Gisèle Ory, une expérience au service des Neuchâtelois
A la fois bienveillante et tenace, Gisèle Ory met son expérience, ses compétences et sa sensibilité au service de la population neuchâteloise. Elue à l’exécutif cantonal le 26 avril dernier, la nouvelle Conseillère d’Etat prendra ses fonctions le 26 mai à la tête du Département de la santé et des affaires sociales (DSAS). Rencontre avec une femme dont l’activité ne se joue pas sur l’avant-scène, mais bien au coeur des dossiers et au contact des Neuchâtelois.
Le nombre de femmes au législatif cantonal est en diminution. Par contre, elles sont deux fois et demi plus nombreuses à gauche qu’à droite. Comment expliquez-vous ce double phénomène ?
Il faut savoir que l’égalité au niveau politique n’est pas acquise à l’heure actuelle et que la vie des femmes en politique reste très difficile, car il existe encore de nombreux freins à l’intérieur des partis, en particulier à droite. Pour ma part, même dans un parti de gauche, j’ai dû affronter passablement d’obstacles et travailler beaucoup plus qu’un homme pour me faire accepter. Et d’une manière générale, je constate que l’on est encore passablement influencé, même inconsciemment, par des stéréotypes et des préjugés qui poussent la population à porter naturellement sa confiance sur l’homme pour ce qu’il représente, c’est-à-dire la force.
Que pensez-vous de l’état de santé de la population neuchâteloise ?
Nous avons pour l’heure encore beaucoup d’interrogations à ce sujet, car un certain nombre de statistiques semblent indiquer que la population de notre canton se trouve dans une santé physique et sociale plutôt en-dessous de l’ensemble de la population suisse. Ceci m’interpelle bien sûr, car la qualité de vie dans notre région est bonne, et pourtant une partie de notre population souffre un peu plus que dans d’autres cantons. Vraisemblablement, nous avons une population qui est légèrement plus pauvre, et il me paraît important de faire intervenir dans cette problématique la notion de revenu disponible, c’est-à-dire ce qui reste à la disposition des personnes une fois que toutes les charges importantes ont été payées. Or, ce revenu disponible semble être assez nettement plus bas à Neuchâtel qu’ailleurs en Suisse et pourrait expliquer le fait que la population se sente un peu moins bien qu’ailleurs. A ceci s’ajoutent d’autres indicateurs sur la santé des Neuchâtelois, comme le taux extrêmement élevé des divorces qui est absolument incompréhensible. Il s’agit en fait d’une des premières questions à laquelle je voudrais pouvoir répondre en analysant quels sont les facteurs qui entraînent la population dans une situation plus difficile ici qu’ailleurs en Suisse. Il s’agira ensuite de lutter contre chacun de ces facteurs. Vous savez, on remarque par exemple qu’en Valais – qui n’est pas un canton très riche – le revenu disponible est plus élevé que chez nous. Ceci signifie donc que certaines institutions sociales ont été créées en Valais ainsi que des aides à la famille (….), que nous n’avons pas dans le canton de Neuchâtel. En fait, je pense que nous sommes d’une certaine manière les héritiers d’un passé assez à droite, et nous devrons tenter de trouver des solutions à ces problématiques dans la mesure de nos moyens. Ceci même si nos moyens, au vu de la difficulté économique dans laquelle nous nous retrouverons en 2010, ne seront pas particulièrement élevés.
Comment pensez-vous que l’on puisse soutenir efficacement l’emploi des jeunes au terme de leur formation, en particulier les 20 à 24 ans qui sont toujours les plus affectés en périodes de crise conjoncturelle ?
C’est effectivement un très gros problème, et il me paraît évident que nous devons commencer par améliorer les possibilités de formation pour les jeunes, notamment en augmentant le nombre de places d’apprentissage. Nous constatons que dans le canton de Neuchâtel l’industrie a été peu partenaire des écoles. Un énorme effort doit alors être fait pour entrer en contact avec les entreprises et étudier dans quelles conditions elles pourraient augmenter le nombre de places d’apprentissage. Je pense en particulier qu’il est important que nous déterminions comment améliorer les conditions de la formation duale, qui est finalement trop peu utilisée à Neuchâtel. Il m’apparaît également comme une nécessité que les écoles augmentent leurs efforts, afin que les entreprises puissent remplir les conditions émises pour pouvoir accueillir des stagiaires. Ce qui, il faut bien le dire, a d’abord été très difficile, mais s’améliore actuellement. En dehors de cela, nous devrons mener des campagnes de sensibilisation pour que les entreprises fassent confiance aux jeunes, parce qu’ils ont réellement beaucoup à apporter aux entreprises: non seulement ils sont porteurs d’un savoir-faire neuf, mais en plus, ils ont une énorme perméabilité aux apprentissages et une fraîcheur qui représente un véritable atout pour les entreprises. Je crois d’un autre côté qu’il est également essentiel que les jeunes puissent gagner en confiance en eux et que nous leur offrions des opportunités de rencontrer des employeurs. Il faut absolument les sensibiliser aux besoins des entreprises. Entendez par là qu’il est indispensable que les jeunes puissent bien comprendre où se situent les attentes d’une entreprise en termes de compétences, mais aussi en termes d’attitude. Et évidemment, en parallèle, les jeunes doivent savoir où se situe ce qu’eux-mêmes peuvent apporter à l’entreprise. Pour ma part, je n’ai jamais considéré que l’expérience était une valeur incontournable, et je n’ai fait jusqu’ici que de magnifiques expériences en engageant des personnes très jeunes, dont j’avais la conviction quelles allaient se plaire au sein d’une équipe, savoir se nourrir de l’expérience des autres et en même temps apporter aux autres.
En tant que directrice de Pro Infirmis, quelle est votre position sur la décision prise par votre prédécesseur au DSAS concernant les API, à savoir que les institutions qui accueillent des personnes handicapées ponctionnent une partie des allocations pour impotent versées aux familles ? Et qu’allez-vous faire ?
Je dirai que nous sommes là devant un très gros problème de compréhension mutuelle qui est encore pendant, puisque nous attendons un jugement du Tribunal administratif de Neuchâtel. Mais de toute évidence, nous devrons absolument reprendre la discussion du départ. Globalement, je pense qu’il s’agira de clarifier ce que l’on veut et de distinguer les personnes en situation de handicap qui travaillent, donc qui ont une capacité de production – même limitée – et qui, pour cela doivent recevoir un salaire, des personnes pour lesquelles les institutions fournissent un service social en les accueillant dans un contexte occupationnel. Mais dans tous les cas où cela s’avère possible, il faut viser la production pour la personne handicapée.
Propos recueillis par
Annick Weber Richard