Fête du 1er août aux Brenets

Chères Concitoyennes, Chers Concitoyens, Chers Amis des Brenets et d’ailleurs, qui fêtez ce soir avec nous,

 

Et si, ce soir, nous laissions un peu errer notre imagination ? Fermez les yeux et imaginez qu’il y ait une bonne fée et que vous puissiez faire trois vœux pour la Suisse de demain. Que choisiriez-vous ?…

 

Il y aurait sans doute autant d’avis que de personnes ici réunies. Il faudrait donc discuter pour se mettre d’accord…. Qui souhaite que notre pays vive en paix ? Tout le monde, probablement ? Alors la paix, c’est notre premier voeux ! Quoi d’autre ? Le travail ? La croissance ? La richesse ? L’ouverture sur le monde ? La beauté d’une nature préservée, comme ici au seuil du Parc naturel régional du Doubs ? Tout le monde ne mettrait pas ces différents points dans le même ordre. Il y aurait ceux qui veulent l’Europe, il y aurait ceux qui préfèrent leurs montagnes, il y aurait ceux qui veulent la croissance, il y aurait ceux qui préfèrent ménager l’environnement.

 

Eh oui, il y a autant de désirs, autant de rêves que de Suisses et de Suissesses, et pourtant, nous vivons tous ensemble depuis des siècles.

 

Ca n’a pas toujours été facile. Nous avons bien failli en découdre quelquefois. Ce serait faux de vouloir montrer de la Suisse une image toujours lisse. Cela n’a certainement pas été simple d’intégrer chaque nouveau canton qui entrait dans la Confédération au cours des siècles. Pensons en particulier à l’arrivée simultanée de plusieurs cantons francophones, dont le nôtre, dans une Suisse presque exclusivement alémanique au début du 19ème siècle. Quel changement de paradigmes !

 

Non, il y a eu des conflits. Le dernier conflit grave a même mis en présence des armées de différents cantons, prêtes à s’affronter.

 

Et aujourd’hui, nous ne sommes pas toujours d’accord non plus. Heureusement, nous nous contentons de l’exprimer dans nos discours, au café du coin ou en lançant des initiatives et des référendums et non plus les armes à la main. Mais, combien de fois avons-nous été fâchés, déçus par une décision de nos autorités ou même du peuple? Peut-être chaque fois que nous n’avons pas été du côté de la majorité, que nous pensions autrement, que nous aurions fait autrement.

 

Cependant, même les conflits ont un côté positif. Ils nous obligent à nous positionner, à écouter les autres, à nous remettre en question, à discuter, à chercher de nouvelles solutions, si possible meilleures.

 

Parce que nous devons affronter ces conflits et chercher des équilibres depuis le début de notre histoire, nous avons appris peu à peu à nous respecter les uns les autres, à tenir compte des minorités, à imaginer des modes de fonctionnement avec plusieurs langues, à ménager des espaces pour les différentes religions. Nous avons créé des instruments, qui nous permettent de gérer les conflits.

 

Ces instruments sont devenus notre fierté. Il y en a beaucoup, je n’en citerai que quelques-uns : la démocratie directe, avec l’initiative et le référendum, la décentralisation, l’autonomie communale, qui n’est pas reconnue depuis très longtemps d’ailleurs, le fédéralisme et même le Conseil des Etats, dont le rôle est de donner un espace de parole privilégié aux petits cantons.

 

Pourtant, l’équilibre de la Suisse reste un continuel défi. Vivre ensemble est un apprentissage qu’il faut faire et refaire chaque jour. Chaque génération doit réinventer sa manière de travailler ensemble, d’être Suisse, et doit apporter sa pierre à l’édifice commun.

 

La Suisse n’est pas intangible. Au contraire, elle change beaucoup. Elle a toujours beaucoup changé. Son territoire s’est étendu progressivement. Il a fallu intégrer de nouveaux dialectes, de nouvelles habitudes, de nouveaux projets. Le dernier canton que nous avons accueilli, n’a que 30 ans !

 

Année après année, nous avons relevé ce défi  depuis des siècles! Jour après jour, nous avons réussi à rétablir ces multiples équilibres qui font la Suisse. Cela signifie, qu’au-delà des tremblements qui peuvent l’affecter, la Suisse est bien ancrée dans sa terre. Notre identité est forte et nous ne devons pas avoir peur de la perdre.

 

En réalité, l’aventure Suisse est tout à fait extraordinaire. La Suisse s’est créée en-dehors de toutes les lois qui régissent d’habitude la constitution des Etats. Ce mouvement, parti de la montagne, des villages, a conquis la plaine et les villes. La Suisse s’est créée par un acte volontaire, autour de valeurs fondamentales et partagées.

 

Je citerais en premier lieu la solidarité. Elle était déjà présente le 1er août 1291, quand Walter Fürst, Werner Stauffacher et Arnold de Melchtal conclurent le pacte du Grütli pour se prémunir de la « malice des temps et de la puissance du prince », selon les termes de l’époque. Elle est encore aujourd’hui le ciment qui unit notre société. Mais il y a aussi bien sûr la liberté, la démocratie, l’ouverture au monde et la tolérance.

 

Nous perpétuons ces valeurs depuis des générations. Nous les partageons avec tous nos Confédérés. Nous les transmettons aussi à ceux qui viennent vivre chez nous.

 

Fêter le 1er août, c’est réaffirmer notre conviction que nous avons un projet commun, la Suisse, et que nous pouvons, aussi différents que nous soyons,  apporter notre contribution à la construction de notre avenir commun.

 

Cet avenir commun, c’est à nous de le faire aujourd’hui, à nous tous et toutes qui vivons dans ce pays, que nous en soyons citoyens et citoyennes de longue date, depuis peu ou pas du tout. Oui, la Suisse s’est faite par l’engagement de tous ses citoyens, mais elle s’est aussi faite du travail de tous ceux et toutes celles qu’elle a accueilli peu à peu au cours des siècles.

 

Que serions-nous sans vous qui habitez la Suisse depuis peu, vous, Suisses et Suissesses de la première, de la deuxième ou de la 3ème génération ?

 

Si les faiseurs de Suisses des années 60 avaient encore l’ambition d’assimiler les étrangers et de leur apprendre à faire la fondue et les röstis, nous savons aujourd’hui que ceux qui viennent d’ailleurs, viennent avec toutes leurs richesses culturelles et nous les offrent, comme nous leur offrons les nôtres.

 

La Suisse est forte de sa diversité, de ses multiples cultures. Notre tradition d’accueil nous permet de nous enrichir de nombreuses autres cultures et de transmettre aussi nos valeurs à d’autres.

 

La Suisse est au cœur de l’Europe. Elle a une place à y assumer. Nous ne savons pas quand, ou si, nous entrerons dans l’Europe, mais nous pouvons déjà participer au développement de notre continent et affirmer notre solidarité avec les peuples de l’Union européenne, et en particulier, avec ses nouveaux membres.

Nous participons au développement économique de l’Europe. Nous voterons encore probablement sur la reconduction des accords bilatéraux et sur leur extension à la Roumanie et à la Bulgarie. Le Parlement l’a voté avec conviction, car la voie de l’isolement est dangereuse pour notre avenir tant économique que diplomatique.

 

La Suisse aura ces prochaines années de nombreux défis à relever :

–      Sociaux, par le maintien de la solidarité entre les plus riches, les classes moyennes et les plus pauvres,

–      Écologiques, avec  la lutte contre le réchauffement climatique et la reconversion énergétique qui deviennent urgentes,

–      Économiques, par le maintien de son dynamisme et de sa capacité d’innovation.

 

Pour réussir cela, il faut que nous tirions tous et toutes à la même corde. Cette veille de fête nationale, c’est une occasion de nous rappeler que nous avons choisi de vivre ensemble, que cela nous a plutôt bien réussi et que nous avons encore à construire notre avenir ensemble.

 

Je vous remercie.

 

 

 

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