Photo: psn. Les candidates socialistes au Conseil d’Etat: Sylvie Fassbind, Gisèle Ory et Johanne Lebel Calame
elections • Candidate socialiste au Conseil d’Etat, la conseillère aux Etats Gisèle Ory pourrait bientôt occuper l’un des sièges de l’exécutif neuchâtelois .
Clara marc
Son élection serait significative. Si les habitants du canton la plébiscite, Gisèle Ory portera en effet une triple casquette. La directrice de Pro Infirmis Neuchâtel sera tout d’abord l’unique femme présente au sein de l’exécutif neuchâtelois, la conseillère d’Etat libérale-radicale sortante Sylvie Perrinjaquet ne se représentant pas. L’actuelle parlementaire fédérale représentera également les Montagnes, une partie du canton dont le sentiment d’abandon s’est largement accentué suite au déplacement de la Haute Ecole Arc à Neuchâtel et aux turbulences autour de la maternité. La candidate socialiste incarnera finalement le renouvellement de la majorité de gauche. Si le socialiste Jean Suder et l’écologiste Fernand Cuche reprennent leurs postes, hypothèse probable, l’arrivée de Gisèle Ory assurera au canton une seconde législature à majorité rose-verte. Entretien.
Vous êtes en place à Berne, pourquoi revenir au niveau cantonal?
La possibilité de créer des projets et de les mener du début à la fin m’attire. Au Parlement, on peut se prononcer sur des dossiers, mais pas les suivre de bout en bout. C’est encore plus le cas lorsqu’on appartient à un parti minoritaire: on change des mots et des virgules dans des lois que font les autres. Cela reste très important, bien sûr. Mais j’aime créer, élaborer et construire. Je l’ai d’ailleurs fait avec le parc du Doubs. En 1997, j’ai lancé l’idée des parcs naturels régionaux, puis créé une association. Depuis, une législation existe sur ce sujet et le parc naturel régional du Doubs a été reconnu comme tel.
Quelles seront vos priorités?
Cela dépendra du département qui m’est attribué. Si les trois conseillers sortants sont réélus et reprennent les mêmes dossiers, ce qui est probable, il restera l’économie et l’éducation à repourvoir.
Lequel préféreriez-vous?
Les deux me passionneraient. Avec la crise, l’économie sera vraiment sur le devant de la scène dans les années à venir. Il faudra aider les entreprises, les rendre plus fortes en prévision de la fin de la crise, soutenir la recherche et le développement, notamment dans les énergies renouvelables. Il faudra faire face à la hausse du chômage: en tant que canton industriel, Neuchâtel sera plus touché que d’autres. Il faudra également faire en sorte que le canton se situe à la pointe de la recherche et du développement, avec des entreprises innovantes. Nous avons déjà un bon terreau, il faut maintenant le cultiver.
Et au niveau de l’éducation?
Il s’agira de faire de la microtechnique un pôle d’excellence, de le faire connaître et de le développer. Il faudra également renforcer notre HES, qui n’a pas encore une place bien définie au sein de la HES-SO, ainsi que mettre le programme Harmos en place. Il y a aussi tout le problème des horaires continus, de la compatibilité entre vie familiale et professionnelle et de la prise en charge extrascolaire. La RPT exige également des cantons une réforme des institutions spécialisées, en répartissant ce qui va à l’éducation et ce qui va dans le domaine du social. C’est un chantier très important pour les personnes handicapées.
Vous venez du haut du canton, dont le ressentiment s’est accru suite à la précédente législature. Sentez-vous une certaine responsabilité envers leurs attentes?
Bien sûr. Mais en tant que conseillère d’Etat, il faut surtout défendre l’intérêt du canton dans son ensemble, tout en faisant attention de trouver un équilibre. Actuellement, les Montagnes ont le souci pouvoir garder les infrastructures qu’elles ont construites. Et cela devra aussi être le souci des autorités. Je pense qu’il faut entreprendre un processus de réflexion avec les autorités de La Chaux-de-Fonds et du Locle, et permettre aux habitants de ces deux villes de lancer et réaliser leurs projets.
Quel est votre regard sur le RUN, ce projet d’agglomération sensé réunifier Neuchâtel?
Il représente effectivement une chance de résoudre les problèmes de fractures dans le canton. Car dans ce projet, il n’est plus question de trois villes, mais d’une seule agglomération. Les infrastructures cantonales pourraient donc se situer indifféremment au Locle, à La Chaux-de-Fonds ou à Neuchâtel. Mais il faut que cela soit rationnel, il faut garder un équilibre. Pour concrétiser les choses, le Transrun représente un élément extrêmement important: avec la possibilité de traverser le canton en douze minutes, on est vraiment dans une agglomération. Ce trajet est plus court que de traverser le centre de Genève ou de Zurich. Les gens hésiteraient aussi moins à étudier, à travailler ou à habiter à La Chaux-de-Fonds
Vous serez probablement la seule femme de l’exécutif. Les représenterez-vous?
En politique, il reste difficile pour les femmes d’accéder à des niveaux importants, comme les exécutifs. Nous sommes environ 20%. @TBSR:Il est donc clair que je prendrai la parole en leur faveur au Conseil d’Etat. Je soutiendrai également les dossiers qui ont des conséquences pour elles, comme la scolarité ou la politique familiale. Même si je crois que ce dernier point est déjà pris très au sérieux par le gouvernement. Des efforts ont d’ailleurs déjà été faits dans le canton. Mais si je suis élue, je vérifierai que ce soit bien le cas, au niveau des salaires par exemple. Je ne sais pas comment sont calculés ceux de l’Etat, mais beaucoup se basent sur l’expérience. Or cela ne tient pas compte du fait que de nombreuses femmes arrêtent de travailler quelques années pour leurs enfants. Elles ne rattraperont jamais ce retard et seront toujours prétéritées.
Votre élection permettra également de renouveler la majorité rose-verte. Quelle politique la gauche devra-t-elle mener?
Elle devra continuer sa politique familiale et fiscale, en augmentant encore les allocations familiales ainsi que les déductions. Il faudra également créer de nouvelles places de crèches. Au niveau de la politique sociale, elle devra mener à bien un gros chantier de réforme des institutions sociales.
La majorité a été critiquée pour sa politique parfois trop à droite et des mesures «antisociales». Quelle est votre regard?
Au début de la précédente législature, l’état financier du canton exigeait de prendre des mesures drastiques. Il y a eu quelques «coupures» dans le social, mais à ma connaissance, tout a été rétabli. L’une d’entre elles touchait aux prestations complémentaires des plus démunis, et a beaucoup choqué. Pour ma part, je n’aurais pas pris cette mesure.
Avec la crise, la gauche sera également très attendue.
En effet. La première chose à faire sera de maintenir les emplois. Il faudra également mettre l’accent sur la formation continue, pour profiter du chômage partiel et ressortir plus fort de la crise. Il s’agira aussi des maintenir et de subventionner les ateliers de réinsertion sociale, voire d’en créer des nouveaux si cela est nécessaire. Il faut à tout prix éviter que des personnes deviennent dépendantes uniquement de l’aide sociale. Je suis également farouchement contre l’idée de diminuer les prestations chômages, et j’espère que le temps de chômage partiel pourra encore être prolongé.
Cela coûtera cher, et les finances neuchâteloises sont mauvaises.
Tout à fait. Nous devrons malgré tout continuer à mener une politique financière rigoureuse, car le canton n’est pas encore sorti de ses difficultés. Il faudra donc cibler ce que nous voulons, limiter les investissements à ce que l’on peut payer, et éviter les dépenses inutiles. Dans ce sens le Transrun doit devenir le grand chantier du canton. Après, nous devrons agir en fonction des besoins des différents secteurs et selon les possibilités du canton. Si le bâtiment connaît des difficultés par exemple, nous pourrons lancer le programme d’assainissement des infrastructures.
Face à ces dépenses, le frein à l’endettement est critiqué par votre parti. Quelle est votre position?
Il faudrait pouvoir l’analyser un peu plus largement. Je pense que maintenant que le canton va mieux, cet outil posera moins de problème. Et il reste un bon point de repère pour éviter des dépenses qu’on ne peut pas financer ensuite. Il faut en effet que tout le canton soit d’accord pour dépenser: cela évite que chacun ne fasse des dépenses pour son propre électorat, comme cela a pu être le cas dans le passé. Mais il est clair qu’en période de crise, il faut le réexaminer pour pouvoir prendre des mesures supplémentaires.
Que voulez-vous voir réalisé dans quatre ans?
Les finances de Neuchâtel doivent être stables, même si cela dépendra en partie de ce qui nous tombe dessus et de la longueur de la crise. L’idéal serait aussi d’avoir légèrement diminué la dette et stabilisé le degré d’autofinancement. La fiscalité des entreprises devra être revue, notamment à cause de la péréquation financière. Au niveau de la santé, la restructuration des hôpitaux devra être terminée, avec des hôpitaux attractifs. Il faudra des prix corrects associés à une bonne qualité. Le canton pourrait peut-être même se profiler dans une ou deux spécialités. Et il faut 1000 places de crèche supplémentaires.