Le canton de Neuchâtel a connu quelques années fastes et a vu son économie se développer de manière très réjouissante. La courbe démographique a comme toujours suivi le développement économique et nous avons battu un record de population en dépassant pour la première fois de notre histoire la barre des 170’000 habitants. Cette embellie nous a permis de boucler les comptes de l’Etat avec un bénéfice et des réserves.
Ces réserves ne nous seront pas inutiles, parce que les années à venir ne s’annoncent pas aussi bonnes. Le monde s’enfonce dans une crise financière toujours plus profonde. La récession économique est en train de suivre dans le monde entier. On peut même parler de crise. Certains disent qu’il s’agit même de la crise la plus grave que nous ayons connue depuis 1929.
Le canton de Neuchâtel est particulièrement sensible à ces périodes fastes et néfastes, parce qu’il est très industriel et très exportateur. Des centaines de personnes au chômage depuis le début de cette année. 4,6% de chômeurs, soit près de 4000 personnes. Des milliers d’annonces de chômage partiel. La situation est très préoccupante.
La Confédération a mis en place un deuxième programme, qu’elle n’a pas voulu appeler de relance, mais qu’elle a appelé de stabilisation conjoncturelle de 700 millions. La Confédération va investir dans la construction, en premier lieu d’infrastructures routières (300 millions) et ferroviaires (150 millions), mais aussi dans la recherche, le développement, l’innovation et les contributions aux EPF (80 millions au total), l’extension provisoire des prestations de l’Assurance suisse contre les risques à l’exportation et la loi fédérale encourageant la construction et l’accession à la propriété de logements.
Le canton de Neuchâtel a également prévu un plan d’aide conjoncturel de 24 millions, portant essentiellement au maintien de l’emploi par une aide de 10 millions aux entreprises, à une garantie de 10 millions de crédits et à 4 millions pour l’assainissement des bâtiments et l’encouragement aux énergies renouvelables.
Je crois que chacun est bien conscient de la modestie de ces chiffres, tant ceux de la Confédération que ceux du canton. C’est pour cela d’ailleurs que ni la Confédération, ni le canton n’ont voulu parler de plan de relance. Il s’agit vraiment d’une stabilisation ou d’une aide conjoncturelle et de rien de plus. Il faut voir aussi que le trou dans lequel nous sommes en train de tomber est d’une telle ampleur que l’Etat, que la droite a voulu maigre, n’a aujourd’hui tout simplement pas les moyens d’agir de manière réellement efficace. L’Etat fait donc ce qu’il peut.
L’objectif principal est de maintenir l’emploi autant que faire se peut. On privilégiera donc dans ce contexte les mesures de chômage partiel, qui ont l’avantage de conserver le savoir-faire des employés, de leur permettre d’utiliser leur temps libre pour parfaire leur connaissances et améliorer leur compétences par la formation continue et de les préparer à reprendre le travail dans de meilleures conditions dès que la conjoncture s’améliorera. Ils restent aussi à la disposition des entreprises qui n’aura ainsi pas de peine à recruter et à former au moment de la reprise.
Le deuxième objectif est de permettre aux entreprises exportatrices de continuer à exporter à des conditions légèrement facilitées, par la garantie des risques en particulier. C’est bien l’industrie d’exportation qui paie le plus lourd tribu à la crise mondiale. Et Neuchâtel est donc parmi les premières victimes, comme canton industriel et exportateur.
Le troisième objectif est de soutenir la construction, qui est en général un domaine qui souffre des crises conjoncturelles. Il n’est pas celui qui souffre le plus au premier abord.
Le dernier objectif, c’est de nous assurer un avantage concurrentiel au moment de la reprise en nous insérant sur le marché avec de nouveaux produits innovants, grâce au soutien accru des EPF, de la recherche, de l’innovation et du transfert technologique des hautes écoles à l’industrie.
Neuchâtel a décidé d’investir plus particulièrement dans le secteur de l’énergie et je suis sûre que c’est un bon choix, parce que Neuchâtel dispose d’un grand savoir-faire en matière d’énergie renouvelable. Le canton peut se faire un nom dans ce domaine, dans la foulée des recherches menées à l’université et des nouvelles chaires en photovoltaïque et en géothermie.
Et nous savons que nous sommes à une époque charnière en matière d’énergie. Le prix du pétrole commence à faire le yoyo. Il devient extrêmement sensible. Il y a une tension entre l’offre et la demande. L’EPF prévoyait un dépassement de l’offre par la demande dès 2010. C’est tout près. Nous savons que tôt ou tard le pétrole sera hors de prix et qu’il faudra trouver d’autres moyens de produire de l’énergie. Ceux qui auront pris de l’avance auront un avantage concurrentiel certain. Or la Suisse est actuellement en retard sur les autres pays européens dans ce domaine. L’Espagne et l’Allemagne en particulier ont des programme énergétiques très ambitieux.
Neuchâtel vise l’autonomie énergétique pour 2015, c’est faisable, à condition d’avoir une politique énergétique volontariste. Les énergies renouvelables n’ont pas qu’un intérêt concurrentiel. Elles sont aussi productrices de petites entreprises et d’emplois. Ce sont des milliers de PME qui peuvent voir le jour. On parle d’environ 50’000 emplois à créer dans les secteurs photovoltaïque et thermique.
Objectifs financiers du canton
Continuer l’assainissement des finances de l’Etat : redéfinir les missions, supprimer les missions qui ne sont plus indispensables, réduire la masse salariale par des départs à la retraite non compensés, améliorer la collaboration à l’intérieur de l’administration (décloisonner).
Améliorer le rendement de l’impôt, en s’assurant que tous ceux qui doivent payer des impôts en paient effectivement (lutte contre la fraude fiscale) et attirer des contribuables en améliorant l’image fiscale du canton.
Desserrer l’étau sur les plus démunis en permettant des rééchelonnements des paiements dans les situations de vie difficiles.
Instruments de maîtrise des finances
La politique financière est déterminée par les instruments de maîtrise des finances entrés en vigueur le 1.1.05. Le frein à l’endettement limite tant l’excédent de charges du compte de fonctionnement que le montant des investissements nets, par le biais du degré d’autofinancement. Les budgets 2006 et 2007 ne peuvent présenter un excédent de charges supérieur à 3% des revenus hors subventions à redistribuer et imputations internes, ni un degré d’autofinancement des investissements inférieur à 60%. Dès 2008, les valeurs limites seront de 2% pour l’excédent de charges et de 70% pour le degré d’autofinancement des investissements.
Si ces valeurs limites ne sont pas respectées, le Grand Conseil peut adopter le budget, à la majorité des 3/5, s’il adopte simultanément une augmentation appropriée du coefficient de l’impôt cantonal direct dû par les personnes physiques. Les lois et décrets qui entraînent des dépenses de plus de 5 millions, une diminution ou une augmentation des recettes fiscales de plus de 5 millions de francs par année, doivent être votés à la majorité de 3/5.
Une économie durable
Créer les conditions de l’émergence d’une économie durable par l’élaboration d’un agenda 21 et sa mise en application, tant au niveau de l’économie, de la société que de l’écologie.
Créer les conditions cadre permettant de développer un pôle d’importance internationale, notamment en développant des synergies entre les institutions qui sont engagées dans l’enseignement, la recherche et le développement dans les domaines des microtechniques, nanotechnologies, horlogerie, biomédical, électronique et spatial (Université, EPFL, HE-Arc, IMT, CSEM, Observatoire, NEODE). Université, EPFL et instituts de recherches doivent devenir les moteurs de l’innovation et de l’économie de demain.
L’économie de proximité est la base de notre tissu industriel : faciliter la création d’entreprises, favoriser la formation duale, revaloriser les métiers manuels, permettre d’atteindre un haut niveau de qualité par les possibilités offertes sur place par la HE-Arc en synergie avec les entreprises et par la formation continue.
Les conventions collectives de travail doivent devenir la règle, en particulier dans les professions actuellement mal protégées, comme l’hôtellerie-restauration et la vente. Les travailleurs pauvres doivent disparaître au profit de conditions de travail décentes. La lutte contre le travail au noir doit s’intensifier.
Les résultats de la promotion économique doivent être évalués régulièrement.
Le tourisme doit être repensé en fonction des forces et des faiblesses que nous avons. En particulier le tourisme de conférence ne doit pas rester le seul symbole de Neuchâtel, alors que selon les sondages, les gens viennent à Neuchâtel essentiellement pour ses paysages et sa verdure. Les parcs naturels régionaux doivent promouvoir une image innovatrice de Neuchâtel et canaliser le tourisme jurassien.
Promotion économique
Il est difficile de savoir combien rapporte la promotion économique exogène, car il faut tenir compte des impôts, des emplois, des revenus des personnes, des sous-traitances, etc. 70% des employés vivent dans notre canton. Les salaires y sont plus élevés que la moyenne. Le retour fiscal est d’environ 100 millions (60 millions pour les personnes physiques et 38 millions pour les personnes morales).
8 à 10% des entreprises paient 90 – 95% des impôts. Il faut donc en tenir compte.
Le but est de créer des emplois pour assurer le niveau de vie de la population et la valorisation du savoir-faire de haute précision. On va donc diminuer l’effort sur la promotion économique exogène et se recentrer sur l’endogène, le coaching aux entreprises, la recherche, le développement et le transfert de technologies des hautes écoles aux entreprises.
La promotion économique doit donc être orientée dans trois directions principales :
– Recherche d’entreprises exogènes ou endogènes pour le haut du canton, avec l’arrêté Bonny.
– Création d’un pôle de recherche et d’innovation dans le bas avec la jonction entre l’EPFL, IMT, CSEM et soutien à la promotion de l’innovation par de nouveaux instruments fiscaux.
– Développer le capital risque pour aider les start-up et spin-off.
– Trouver de nouveaux arrangement fiscaux de manière à être moins dépendant de l’arrêté Bonny.
En principe, l’impôt cantonal ordinaire sur le bénéfice est progressif entre 6% et 10%, l’impôt sur le capital est fixe et de 2,5°/°°. Notre impôt sur le bénéfice est proche de la moyenne suisse. L’impôt sur le capital est plus élevé que la moyenne suisse.
On remarque tout d’abord que des sociétés bénéficient d’allègements, puisqu’on n’arrive pas à 6% (160 sociétés sur 4400, dont 80 en profitent réellement).
Dans le cadre de la péréquation financière fédérale, Neuchâtel ne reçoit que 148 millions en 2008, contre les 168 annoncés. Perte de 20 millions. Cela est dû à l’indice du canton qui passe de 84,2 à 96,5, reflétant l’amélioration du potentiel de ressources de 3199 millions en 04-05 à 4373 millions en 2008.
Entre les deux évaluations, le potentiel de ressources des personnes morales a augmenté de 140%. Neuchâtel n’avait pas pris en compte les bénéfices des sociétés exonérées de l’impôt cantonal et communal pour calculer son potentiel de ressources, or Neuchâtel accorde des allègements importants, de telle sorte que les bénéfices imposables ont été fortement sous-estimés. Neuchâtel avait demandé à la Confédération qu’on n’en tienne pas compte. La Confédération avait refusé, mais on a quand même fait comme si elle avait accepté.
Si on tient compte du potentiel de ressources des personnes morales, Neuchâtel est un canton fort, parmi les plus forts de Suisse… Le potentiel de ressources des personnes morales positionne Neuchâtel au cinquième rang de Suisse, après ZG, GE, BS et ZH. Mais Neuchâtel n’impose que trop peu ses sociétés et ne tire qu’un impôt faible, qui nous classe à l’avant-dernier rang…