En ce qui concerne l’art. 4.2, le Conseil national s’est rallié à la version du Conseil fédéral en ajoutant les mots « In der Regel ». Si ces mots ne vont pas changer les conditions dans la majorité des cas, ils ont cependant une importance non négligeable pour certaines filières, en particulier, pour les hautes écoles de musique. Par ces trois mots, le Conseil national a voulu laisser une porte ouverte pour les quelques filières qui ne peuvent pas entrer parfaitement dans le moule de Bologne. Grâce à une formulation plus souple, il sera possible d’organiser le cursus d’études en fonction de certaines particularités et de maintenir ainsi la qualité de l’enseignement dans toutes les filières.
La question qui se pose ici concerne les écoles de musique. A l’heure actuelle, ces écoles délivrent un diplôme d’enseignement de la musique en quatre ans et un diplôme de concertiste en cinq ans. Ces durées d’études sont fondées sur l’expérience pratique, qui montre qu’il faut ce temps-là pour acquérir une formation musicale de bon niveau. Il y a donc déjà deux niveaux, comme dans le système de Bologne, et ce n’est pas cela qui est remis en cause, mais bien le nombre d’années qu’il faut pour atteindre le premier degré.
La conférence suisse des écoles de musique estime qu’il est impossible de dispenser une formation musicale suffisante en trois ans, car l’apprentissage de la musique nécessite des exercices constants, sur une certaine durée. Celle-ci ne peut être raccourcie sans dommage pour la qualité de l’enseignement. Elle nous a rendus attentifs au fait que dans aucun pays d’Europe, on ne donne une formation musicale avec qualification professionnelle en trois ans. Les spécialistes dans le domaine musical s’accordent pour dire qu’une formation de trois ans pour un diplôme d’enseignement instrumental-vocal n’est pas suffisante. La sous-commission de certification HEM de la CDIP certifie des plans d’études sur 4 à 5 ans pour ce type de diplôme. La comparaison entre la formation d’un maître primaire et d’un professeur de musique n’est pas pertinente. Le musicien doit d’abord acquérir des connaissances et des savoir faire spécifiques pour pouvoir, ensuite, se former sur le plan pédagogique et être capable d’enseigner son instrument à des élèves de tous âges et de tous niveaux.
Ramener la formation de premier niveau à trois ans aurait pour conséquence une baisse du niveau et un diplôme de qualité inférieure. Le bachelor perdrait son attrait et obligerait les élèves à acquérir le master. Le bachelor ne serait donc plus la preuve d’une qualification professionnelle, mais une sorte de premier degré de moindre valeur, ce qui remettrait en cause l’essence du modèle. Même si l’on peut imaginer que dans quelques domaines, on puisse faire des formations en trois ans, ce n’est pas possible dans tous les domaines de la musique. A l’unanimité, les écoles de musique ne veulent pas d’un diplôme en trois ans.
Si tous les étudiants font un master, cela aura aussi des répercussions financières, car il y aura allongement de la durée moyenne des études et les coûts augmenteront en proportion.
Le conseil des HES a décidé le 14 octobre dernier de s’en tenir strictement à un bachelor en 3 ans, même pour les écoles de musique. C’est un très grand souci pour ces écoles. Il est nécessaire que nous maintenions cette petite ouverture, pour éviter de les mettre dans des situations difficiles et pour leur permettre de dispenser un enseignement qui reste de qualité.
C’est particulièrement important dans un domaine où la concurrence internationale est très forte. Les élèves viennent de partout pour profiter de l’enseignement d’un professeur reconnu. Si nous voulons que nos écoles de musique rayonnent, il faut que leur enseignement reste au même niveau que celui des autres écoles européennes.
La question de l’année de formation pratique pour les gymnasiens qui veulent entrer dans une HES a suscité beaucoup de débats. Cela se comprend, car elle touche un point fondamental de la réflexion en matière d’enseignement.
Lorsque la réflexion sur la création des HES a commencé, il était clair que l’un des objectifs prioritaires était de revaloriser les filières pratiques et de permettre aux jeunes sortant des écoles professionnelles d’acquérir un très bon niveau de qualification professionnelle. La filière normale des HES était donc la maturité professionnelle. Les programmes des HES correspondent à cette manière de voir et ne sont pas adaptés à des connaissances gymnasiales. Les gymnasiens peuvent entrer en HES, mais cela doit rester minoritaire, voire exceptionnel. L’USAM soutient aussi clairement ce point de vue.
Si l’on accepte les maturités gymnasiales sans demander de formation complémentaire pratique, on aura plusieurs conséquences défavorables.
En premier lieu, le manque de connaissance pratique des gymnasiens risque de faire baisser le niveau des HES, en ce qui concerne le travail pratique. En effet, au niveau HES, les jeunes professionnels ont déjà une excellente connaissance de leur métier. Ils n’en sont plus à apprendre à tenir un tournevis. Les gymnasiens ne peuvent pas rattraper leur retard aussi facilement. Il y aurait donc dans les classes des gens qui ne pourraient pas suivre tous les cours.
Deuxièmement, l’arrivée massive de gymnasiens tend déjà aujourd’hui à élever le niveau théorique des HES et en éliminer les jeunes qui seraient moins doués théoriquement, mais qui auraient de meilleures qualifications pratiques. Cette évolution rendrait l’accès des HES plus difficile pour les apprentis de notre pays. Or justement, nous avons voulu valoriser le savoir pratique à travers les HES. En n’exigeant pas des gymnasiens qu’ils soient à la hauteur en matière pratique à leur entrée en HES, on nierait la qualité et la valeur des connaissances acquises au niveau de la formation professionnelle. Ce serait exactement le contraire de ce que l’on voulait. La conférence suisse des offices de formation professionnelle soutient aussi ce point de vue.
Troisièmement, on créerait une confusion entre les filières et on ne distinguerait plus clairement en quoi les HES seraient différentes des universités. Elles pourraient même devenir des universités de seconde zone, dans lesquelles se retrouveraient les gymnasiens les moins doués. On affaiblirait ainsi l’image des HES.
Le risque de voir arriver des gymnasiens en grande quantité dans ces filières est très élevé. C’est déjà le cas actuellement, où certaines écoles professionnelles ont jusqu’à 30% de gymnasiens dans les classes. D’autres pays européens en ont aussi fait l’expérience.
Quatrièmement, les étudiants ne seraient plus sur un pied d’égalité. En effet, les jeunes qui ont obtenu une maturité professionnelle ne peuvent être admis dans les universités qu’après avoir fait une année passerelle et avoir subi un examen. Il est donc normal que les gymnasiens qui veulent entrer en HES doivent aussi faire une année passerelle pour acquérir une formation pratique et avoir un niveau suffisant pour entrer en HES. L’osmose doit aller dans les deux sens. Elle ne doit pas être à sens unique.
La version proposée par le Conseil national est donc cohérente avec la réflexion qui a été menée jusqu’à maintenant.
La possibilité de faire cette année pratique en cours d’études a aussi été beaucoup discutée. Les milieux de la formation professionnelle, et en particulier ceux de mon canton, y sont catégoriquement opposés. L’argument le plus souvent avancé a été qu’il était difficile de trouver des places de stage, en particulier pour des gymnasiens qui n’ont pas de savoir-faire pratique. En réalité, les offices cantonaux de la formation professionnelle disposent d’un vaste réseau d’entreprises avec des formatrices et des formateurs qualifiés.
En outre, le secondaire II est prêt à organiser, contrôler et valider cette année de formation. Les écoles professionnelles sont parfaitement capables d’offrir la base de formation professionnelle minimale pour que les gymnasiens puissent faire leur année de passerelle avant d’entrer dans une HES. Elles disposent d’ailleurs aussi de formations professionnelles accélérées.
Pour être cohérent avec le système éducatif actuel, il faut que ce soit le degré inférieur qui prépare les élèves à entrer dans le degré supérieur. Ce sont donc les écoles professionnelles qui doivent préparer les porteurs de maturités gymnasiales à entrer dans les HES. C’est ce que l’on a fait, dans l’autre sens, puisque ce sont les gymnases qui ont reçu la mission d’organiser les passerelles et les compléments et examens permettant aux porteurs de maturité professionnelle d’accéder aux universités et EPF. La majorité des cantons romands sont déjà organisés de cette manière.
Une année de stage en cours d’études poserait d’ailleurs bien d’autres problèmes d’organisation. En particulier il faudrait déterminer qui la valide et la contrôle. En outre, ce serait une interruption dans le cours des études. Enfin, il se pourrait aussi que cela ne soit pas tout à fait conforme à l’esprit de Bologne, puisque cela ajouterait une quatrième année d’étude avec le bachelor.
La proposition du Conseil national est donc sage et je vous encourage à la soutenir.
La solution du Conseil national en matière d’accréditation paraît amener toutes les garanties et la souplesse nécessaire. L’accréditation est nécessaire pour s’assurer que les diplômes obtenus ont une valeur comparable au niveau international Elle doit donc être faite avec sérieux et de manière approfondie et selon des directives communes, sous la responsabilité du département. On introduit aussi une souplesse, avec la possibilité de mandater des tiers pour procéder à des accréditations. Il va de soi que l’autorité qui doit valider les processus d’accréditations, dans la règle et au final, c’est le département. Il est important que le département puisse se porter garant de la qualité et de la validité du processus d’accréditation. Dans quelle mesure doit-il prendre les cantons comme partenaires dans ce processus ? le département est compétent pour les accréditations et cela est le plus important, si on veut conserver une qualité semblable et une politique cohérente dans ce domaine. L’accréditation est nécessaire pour garantir que les diplômes sont comparables au niveau international. Au moment où nous voulons favoriser la mobilité, c’est une nécessité. L’accréditation est donc un processus très important, qui assoit aussi la crédibilité de nos écoles. La solution du CN est donc bonne et je vous invite à la suivre.
L’accréditation doit venir du département et pas d’un organe universitaire ou d’un institut privé, mais des filières particulières peuvent être accréditées par délégation à des tiers. Il faut éviter que des privés accréditent des écoles à la place de l’Etat.