Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
L’initiative « eaux vivantes » a connu un grand succès auprès du public. Elle a récolté plus de 160’000 signatures. On peut donc considérer que le problème qu’elle aborde est largement reconnu par la population.
Il faut dire que les cours d’eau suisses sont très majoritairement utilisés, que ce soit pour l’approvisionnement en eau, la production d’électricité, l’irrigation ou autre. Quand ils ne sont pas utilisés, ils sont tout de même rectifiés, leurs berges et leurs fonds sont empierrés, voire bétonnés. Ils sont garnis de barrages, de seuils et d’autres aménagements destinés à freiner leur descente et à maîtriser les crues. Quelques-uns sont mis sous tuyaux. Bref, les rivières naturelles deviennent de plus en plus rares…
Or les rivières naturelles constituent des biotopes, pour les poissons bien sûr, mais aussi par toute une faune, qui fait pleinement partie de notre diversité biologique.
Les milieux humides sont parmi ceux qui ont le plus été touchés dans notre pays et par conséquent, la faune qui leur est liée tend à diminuer fortement, voire à disparaître. Plus de 90% des cours d’eau alpins ne sont plus naturels. D’après une estimation de l’Office fédéral de l’environnement, sur les 65’000 km de cours d’eau, 10’600 km sont très atteints et 5200 km sont enterrés. 50% des cours d’eau du Plateau sont couverts ou fortement aménagés. 8 des 54 espèces de poissons indigènes ont disparus de nos rivières et 36 espèces sont considérées comme en danger. Je ne citerai que l’apron, dit roi du Doubs, une espèce de poisson d’intérêt européen, dont il ne reste plus que quelques dizaines d’individus dans le Doubs. Nous sommes pour cette espèce au-dessous du seuil d’extinction.
L’initiative populaire « eaux vivantes » demande que les cours d’eau restent vivants. Pour cela, il faut leur donner plus de rives et de fonds naturels et plus d’espace. Les cantons devront créer un fonds de renaturation et devront financer des projets de remise de cours d’eau dans leur état naturel.
Cela ne s’oppose pas à la protection de la population contre les inondations ou à l’utilisation de l’eau dans des buts économiques. On a acquis de l’expérience dans la renaturation de cours d’eau exploités et anciennement canalisés et nous savons aujourd’hui préserver les intérêts économiques tout en donnant aux rivières un cours naturel.
Le 17 mai 1992, 66% des citoyens ont voté OUI à la révision de la loi sur la protection des eaux. Le monde politique a ainsi reçu le mandat du peuple de protéger les cours d’eau contre toute atteinte nuisible.
Où en sommes-nous 16 ans plus tard? La loi sur la protection des eaux demande que l’état naturel des cours d’eau soit autant que possible préservé ou reconstitué. Mais ces exigences ne fixent pas une obligation de revitalisation. Quelques cantons ont réalisés de bons projets et ont ainsi donné des signaux positifs. Mais ce sont des exceptions. La plupart des cantons prennent leur temps. Au rythme actuel de 15 kilomètres par année, il faudra plus de 1000 ans pour revitaliser nos cours d’eau !
Le contre-projet qui nous est proposé est de bonne qualité et résout une bonne partie des problèmes qui nous sont posés. Cependant, l’initiative va plus loin et est plus efficace sur certains points que j’aimerais relever.
Tout d’abord, les débits résiduels posent encore un problème. La loi prévoit certes le maintien de débits résiduels convenables dans les cours d’eau en aval d’un ou plusieurs captages. Mais le délai, fixé à 2012, ne sera pas respecté. Plutôt que d’accélérer la mise en oeuvre, le contre-projet assouplit encore les dispositions en matière de débits résiduels. Mesdames et Messieurs vous devrez expliquer cette situation au peuple lors de la votation.
Ce n’est pas par hasard que l’initiative prévoit un droit de recours. Si l’Etat ne met pas en œuvre les dispositions prévues, le peuple doit pouvoir intervenir. Ce point fait défaut dans le contre-projet.
L’initiative prévoit un financement par le biais d’un fonds cantonal inspiré du modèle du canton de Berne, modèle qui a fait ses preuves. La commission a apporté de nouvelles idées, ce que nous saluons. Mais un doute subsiste: les moyens nécessaires à la revitalisation de nos cours d’eau seront-ils garantis ou doit-on craindre leur suppression d’ici quelques années ? Une garantie de financement fait défaut. Je prie Monsieur le Conseiller fédéral Moritz Leuenberger de bien vouloir s’exprimer sur cette question.
Pour ces quelques raisons, je vous invite, Mesdames et Messieurs, à recommander l’acceptation de l’initiative populaire « Eaux vivantes ». Elle permettra de résoudre la plupart des problèmes de préservation des cours d’eau et mérite votre soutien à ce titre.