NON à la Loi fédérale sur les étrangers

La Loi sur les Etrangers fait preuve du même esprit de fermeture que la Loi sur l’Asile.

 

Son principal défaut est de créer deux catégories d’étrangers, ceux qui viennent de l’UE et qui ont des droits fixés par les accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes et les autres, qui n’ont pratiquement aucun droit et qui ne pourront s’établir en Suisse qu’à des conditions très restrictives.

 

L’admission légale se limitera aux personnes qualifiées considérées comme indispensables à l’économie suisse. Les autres, notamment les personnes sans qualifications, n’auront aucune chance d’obtenir un permis de travail. La question des sans papiers ne sera donc pas résolue, mais au contraire aggravée. Les extra-européens n’auront que la possibilité d’entrer en Suisse clandestinement et de chercher du travail au noir.  Cette absence de statut est liée à une grande précarité et ouvre la porte à tous les abus de la part des employeurs.

 

Le permis C ne sera plus délivré automatiquement après dix ans de séjour en Suisse, mais uniquement après un examen approfondi de la part des autorités cantonales. On en revient à l’époque des faiseurs de Suisses…

 

Le droit au regroupement familial sera restreint. Il devra se faire dans un délai de 5 ans et uniquement pour les enfants de moins de 12 ans.

Il fallait moderniser la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers, suite à l’adoption des accords bilatéraux et l’adapter à la nouvelle situation. Cependant, l’esprit qui habite cette révision tient plus au repli sur soi qu’à l’accueil de l’autre. Nous aurions dû utiliser cette opportunité pour créer une loi sur la migration et l’intégration, adaptée aux conditions actuelles et au monde globalisé dans lequel nous vivons. Même si quelques éléments intéressants ont été introduits dans la loi, on est encore loin de ce que l’on pourrait faire pour faciliter l’intégration des étrangers et lutter contre le racisme. M. Doudou Diène, rapporteur de l’ONU pour le racisme et la xénophobie, de passage en Suisse la semaine passée, a soulevé les différences frappantes qu’il a constatées entre les  cantons et le retard de certains cantons dans ce domaine.

Neuchâtel est un canton pionnier en matière d’intégration des étrangers. Nous avons accordé le droit de vote aux étrangers, sur le plan communal, dans notre première constitution en 1848. Notre dernière constitution l’accorde sur le plan cantonal. Nous disposons depuis de nombreuses années d’un bureau du délégué aux étrangers, qui se préoccupe de l’intégration.

 

La Suisse, quant à elle, a fait preuve de beaucoup de retenue dans ce domaine. Si elle a été relativement large tout au long du 19ème siècle et jusqu’à la guerre de 14, elle s’est mise à se méfier des étrangers, peut-être sous l’influence du nationalisme montant. Dès 1917, l’Office central de police des étrangers a contrôlé ceux-ci avec une certaine sévérité. Les étrangers, qui pouvaient obtenir la nationalité suisse après avoir vécu deux ans seulement dans notre pays, ont dû attendre 6 ans dès 1920. Enfin, en 1925, on a introduit un  article constitutionnel permettant l’expulsion des étrangers.

Emigrer n’est pas une décision facile à prendre. Cela signifie laisser son pays, sa famille, ses amis, sa culture. Si certains font quand même ce choix, c’est souvent pour échapper à la misère ou à la violence. La loi sur les étrangers n’en tient pas compte. Elle ne veut que des Européens ou des personnes hautement qualifiées, investisseurs et hommes d’affaires.

Cette loi n’est pas une loi sur les étrangers, mais une loi contre les étrangers. Elle n’est peut-être pas pire que la précédente, mais elle n’est pas meilleure non plus. Si l’on fait le tour de ces 122 articles, on y trouve des mesures d’éloignement, renvoi ordinaire, interdiction d’entrée, extinction de l’autorisation, révocation de l’autorisation, expulsion, perquisition, mesures de contrainte, assignation d’un lieu de résidence, sanctions administratives et discriminations selon l’origine, la qualification, le titre de séjour, limitation du regroupement familial, dispositions pénales et sanctions administratives.

J’ai quelques doutes que nous respections vraiment la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 8 de la constitution. En effet, cet article est clair. A l’alinéa 1, il dit: « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi » et à l’alinéa 2: « Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale …. » Or notre loi fait des différences notables entre les étrangers selon leur provenance, leur qualification, etc. Il y a les Européens et les  autres.

Au cours de toutes ces années, les étrangers nous ont offert notre essor économique, mais aussi leur culture. Nous les avons accueilli quelquefois avec reconnaissance, trop souvent avec méfiance. Nous avons eu peur de la « surpopulation » étrangère. Nous nous sommes raccrochés à notre identité nationale, mais quelle est-elle ? Peut-elle vraiment exister sans l’apport de tous ceux et celles qui ont fait la Suisse depuis deux siècles ? Cette loi est un symptôme de nos angoisses identitaires. Cependant, j’aimerais souligner, que si le peuple suisse a été souvent trop sensible à ces sirènes, il a aussi rejeté à six reprises des initiatives populaires xénophobes. Espérons qu’il fera de même cette fois aussi.

Notre pays a besoin d’une loi sur la migration et l’intégration, d’une loi qui tienne compte des conditions réelles de notre monde, où les êtres humains se déplacent facilement, où la richesse attire les plus pauvres, où nous avons besoin les uns des autres, où nous ne voulons pas que l’on puisse profiter de la détresse d’une armée de sans droit.

Nous devons refuser cette loi, nous remettre au travail et créer une nouvelle loi adaptée à notre époque.

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