Loi fédérale sur les langues

La Loi sur les langues que nous examinons aujourd’hui répond à une demande pressante des diverses minorités linguistiques de notre pays. Depuis longtemps, nous voulions une Loi sur les langues et depuis longtemps, le débat a été esquivé, repoussé, de peur sans doute de dévoiler les divergences que nous avions sur ce sujet. Nous avons préféré jeter un voile pudique sur nos difficultés à vivre ensemble, plutôt que de les affronter et de prendre des décisions politiques courageuses.

 

Nous avons coutume de dire, dans les discours du 1er août que la Suisse a une caractéristique extraordinaire : elle est née de la volonté de ses diverses populations de vivre ensemble. Elle n’est pas le résultat d’un partage autoritaire. Les cantons suisses ont voulu s’allier et ils l’ont fait.

 

Si cette caractéristique est extraordinaire, elle est aussi en même temps notre force et notre faiblesse. Si nous avons voulu vivre ensemble, c’est que nous avions des intérêts communs et que nous sommes pleinement conscients des avantages que nous retirons de notre collaboration. C’est notre force. En revanche, nous devons bien constater que nous avons réuni sous un même toit des populations diverses, des cultures diverses, des langues diverses, des religions diverses et vivre ensemble nous demande donc un effort particulier. Nous devons chaque jour aller à la rencontre des autres, tenter de les comprendre, de les accepter dans leur différence. C’est notre difficulté.

 

Notre attention ne doit donc jamais se relâcher. Vivre ensemble, cela n’est pas possible si l’on ne se comprend pas et la compréhension mutuelle passe par un vecteur : la langue. Cela signifie que dans toute la mesure du possible, les Suisses et les Suissesses doivent comprendre la langue de leurs concitoyens et concitoyennes. Ils doivent l’apprendre, la savoir aussi bien que possible, pour pouvoir accéder à la culture des autres et à la compréhension de leurs réactions, de leurs priorités.

 

Cette loi sur les langues est donc utile et nécessaire. Elle est un pas important dans la bonne direction, dans la reconnaissance et le respect des minorités linguistique.

 

Il en a fallu du temps pour arriver à ce résultat ! Aujourd’hui cette loi est sous toit. Elle a rencontré une bonne adhésion au Conseil national, ainsi qu’à la commission du Conseil des Etats. Je vous propose donc d’entrer en matière.

 

Pour y arriver, il a fallu que les minorités linguistiques se rappellent régulièrement au bon souvenir des majorités. Il a fallu que le mécontentement se fasse palpable. Il a fallu surtout les initiatives de plusieurs cantons alémaniques, fort peu goûtées en Suisse romande et au Tessin. Le ronronnement politique fédéral tend à faire parfois oublier que le respect des minorités est un des fondements de la cohésion de la Confédération et que sans cela, la Suisse ne peut exister. La compréhension mutuelle, la connaissance de la langue et de la culture des autres sont les fondements de cette reconnaissance.

 

Ce que nous discutons donc aujourd’hui, ce n’est pas seulement de savoir si l’on veut apprendre d’abord le français ou l’anglais ou si l’on veut engager des fonctionnaires tessinois, mais c’est de savoir si l’on veut assurer la pérennité du système suisse ou si nous voulons au contraire favoriser notre intégration dans l’Europe en faisant éclater peu à peu les frontières linguistiques, et donc culturelles et politiques.

 

Quant à moi, j’ai la faiblesse de penser que la Suisse et ses équilibres subtils méritent de survivre au 21ème siècle, méritent que l’on fasse quelques entorses au sacro-saint principe de l’autonomie des cantons en matière scolaire et culturelle.  Les nouvelles compétences données à la Confédération dans le domaine de l’instruction montrent que ces questions ne sont plus seulement cantonales, mais qu’elles deviennent fédérales.

 

J’ai du mal à comprendre la réticence du Conseil fédéral et le temps qu’il a fallu. Pourtant le devoir de légiférer sur les langues découle de l’article 70 de la constitution. La préparation d’une loi sur les langues est signalée dans le programme de législature depuis 1995. L’avant-projet a rencontré un accueil globalement favorable en procédure de consultation et les avis exprimés lors de la consultation ont été intégrés au projet.

 

En outre, le plurilinguisme est de plus en plus prisé. L’avenir appartient à ceux et celles qui sauront le plus de langues différentes. Je suis née à Bienne et je sais quelle est la force des Biennois, qui parlent deux langues depuis leur prime enfance et qui sont ensuite capables d’apprendre une troisième ou une quatrième langue beaucoup plus facilement que les autres. C’est une évidence, le plurilinguisme est une qualité extraordinaire et en le favorisant, nous donnerons à nos enfants des outils pour se battre dans le monde de demain, un monde où ceux qui peuvent jouer le rôle de liens entre les gens auront un rôle irremplaçable et hautement précieux.

 

Autrefois, tout le monde se déplaçait dans le courant de son apprentissage pour apprendre les autres langues nationales. Cela ne se fait moins. Il est temps de revenir à ces pratiques et surtout de ne pas les limiter aux jeunes qui font des études et qui pratiquent ces échanges dans le cadre des universités ou des HES. C’est toute la population qui doit se sentir concernée par l’apprentissage des langues.

 

Nous n’utilisons pas suffisamment notre potentiel d’immersion en Suisse. Alors que nous avons la possibilité de nous mélanger au cours de nos études, nous étudions l’allemand ou le français comme s’ils étaient parlés à l’autre bout du monde, loin  de la réalité. Nous aurions tout intérêt à mieux utiliser notre potentiel et à multiplier les échanges d’étudiants et d’enseignants, les écoles bilingues et les immersions.

 

Ceux qui estiment que les étrangers doivent savoir la langue du lieu pour pouvoir s’intégrer, ne trouvent-ils pas qu’il faut savoir les langues nationales pour être vraiment suisse ?…

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