Génie génétique dans l’agriculture

L’initiative contre le génie génétique dans l’agriculture a eu plus de succès que nous pouvions l’espérer.

 

Cela démontre que la population n’est pas prête à accepter n’importe quoi. Elle se préoccupe autant de sa propre santé que des effets des OGM sur la nature et les autres plantes cultivées ou sauvages.

 

On a souvent fait passer cette méfiance pour de l’ignorance, voire peut-être même pour de l’obscurantisme. Je crois que c’est le contraire, car « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Ce qui veut dire que lorsque l’on fait de la recherche, on a une responsabilité éthique, une responsabilité qui va au-delà de savoir si les recherches que l’on fait vont mener à un produit qui va bien se vendre et rapporter beaucoup d’argent. Nous avons aussi à nous préoccuper de connaître les effets globaux des nouveaux produits sur la santé humaine et l’environnement. J’ose espérer, justement, que nous ne sommes plus dans ces temps obscurantistes où l’on agissait sans tenir compte de l’avenir et des générations qui nous suivront.

 

Nous subissons déjà les dégâts que nos parents ont fait et je ne crois pas que nous devions être contents de ce qu’ils ont fait, sans se préoccuper de nous, comme par exemple de jeter des fûts de déchets radioactifs dans la mer, de faire des essais nucléaires en atmosphère, de polluer gravement l’air, la terre et l’eau, de détruire la couche d’ozone ou d’épuiser nos ressources naturelles. Nous devons gérer aujourd’hui des situations difficiles, qui ont des répercussions sur la santé publique. Nos enfants et nos petits enfants devront encore les gérer et je ne suis pas sûre qu’ils nous remercieront des dettes que nous leur laissons dans le domaine environnemental.

 

La population a donc eu raison de plébisciter le moratoire et d’exiger des preuves avant de se lancer dans une nouvelle technologie, certes prometteuse, mais susceptible d’avoir des conséquences importantes lors de son application à grande échelle et en particulier de créer des déséquilibres entre les essences naturelles.

 

Nous avons maintenant le temps de pousser la recherche sur les OGM dans une bonne direction. Nous avons même le devoir de le faire. Cependant, nous ne devons pas oublier d’autres types de recherches, plus prometteuses encore, parce qu’elles posent moins de problèmes écologiques et sanitaires.

 

S’enfermer dans des recherches qui posent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Oublier de regarder les domaines qui s’ouvrent dans la recherche et qui sont porteurs d’avenir, ce serait vraiment faire preuve d’obscurantisme.

 

L’avenir est à la culture biologique, parce que c’est la seule production qui ménage la santé de l’homme, et en particulier de l’agriculteur et du consommateur, des plantes, de l’eau et de l’air, qui ménage le sol et maintient sa productivité. J’ajoute qu’elle est aussi la production la plus gourmande, du point de vue du goût. C’est ces recherches sur lesquelles il faut mettre le poids. C’est là qu’il faut investir pour l’avenir, afin de trouver des méthodes plus efficaces et moins chères de lutte biologique.

 

Les agriculteurs ont été encouragés à se tourner vers la production intégrée et ils ont su prendre ce virage, même si ce n’est pas encore facile pour tout le monde. Si l’on veut positionner la Suisse au niveau international et exporter notre production, nous ne pouvons nous appuyer que sur la qualité exceptionnelle de nos produits. Il faut aller de l’avant et faire le pas de l’agriculture biologique. Et il faut faire les recherches dont nous avons besoin pour cela. La lutte biologique est encore aux balbutiements et les agriculteurs méritent d’être soutenus dans leurs efforts. Nous avons besoin de ces recherches. Elles permettront aussi à la Suisse de se faire une réputation en matière de recherche très innovante.

 

Les consommateurs ne veulent pas des OGM. Les agriculteurs ne veulent pas des OGM. Les électeurs ne veulent pas des OGM. Pourquoi continuer à avancer dans une impasse jusqu’à ce que l’on se tape dans le mur ?

 

La recherche sur les OGM est encore loin de nous donner les clés nécessaires et nous devrons sans doute la poursuivre bien au-delà des cinq années prévues par le moratoire.

 

Selon le New Scientist du 29 juillet 2006, la Chine vient d’en faire encore une fois l’expérience. L’université de Cornell a étudié la question du coton et constaté que les paysans chinois ont subi récemment de grosses pertes en cultivant du coton transgénique. La plante a résisté à son principal ennemi, la chenille de la capsule du coton, mais des parasites secondaires, les punaises du cotonnier,  se sont rapidement développés et pour les combattre, les paysans ont dû pulvériser des insecticides jusqu’à 20 fois par an, et ceci a un coût très élevé.

 

La Suisse compte une proportion croissante d’agriculteurs qui se mettent à la production biologique. Pour eux, le développement de cultures transgéniques est un problème grave. Les croisements entre les plantes sont souvent possibles et les cultures biologiques peuvent être polluées de cette manière. Les surfaces cultivées sont très imbriquées en Suisse, où les domaines sont très petits, ce qui cause des risques bien plus élevés de pollutions croisées.

 

Nous ne sommes pas encore en mesure aujourd’hui de faire des essais en plein champ en toute sécurité et je m’oppose à ce que nous le fassions, même à titre de recherche et d’expérimentation de petite envergure. Lorsqu’on lâche un gène dans la nature, on ne le rattrape pas. Il vit sa vie, en-dehors du professeur qui l’a lâché. Il se combine, mute et se recombine selon son destin. Peut-être qu’il ne se reproduira pas, parce que ces semences sont dites terminator. Ce n’est même pas sûr. Un produit muté pourrait un jour se reproduire et remettre en cause l’équilibre naturel.

 

En ce qui concerne la recherche, il est évident qu’elle doit être menée par des experts indépendants et que le choix des projets de recherche doit être transparent. L’évaluation des risques et de l’utilité des OGM doit se référer aux standards de l’agriculture sans manipulation génétique.

 

Groupes d’experts et d’accompagnement

 

Le groupe de scientifiques s’est constitué selon des principes assez peu démocratiques. Il est nécessaire que des experts non concernés directement par les recherches, voire de la coordination anti-OGM, complètent les rangs. Actuellement, je veux savoir qui sont ces experts et comment les travaux de recherche vont être sélectionnés. Si le groupe d’accompagnement ne se compose que de personnes directement concernée, alors il manquera de crédibilité et le sort des OGM sera scellé.

 

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