Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Depuis l’époque où Victor Hugo chantait le « geste auguste du semeur », les temps ont certes changé. Nous avons fait des milliers d’inventions et de découvertes. L’agriculture a changé aussi.
Mais pourtant, quelque chose est demeuré immuable. Presque partout dans le monde, comme autrefois, on sème du blé et l’on se nourrit de pain. Le blé est la première plante cultivée. Il est essentiel à la vie. A travers le monde, les surfaces cultivées se mesurent en millions d’hectares et les récoltes se chiffrent en millions de tonnes. Le blé se situe au premier rang des les échanges agroalimentaires internationaux. Il représente des enjeux économiques et commerciaux considérables.
Aujourd’hui, nous fêtons les semailles. En semant ces graines, nous faisons le même geste que nos ancêtres, le même geste que les agriculteurs du monde entier. Mais pour nous, ce geste n’est pas anodin. C’est à la fois un geste de résistance et un geste d’espoir.
C’est un geste de résistance, car nous voulons signifier que chaque agriculteur dans le monde doit pouvoir semer son blé librement comme il l’a toujours fait depuis la nuit des temps. Ce droit ancestral ne peut être remis en question par les grandes entreprises propriétaires de nouvelles semences brevetées, OGM en particulier.
Nous avons gagné une manche. L’initiative contre le génie génétique dans l’agriculture a eu plus de succès que nous ne pouvions l’espérer. Cela nous a montré, si c’était nécessaire, que la population n’est pas prête à accepter des cultures et une alimentation peu respectueuse de la nature. La campagne qui a précédé le vote l’a révélé, la population est aussi préoccupée de sa propre santé que des effets des OGM sur la nature et les autres plantes cultivées ou sauvages.
L’agriculture suisse a pris un virage important depuis plus de 10 ans et ce virage, ce n’est pas celui de la super-productivité, des grandes surfaces à l’américaine, ou l’on cultive des plantes au prix le plus bas et sans ménager les interventions chimiques, mais c’est celui de la qualité, du goût et des produits du terroir, c’est celui d’une agriculture proche de la nature.
Ce virage a été amorcé sous la pression des consommatrices et des consommateurs, mais aussi de l’ouverture du marché agricole et de la diminution des subventions à la production. La plupart des agriculteurs produisent aujourd’hui selon les méthodes de la production intégrée ou biologique.
L’acceptation par le peuple du moratoire sur les OGM a été une grande victoire, mais ce garde-fou ne doit en aucun cas nous faire baisser la garde. Deux événements récents viennent corroborer notre inquiétude :
L’Organisation mondiale du commerce vient de condamner les mesures d’interdiction portant sur neuf produits génétiquement modifiés prises par six pays européens : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, l’Italie et le Luxembourg. Une victoire pour les Etats-Unis, un pays très favorable aux OGM, qui mène depuis huit and une bataille juridique sans merci pour obtenir la suppression des barrières auxquelles sont confrontés ses producteurs. Les Etats-Unis avaient déposé plainte contre ce moratoire en mai 2003 après cinq ans de négociations infructueuses. Cela ne fait qu’augmenter la pression sur notre propre agriculture.
En outre, lors de la dernière session du Parlement fédéral à Flims, le Conseil des Etats, refusait à une nette majorité, une motion demandant un effort particulier dans la recherche « non OGM ». Heureusement, deux autres motions concernant le génie génétique, et qui allaient dans le bon sens, étaient acceptées.
Nous ne devons pas attendre la fin du moratoire pour nous préoccuper de l’avenir. Nous devons rester très attentifs, très actifs, pro-actifs, et commencer aujourd’hui à construire l’après-moratoire. Il reste beaucoup à faire…
L’avenir est à la culture biologique, parce qu’elle ménage la santé de l’être humain et en particulier de l’agriculteur et des consommateurs et consommatrices, des plantes, de l’eau et de l’air.