaires de vie. Ce domaine est en train de s’organiser aujourd’hui.
- L’intégration : les personnes handicapées doivent être intégrées à tous les niveaux, société, école, formation professionnelle et emploi. L’intégration sociale a été améliorée par la Lhand, qui doit à terme faciliter l’accès des personnes handicapées aux bâtiments et aux transports publics. Des efforts doivent encore être faits, mais il conviendra de tirer d’abord un premier bilan de l’application de la Lhand.
- La prise en charge : lorsqu’une personne ne peut vivre de manière indépendante, elle doit être prise en charge de manière adéquate par des institutions spécialisées. Or les institutions sont aujourd’hui mises sous pression du fait des mesures d’économie et de la Nouvelle péréquation financière fédérale. Des solutions doivent aussi être trouvées, pour qu’elles puissent assumer leur mission correctement.
- La question du financement de l’AI devra être reprise à moyen terme, car même si la votation de mai est gagnée, l’AI sera encore dans les chiffres rouges.
- La question de la participation de la LPP au financement de l’invalidité doit être réétudiée.
- La campagne qui a été menée en Suisse alémanique durant l’été 2003, montre clairement que beaucoup de gens ne connaissent pas la question du handicap et en particulier du handicap psychique. Il conviendra donc de communiquer et d’expliquer pourquoi et comment s’ouvre le droit à une rente de l’AI.
II. Les mesures concrètes
Une fois ces principes généraux posés, il convient de proposer des mesures concrètes :
1.. L’intervention rapide
- En matière de prévention, l’élément le plus important est de détecter rapidement les personnes menacées d’invalidité et d’éviter leur exclusion du marché du travail et leur marginalisation.
- Il faut éviter en particulier, qu’une fois leurs indemnités journalières épuisées, elles ne puissent plus recourir qu’à l’aide sociale (subsidiairement, la question de la durée des indemnités journalières doit être aussi reposée).
- Il est donc important que les personnes gravement atteintes dans leur santé soient annoncées rapidement à un office chargé de prévention (par exemple le DPAI, Office de détection précoce et de prévention de l’AI, selon proposition de l’OFAS).
- La meilleure solution est que la personne concernée s’annonce elle-même. Cependant, cette annonce peut aussi être faite par le médecin traitant, par l’employeur, dès qu’un collaborateur ne vient pas travailler pendant un laps de temps important pour cause de maladie ou d’accident ou par l’assurance d’indemnités journalières.
- La coordination entre les diverses assurances doit être assurée (AI avec AC, indemnités journalières, aide sociale).
- L’office chargé du premier accueil doit examiner chaque cas selon une procédure assez rapide, de manière à rendre dans des délais courts, une décision d’entrée ou de non entrée en matière.
- Si l’office conclut à une entrée en matière, une série de procédures peuvent être entamées parallèlement.
2. La prise en charge par l’AI
- Ouverture du droit à une « rente subsidiaire de réinsertion » : si la personne concernée a déjà épuisé ses indemnités journalières, elle est prise en charge par l’AI, avec une rente subsidiaire qui assure son revenu, pour autant qu’elle n’en ait pas d’autre, et de manière provisoire, en attendant la décision définitive de l’AI.
- i. Ceci permet d’éviter la marginalisation de la personne atteinte dans sa santé, en attendant la décision définitive de l’AI, sans pour autant charger davantage les assurances sociales.
- ii. Cela rassure la personne concernée, qui se sent prise en charge. Ce point n’est pas sans importance dans tous les cas de troubles psychiques, où l’anxiété joue un rôle fondamental dans l’évolution de la maladie. C’est une chance de plus de voir la situation médicale de la personne s’améliorer.
- iii. Cela donne aussi le temps nécessaire à l’AI pour faire les démarches nécessaires à l’obtention des renseignements utiles, en vue d’une demande de rente définitive.
- Ouverture du droit aux prestations d’aide aux personnes handicapées.
- Intégration dans un programme de réinsertion professionnelle. L’Office en charge commence immédiatement l’étude de la situation professionnelle de la personne concernée, lui conseille une réorientation professionnelle qui tienne compte de ses difficultés, lui offre des possibilités de formation ciblées et l’aide enfin à retrouver un emploi. La réorientation professionnelle est un moment difficile pour la personne handicapée qui doit faire le deuil de son précédent métier et accepter la diminution de ses capacités professionnelle.
- Ouverture de la procédure pour l’obtention d’une rente AI définitive.
3. Les mesures d’incitation
Une fois le problème détecté, la personne menacée de handicap, doit être orientée vers un nouveau travail.
A ce moment-là, se posent de nouvelles questions :
Nous avons d’un côté des personnes en situation de handicap, qui veulent se réinsérer professionnellement.
Nous avons d’un autre côté, des entreprises qui sont soumises aux lois du marché et donc à des exigences d’efficacité et de rentabilité. Notre tissu économique est formé essentiellement de PME, employant peu de personnel et ne disposant d’aucun service du personnel. Ces entreprises ne peuvent souvent ni consacrer le temps nécessaire à l’intégration d’une personne handicapée, ni prendre le risque de voir leur nouvel employé manquer à son travail en raison de difficultés de santé.
Nous avons enfin, des freins institutionnels qui empêchent certaines personnes handicapées de travailler autant qu’elles le voudraient, même si elles ont un métier, qu’elles trouvent un emploi et que leurs compétences sont appréciées par leur employeur. C’est le cas en particulier des personnes atteintes de maladies dégénératives ou évolutives, qui peuvent vivre des périodes de rémission, où elles sont aptes à travailler, mais qui sont menacées de dégradation importante de leur état à moyen terme. C’est le cas aussi des malades psychiques, dont la stabilité n’est pas assurée et qui peuvent toujours faire des rechutes.
Pour tenir compte de cette réalité, nous pouvons prendre trois types de mesures.
- Des mesures d’incitation pour les personnes handicapées
- Des mesures d’incitation pour les entreprises.
- La suppression des freins institutionnels.
Pour inciter les personnes handicapées à travailler, il faut réunir plusieurs points importants.
La première question est celle de la sécurité du revenu. Il faut éviter qu’une personne handicapée ne perde le droit à sa rente, du fait de son insertion professionnelle ou de l’amélioration de ses conditions de travail. Actuellement, si une personne, qui touche une demi rente, se sent bien et décide de travailler à plein temps, elle perd le droit à sa rente. Si elle fait une rechute au bout d’un ou deux ans, elle doit refaire une procédure d’obtention de la rente. Dans de nombreux cas, ce risque est trop important pour une personne dont la santé est précaire et elle doit simplement renoncer à travailler à plein temps.
- La rente flexible : Il s’agit de mettre en place un système de « rente flexible ». La rente est attribuée de manière définitive quand le handicap est reconnu. Cependant, elle est versée en fonction du salaire obtenu. Elle peut être complémentaire, si le salaire est trop bas. Elle peut disparaître, si le salaire est suffisant. Elle peut prendre le relais en cas de rechute, sans que de nouvelles démarches soient nécessaires. Pour que cette solution soit incitative, il faut bien sûr que le fait de travailler amène une amélioration de la situation financière de la personne. Il faut donc que la diminution de la rente soit moins importante que l’augmentation du salaire, de manière à ce que cela vaille toujours la peine de travailler.
- Le fonds AI pour les entreprises : Les employeurs hésitent beaucoup à prendre en charge des personnes handicapées, craignant que leur rentabilité soit insuffisante ou qu’ils n’aient pas la possibilité d’assurer un accompagnement des personnes particulièrement fragiles. Il faudrait donc prévoir un fonds, alimenté par l’AI, qui permettent de financer une partie du salaire de certaines personnes handicapées, dont la réinsertion a de bonne chances de réussir, pendant un temps d’essai, ou de financer un accompagnement de la personne en réinsertion.
Gisèle Ory
30.01.04