Faire payer plus cher ceux et celles qui prennent plus de risques pour leur santé ?
Le principe même sur lequel est fondé la LAMal est celui de la solidarité. Nous avons voulu et nous tenons beaucoup à ce que l’ensemble de la population suisse soit solidaire en ce qui concerne la santé. Nous avons donc établi une solidarité entre les sexes, entre les générations et entre les malades et les bien portant. Cela signifie que nous ne voulons pas que ceux et celles qui naissent malades doivent payer davantage, même s’ils présentent plus de risques. Il en va de même pour les personnes âgées, qui présentent aussi plus de risques de tomber malades.
Il faut d’abord établir ce qui est un risque pour la santé et qui en prend. Certains peuvent fumer pendant des années sans tomber malade et d’autres tombent malades sans avoir jamais fumé. Il me paraît totalement illusoire de définir qui prend plus ou moins de risque pour sa santé et je considère que de vouloir faire payer plus les uns que les autres, sous prétexte qu’ils prennent plus de risques pour leur santé, serait profondément injuste.
Pourquoi tout d’abord les risques encourus par les fumeurs devraient-ils être sanctionnés, alors que les risques encourus par les grands mangeurs ou les grands buveurs ne le seraient pas ? Il y aurait là une injustice flagrante.
De très nombreux comportements sont à risques. Comment les définir tous ? Comment les sanctionner tous ? Manger trop ou trop gras, ne jamais marcher, sont aussi des comportements à risques. Avoir des relations multiples sans préservatif est beaucoup plus dangereux que de fumer. Il ne sera jamais possible de se tenir dans la chambre à coucher de chacun pour voir comment il se comporte.
Je crois que finalement, c’est en ne cherchant pas à juger les comportements d’autrui que nous serons le plus juste, car il faut aussi voir qu’on n’adopte pas forcément toujours un comportement à risques par hasard. Il y a des habitudes familiales. Celui qui est né dans une famille de fumeur, aura plus tendance à fumer. Il y a des difficultés de la vie. Certains se mettent à fumer parce qu’ils sont trop fortement sous pression. D’autres parce qu’ils vivent un mal être terrible et cherche une petite compensation qui leur permette de continuer à vivre. On ne peut pas sanctionner les gens parce qu’ils ont plus de difficultés que les autres.
Il y a encore une autre difficulté qui rend une telle disposition inapplicable. Admettons que la fumée soit un risque important et qu’on veuille le sanctionner. Comment définir qu’une personne fume ? Dès la première cigarette ? A la sixième, puisqu’on dit que c’est à partir de 6 cigarettes par jour que le risque se précise ? Comment savoir si une personne fume 6 ou 7 cigarettes par jour ? Il suffit qu’elle ne fume pas le jour où elle vient faire un contrôle ou la semaine précédente si nécessaire. Va-t-on contrôler systématiquement tous les habitants toutes les années pour savoir s’ils fument, s’ils ont commencé depuis l’année passée ou il y a dix ans ou s’ils ont arrêté ? Et comment jugera-t-on ceux et celles qui fument occasionnellement, arrêtent et recommencent à tout instant ?
Et après les fumeurs, on attaquera le surpoids ? Le cholestérol ? Les relations multiples ? Où nous arrêterons-nous dans le contrôle de la vie des citoyens ?
Même si je peux comprendre l’idée, je ne peux pas y adhérer dans la pratique. C’est une attaque contre le principe de la solidarité qui est l’un des fondements des assurances sociales, de toutes les assurances et non pas seulement de la LAMal. On part de l’idée que celui qui a la chance d’être en bonne santé, peut payer un peu pour ceux et celles qui n’ont pas cette chance, quelle que soit la raison pour laquelle ils n’ont pas cette chance.