Mesdames, Messieurs,
Nous tous qui sommes réunis ici aujourd’hui, nous sommes indignés. Nous sommes indignés par les trop nombreuses souffrances qui sont encore imposées à de nombreux enfants et qui se révèlent peu à peu, jour après jour à travers un article de presse ou un procès. Comment ne pas être ému de la douleur de tant d’enfants, qui restent souvent seuls avec leur fardeau pendant de nombreuses années, avant d’oser dire l’indicible ? Comment accepter que tant de vie soient gâchées ?
Notre indignation doit nous amener à agir. Nous avons déjà gagné une bataille : la pédophilie n’est plus niée, ni minimisée. Elle est reconnue comme un crime particulièrement sordide, car elle touche des enfants qui ne peuvent se défendre et qui, pour beaucoup, en souffrent toute leur vie.
Mais il reste encore beaucoup à faire, dans le domaine de la prévention, pour informer les enfants et leur parents ; dans la détection, pour écouter les enfants qui nous parlent de leur souffrance sans oser la dire vraiment ; dans le soutien aux petites victimes dans leur démarche pour se reconstruire et bien sûr dans la répression et le traitement de la délinquance sexuelle.
La lutte contre les réseaux organisés avance à petits pas, mais, trop souvent encore, des criminels sont relâchés, faute de preuve ou parce que l’on ne sait pas exactement comment entendre et valider les témoignages des enfants.
Nous avons encore de grands progrès à faire dans ce domaine : mieux écouter, comprendre au-delà des mots, saisir la logique de l’enfant, décrypter le non-dit, éviter la multiplication des auditions, qui rend les événements de plus en plus confus, poser des questions auxquelles les enfants peuvent répondre, éviter toute influence extérieure, toute suggestion ou toute pression sur le témoignage.
Dans de nombreux cas d’abus d’enfants, les preuves matérielles sont insuffisantes et le témoignage de la petite victime constitue l’un des principaux éléments de l’instruction. Il est vraiment important que celui-ci puisse être reconnu au même titre que celui d’un adulte, afin que la justice puisse être rendue.
Les enfants ont des droits: ce principe est reconnu dans le monde entier depuis le vote par l’Assemblée générale de l’ONU, le 20 novembre 1989, de la Convention relative aux droits de l’enfant. Cependant, si le principe est acquis, la mise en oeuvre est parfois difficile. Nous savons que quinze ans après ce texte, beaucoup d’enfants vivent encore dans des conditions de détresse, d’exploitation ou de violence intolérables. Il faut maintenant que les déclarations des gouvernements se réalisent concrètement. Le Sommet mondial pour l’Enfance a formulé des objectifs. La communauté internationale doit aujourd’hui tout mettre en œuvre pour les atteindre.
La Suisse doit elle aussi s’atteler à cette tâche en se fondant sur la convention internationale relative aux droits de l’enfant, mais aussi sur l’article sur l’enfance et la jeunesse de la nouvelle constitution fédérale, qui énonce le droit des enfants à la protection et à l’autodétermination. Sur cette base, nous devons nous engager pour l’égalité des chances, pour la formation, pour l’intégration. Nous devons nous engager aussi contre la violence à l’égard des enfants.
Les enfants sont fragiles. Leur personnalité est en devenir. C’est pourquoi, ils ont besoin et ils ont droit à notre compréhension et à notre protection pour pouvoir grandir et s’épanouir.
Je suis heureuse de pouvoir dire que la Confédération, les cantons et les communes ne doivent pas assumer seuls cette tâche : ils bénéficient du soutien de nombreuses organisations et associations qui s’engagent activement pour les enfants et le respect de leurs droits.
Je tiens à vous féliciter de votre présence ici aujourd’hui. Vous montrez ainsi votre opposition à toutes les formes d’abus, dont sont hélas victimes de nombreux enfants en Suisse comme dans le reste du monde. Par cette marche, vous contribuez à sensibiliser l’opinion publique.
Je souhaite que l’écho de vos pas résonne loin à la ronde et rappelle à chacun les efforts qui doivent encore être faits pour éliminer la criminalité à l’égard des enfants, pour que demain, chaque enfant puisse sourire à nouveau, puisse rire sans retenue, puisse se laisser aller à l’insouciance et aux jeux, sans crainte, sans contrainte, comme tous les enfants heureux du monde.
Je vous remercie de votre attention.