Journée annuelle de la Société suisse de médecine et de soins palliatifs

Au nom des autorités cantonales neuchâteloises, je me réjouis d’accueillir votre société pour sa journée annuelle dans cet Aula des Jeunes Rives qui se prête bien à une telle manifestation. Le thème de votre rencontre est important.

Il  manifeste une reconnaissance désormais plus large des soins palliatifs par les milieux de la médecine et partant, du monde de la santé. En effet, le fait que l’Académie Suisse de Sciences Médicales ait élaboré cette année des directives médico-éthiques concernant votre domaine et collabore activement avec votre société à l’organisation de cette journée montre bien la place grandissante et désormais incontournable qu’occupent les soins palliatifs dans les préoccupations politiques de la santé de notre pays, tant  au niveau cantonal que fédéral. Le programme de votre journée le montre bien, vous pourrez aujourd’hui non seulement prendre connaissance du contenu de ces directives, mais aussi, voir comment elles peuvent influencer la pratique de l’accompagnement des personnes en fin de vie, et cela dans les différentes circonstances et domaines de la médecine et des soins.

Notre canton s’est engagé assez tôt dans ce domaine. A la suite de plusieurs initiatives privées, tant dans le Haut que dans le Bas du canton dès la fin des années 80 et d’une motion demandant l’intervention constructive de l’Etat dans ce domaine en 1990, notre loi de santé de 1995 précise, à son article 35, que « L’Etat veille au développement des soins palliatifs dans le canton». Le parlement cantonal (que je préside cette année),  le Grand Conseil, a concrétisé cette volonté, en 1996, en instituant le Centre de soins palliatifs la Chrysalide. Celui-ci, ouvert en octobre 1998,  a deux missions. Premièrement celle d’accueillir des patients relevant des soins palliatifs, dont la situation complexe nécessite une hospitalisation dans un unité de soins spécialisée. La deuxième mission de ce centre est de contribuer au développement des soins palliatifs dans l’ensemble des lieux de soins de notre canton, que ce soit par l’information, la formation ou par les conseils spécialisés de son équipe mobile. Vu la taille plutôt petite de notre canton, avec ses 170 000 habitants, l’option politique prise est partie du constat qu’un si petit canton ne peut pas financer tout un réseau de soins palliatifs. Il a préféré miser, au moins dans un premier temps, sur un « foyer ardent » , un centre de compétences comme cette institution,  pour les faire rayonner et se diffuser progressivement dans tout le réseau de soins neuchâtelois. Ce centre de soins palliatifs est le seul de l’Arc jurassien. Son action concerne donc aussi, même si c’est officieusement et un peu marginalement,  le canton du Jura et le Jura bernois. Ayant  statut d’hôpital public, l’unité de soins du Centre de soins palliatifs la Chrysalide est intégrée depuis le début de cette année, à l’Hôpital neuchâtelois, nouvelle entité hospitalière qui regroupe les 7 hôpitaux de soins physiques du canton de Neuchâtel. A n’en pas douter, cette intégration permettra, mieux encore que jusqu’à maintenant, de développer les soins palliatifs dans les différents hôpitaux de notre canton. Donc, le pari fait par les autorités neuchâteloises avec la création de cette institution semble avoir été le bon. En effet, l’excellence des prestations tant de soins que de conseil et de formation fournies par la Chrysalide ont fait de ce Centre, depuis son ouverture il y a huit ans, l’une des institutions de santé désormais incontournables de notre canton.

Mais venons en à une réflexion plus générale sur les soins palliatifs. Ils ont le mérite de bousculer les valeurs aujourd’hui politiquement correctes telles que la santé versus la maladie ou le handicap,  la jeunesse versus la vieillesse, la vie versus la mort, la vitesse et le changement versus la patience, la maîtrise versus le consentement à ce qui nous arrive, l’Homme-Dieu versus la finitude le la condition humaine. Les soins palliatifs, en plus des services qu’ils proposent aux personnes en fin de vie et à leurs proches, interpellent donc en profondeur la population et ses représentants politiques sur les choix qui vont devoir être faits dans le domaine de la santé et qui, aujourd’hui, ne pourront plus être longtemps différés

En effet, jusqu’à maintenant, les offres de prestations de santé se sont simplement additionnées, la logique des besoins illimités s’appliquant dans le domaine de la santé et celui-ci bénéficiant d’un certain tabou, lui évitant de fortes restrictions.

Mais aujourd’hui, cette logique s’est substituée à celle des moyens : les finances publiques ne peuvent plus suivre et répondre à toutes les demandes et à l’accroissement exponentiel de leur coût.  Notre pays souffre en outre d’avoir 26 politiques différentes de la santé, ce qui ne contribue ni à la cohérence ni à l’efficience des offres.  Pour ne pas tomber dans un rationnement arbitraire et dommageable des soins, des choix politiques importants vont donc devoir rapidement être faits. Ces choix devront résulter d’un large débat autour des notions de la santé, du droit à la santé et des limites à ce droit. Dans ce débat imminent de société, la présence des soins palliatifs rappelle la finitude de la condition humaine et donc aussi les limites de l’action de la médecine curative, même si les progrès de celle-ci , tant et aussi longtemps qu’ils sont efficients, sont naturellement aussi à développer.

Ne dit-on pas que la mort est ce face à quoi les humains sont les plus égaux ? Alors, éviter une médecine à deux vitesses passera probablement en tout cas par une accessibilité à des soins palliatifs de qualité pour toute personne en fin de vie, quelle que soit son âge, sa maladie, et sa condition, mais aussi où qu’elle se trouve (hôpital, institution pour personnes âgées ou handicapées, domicile).

Votre engagement dans ce domaine est donc non seulement important. Il est central.  Merci de le vivre avec compétence et humanité auprès des malades que vous soignez ainsi qu’auprès de leurs proches. Merci à l’Académie Suisse des Sciences Médicales d’avoir compris l’importance de cet enjeu et de s’y être fortement engagé.

Je souhaite une belle et enrichissante journée à chacune et chacun de vous.

 

 

 

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