La multiplication des courriers électroniques « non sollicités » ou « indésirables » est aujourd’hui devenu l’un des problèmes majeurs liés à l’utilisation de la toile. C’est un problème autant pour les fournisseur d’accès, que pour les entreprises et les consommateurs que nous sommes tous. Les Québécois, qui avaient déjà inventé le mot « courriel », pour désigner les courriers électroniques, ont aussi trouvé un nom très explicite pour qualifier ces messages : les «pourriels » ! Le nombre de pourriels envoyés à travers le monde est aujourd’hui tel que de nombreux problèmes majeurs en découlent directement. La commission fédérale de la consommation demande d’ailleurs que l’on agisse dans ce domaine.
L’envoi de spams représente un coût très important pour l’économie. On estime ces coûts pour l’année 2003 à 20 milliards de dollars pour l’ensemble du globe, dont la moitié pour les entreprises américaines. Nos chiffres sont surtout américains. S’ils ne peuvent être extrapolés sans autre, ils nous donnent quand même des indications. Les coûts des spams s’expliquent principalement par le coût d’équipement en logiciels anti-spams et en personnel qualifié pour lutter contre cette pratique, ainsi que par la perte de temps (et donc de productivité) des employés. On estime que la perte annuelle est d’environ 600 à 1000 dollars par salarié américain. Une enquête menée par l’Institut pour l’entrepreneuriat et l’innovation de l’Université de Nottingham a révélé que 17 % des entreprises du Royaume-Uni passaient plus d’une heure par jour à nettoyer leurs boîtes de réception.
Les spams sont aussi coûteux pour les utilisateurs privés. Les privés cherchent eux aussi à se protéger contre le spam en investissant dans des logiciels appropriés. Le temps de connexion à internet se trouve prolongé par la réception de spams, ce qui alourdit les factures de communication. Faisons un petit calcul à titre d’exemple : AOL affirmait recevoir 1,8 million de spams par jour. En supposant que l’utilisateur moyen d’AOL mette en moyenne 10 secondes pour identifier le spam et l’éliminer, on en conclut que l’ensemble de clients d’AOL paient 5000 heures par jours de connexion à éliminer des spams.
Le nombre de courriels indésirables envoyés est de plus en plus important et il n’y a aucune raison de penser que la tendance va s’inverser. Ainsi, en 2001, les spams représentaient 7% des courriers électroniques échangés dans le monde. En 2003, cette proportion est montée à 51%. On estime qu’en décembre dernier, 2/3 des courriels envoyés dans le monde étaient des spams ! L’entrepise AOL estime aujourd’hui à 2,5 milliards le nombre de courriels publicitaires non sollicités envoyé chaque jour.
L’envoi de spams est particulièrement rentable pour celui qui s’y adonne. Une liste de 25 millions de courriels se négocie aux alentours de 25 dollars seulement. Comme le coût d’envoi d’un courriel est extrêmement faible pour des spammeurs qui disposent de connexions à très haut débit, il leur est inutile et même coûteux de cibler la publicité en fonction de clients. Il est plus avantageux pour eux de viser l’ensemble des adresses dont ils disposent. Sur plusieurs millions de spams envoyés, un très faible taux de retour suffit à rentabiliser l’action.
Les adresses électroniques des internautes sont diffusées à travers le monde sans leur autorisation. Les échanges de listes d’adresses électroniques entre les spammeurs et la diffusion en masse de courriers électroniques non sollicités contribuent à répandre les adresses électroniques des utilisateurs sur la toile à leur insu.
Les spams vont souvent de paire avec des activités à caractère répréhensible ou pour le moins critiquable. Les spams proposent souvent des produits qui sont de véritables « attrape-nigauds » (placements pour faire fortune en 5 jours, cures de jouvence), liés à l’industrie du sexe (adresses de site pornographiques) ou interdits (faux certificats,…) quand ce n’est pas les trois à la fois ! De plus, un grand nombre de spammeurs envoient leurs pourriels depuis des serveurs intermédiaires appartenant à d’innocents propriétaires pour contourner les blocages placés par les logiciels anti-spams contre les sources connues pour délivrer ce genre de courriels. Cette pratique remplit les serveurs intermédiaires de courriers indésirables, obligent leurs propriétaires à investir du temps pour résoudre le problème et placent ces derniers dans une situation difficile vis-à-vis de leurs clients qui les accusent de collaborer avec les spammeurs.
Les spams facilitent la diffusion de virus sur internet. En multipliant d’une manière hallucinante le nombre de courriels échangés chaque jour sur le réseau, les spams augmentent la probabilité de transmission de virus informatiques.
Si nous n’intervenons pas, il est possible que les fournisseurs d’accès doivent élever leurs tarifs. Les fournisseurs d’accès sont contraints à mettre en place des moyens matériels et humains toujours plus importants qui se répercuteront au niveau des tarifs pratiqués. En outre, l’idée que, dans un avenir pas forcément si éloigné, l’envoi de courriels pourrait être payant pour rendre les spams moins attractifs, est aussi évoquée.
Il est donc aujourd’hui primordial de prendre des mesures, en Suisse aussi, pour lutter contre cette pratique.
Plusieurs pays ont déjà modifié leur législation ou sont en passe de le faire :
– L’Union européenne vient d’adopter une loi interdisant l’envoi de courriers électroniques non sollicités.
– En janvier dernier, le gouvernement français a décidé de mettre en place « un groupe de concertation et d’action contre le spam ».
– Au Danemark, un tribunal a récemment infligé des amendes de 400’000 Couronnes (84’000 Euros) pour l’envoi de 15’000 courriels non sollicités.
– La Virginie est le premier Etat américain à avoir arrêté et inculpé un citoyen américain pour avoir envoyé en masse des messages publicitaires. Une peine maximale de 20 de réclusion est prévue pour de tels actes.
– La Californie a adopté en janvier 2004 une loi destinée à lutter contre le spam.