Mesdames, Messieurs,
Pour aujourd’hui, j’ai choisi Victor Hugo, non pas parce que je le préfère à tout autre. C’est un monument de la langue française, c’est vrai, et je l’apprécie énormément, pour son humanisme en particulier, sa profonde générosité, la tendresse qu’il met dans tous les mots qui décrivent sa vie familiale. En fait, il était simplement là, sur ma table de nuit, au moment où l’on m’a demandé de participer à cette journée du livre, à côté des « vers du capitaine » de Pablo Neruda et de l’anthologie de la poésie grecque.
Il était là, parce que je venais d’en acheter une nouvelle édition illustrée. J’ai eu envie de l’acheter et de le lire, parce que la mise en page et les images avaient un « je ne sais quoi » de nostalgique, qui me rappelait mon enfance et qui ajoutait à la beauté des mots.
Mais avant de passer à Victor Hugo, permettez-moi de vous lire une petite introduction à la poésie, de Jeanne Bourrin. Je trouver qu’elle parle de la poésie bien mieux que je ne saurais le faire et qu’elle exprime, ce que je ressens.
« Pendant longtemps, il n’y eut de poèmes que musicaux. Jusqu’au 16ème siècle, on n’imaginait pas de réciter des vers sans accompagnement musical…
Soudain, à notre époque, en ce 20ème siècle où tout change, où la rupture avec le passé s’accentue au point de devenir angoissante, la poésie semble perdre du terrain. Devenue plus difficile, voire hermétique, beaucoup moins familière, et moins populaire aussi, elle cède la place à la musique, qui déferle sur nous comme marée d’équinoxe…
Et pourtant…. Qui ne garde, au fond de sa mémoire, quelques bribes de poèmes à demi oubliés, quelques vers perdus, quelques complainte, fable, rondeau, madrigal, sonnet, élégie ou stance, qui reviennent à l’esprit au moindre prétexte ?
En dépit des apparences, rares sont ceux qui ne se sont jamais réveillés poursuivis par l’écho de rimes tournant obstinément dans leur tête, ou endormis en se berçant de vers confusément ressurgis de la nuit et du souvenir…
Combien d’amants ont soupiré :
« O temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! »
…
En croisant une personne affligée d’un nez agressif, la tirade de Cyrano s’impose d’elle-même ; et la nostalgie souffle souvent en nous :
« Mais où sont les neiges d’antan ? »
Certains vers sont devenus proverbes : La Fontaine n’a pas cessé de faire rimer bon sens avec harmonie poétique. Des centaines d’alexandrins ont porté nos émois et nos découvertes théâtrales :
« Rome, l’unique objet de mon ressentiment. »
« C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. »
« Le monde, chère Agnès, est une étrange chose. »
« Bon appétit, messieurs ! – O ministres intègres ! »
…
La poésie, c’est beaucoup plus qu’une forme littéraire, c’est la traduction ennoblie de nos émotions, de nos rêves, de nos peines, de nos désirs.
Il est de grands thèmes lyriques qu’on retrouve dans toutes les poésies du monde, mais on peut également y découvrir d’humbles vérités quotidiennes. Dieu, l’amour, la mort, le lait de la tendresse humaine, ou l’horreur, la peur, la misère et la douleur s’y rencontrent sans cesse, mais aussi le pain , la lampe, un chien, l’aiguille, le puits, une larme sur une joue d’enfant, un pommier en fleur ou un crapaud.
Tout est matière à poésie.
…
Contrairement à ce qu’on a pu croire, Poésie n’est pas morte. Elle n’est qu’endormie et demeure indispensable à la pensée humaine. Dont elle est une des formes d’expression les plus anciennes et les plus spontanées.
Nous redécouvrons que nous avons besoin d’elle pour rire et pour pleurer, pour maudire et pour aimer. Elle est notre amie et notre messagère. Un livre de poèmes n’est rien d’autre qu’un cœur ouvert, et il est grand temps qu’on redonne à un art qui a tenu une telle place dans l’histoire de la culture humaine le rôle qui lui revient dans la formation de nos sensibilités et de nos goûts : le premier.
Flaubert disait : « Lisez pour vivre ». En ce siècle matérialiste et technique où nous sommes, ne pourrait-on pas ajouter : Lisez des poèmes pour sauvegarder vos capacités de rêve, d’enthousiasme, d’imagination, pour conserver les possibilités d’évasion dont vous éprouvez un tel besoin, enfin pour vous réfugier ailleurs, dans le monde enchanté de l’harmonie poétique. Là où il nous est donné d’enfourcher Pégase, le cheval ailé qui nous emporte, bien loin de la médiocrité de chaque jour, de nos soucis ou de nos angoisses, dans le « champ des étoiles » dont parlait Hugo dans un de ces vers admirables que nous n’avons pas le droit d’oublier. »
Victor Hugo a, plus que tout autre, laissé des vers mythiques :
« Oh, combien de marins, combien de capitaines, qui sont partis joyeux pour des courses lointaines… »
« Mon père, ce héros au sourire si doux….. »
Aujourd’hui, j’ai choisi des poèmes moins connus, mais qui me touchent beaucoup. Ils tournent autour du même thème, l’enfance. Deux parlent de la violence faite aux enfants et ont un contenu politique. Les deux suivants sont plus gais et sont tirés de l’art d’être grand-père.