40 ans du Registre des tumeurs, Neuchâtel
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs les députés,
Dans votre interpellation, vous posez la question du développement d’un pôle de compétences en oncologie. Les besoins en la matière sont avérés: ce sont en effet, près de 1000 nouveaux cas de cancer chaque année, soit en moyenne entre 2004 et 2008, 416 femmes et 480 hommes qui ont eu besoin de soins spécialisés en oncologie. Chaque année en moyenne, ce sont aussi 424 familles qui sont endeuillées à cause du cancer, avec des besoins en soins palliatifs et un accompagnement en fin de vie. Ces chiffres nous interpellent. Pourra-t-on prévenir plus de cancers, la prise en charge peut-elle être améliorée, qui sont les acteurs autour du malade cancéreux, les traitements coûteux bénéficient-ils aux bons malades ? Pour y répondre, j’ai demandé au Service de la santé publique d’entamer une réflexion, en phase avec le plan directeur de prévention et de promotion de la santé. Cette réflexion devrait aboutir à un plan cancer cantonal, selon le cadre du plan cancer national élaboré par Oncosuisse. Jusqu’alors, seul le canton de Zoug à élaboré un tel plan. Nous attendons avec intérêt cet automne les résultats de ces travaux avec des recommandations pour l’organisation des soins aux malades, à leur soutien et à leurs proches, et en amont à l’amélioration de la prévention et du dépistage. HNe dans sa réflexion stratégique et la mise en place de projet de services devrait aussi formuler des propositions sur l’offre médicale réalisable, qui pourrait ainsi apparaître sous forme d’un pôle de compétences hospitalières. Sur cette base, nous pourrons mettre ce plan en consultation auprès du Conseil de santé, et après l’avoir examiné au niveau du Conseil d’Etat, le transmettre au Grand Conseil.
La surveillance des cancers par le RNT
Vous posez la question pertinente des instruments nécessaires pour piloter la prévention et les soins, et justifier les investissements hospitaliers en oncologie qui devraient croître avec le vieillissement de la population. Dans ce sens, un Registre des tumeurs est un instrument reconnu dont l’utilité peut se décliner comme suit : la surveillance épidémiologique des cancers; l’évaluation des programmes de dépistage et la promotion de la qualité des soins aux patients.
Un groupe de travail émanant du RNT m’a présenté un rapport complet sur l’avenir du RNT dont vous avez aussi eu connaissance. Pour la surveillance épidémiologique des cancers, le RNT collecte, traite et enregistre dans une base de données les informations essentielles concernant les nouveaux cas diagnostiqués dans la population neuchâteloise. Ces informations permettent d’établir des statistiques et de suivre l’évolution dans le temps des différentes formes de cancers notamment en fonction du sexe et de l’âge ainsi que d’en apprécier les chances de survie. Ces donnés peuvent également être exploitées notamment pour des études sur le risque de tumeurs multiples, les analyses de risque familial, voire des comparaisons géographiques à l’échelle nationale et internationale. Finalement, cette surveillance contribue à la base nationale des registres.
La présence d’un registre des tumeurs est aussi essentielle pour la réalisation et l’évaluation d’un programme organisé de dépistage et, partant, en assurer la prise en charge parmi les prestations inscrites dans l’assurance maladie de base.
Pour ce qui est de son financement, le RNT a été soutenu financièrement de 1972 à 1984 par la Ligue neuchâteloise contre le cancer (LNCC) qui disposait d’un subside du canton à cet effet ainsi que par une subvention de la Confédération. Dès 1985, l’Etat s’est engagé à subventionner le RNT sans toutefois accepter que celui-ci devienne un service de l’Etat. La LNCC s’est dès lors engagée à garder le RNT sous sa surveillance et sous sa responsabilité. Dès le 1er janvier 2000, une convention entre l’Etat de Neuchâtel et la LNCC a été signée pour le soutien au Registre neuchâtelois des tumeurs. La LNCC et l’Etat allouent annuellement le montant nécessaire à la couverture du déficit du registre des tumeurs à raison de 60% de la somme totale à la charge de la LNCC et 40% à l’Etat. Cette convention par la suite a été prorogée d’année en année. Depuis 2008, sans que la convention soit officiellement dénoncée, l’Etat a transformé sa contribution en subvention d’un montant fixe laissant la LNCC couvrir le solde du déficit du RNT.
Concernant toujours le financement du RNT, une délégation du Comité directeur de la LNCC m’a informé il y a de cela 2-3 mois de sa décision de se retirer à terme du financement du RNT ainsi que de ne plus ne plus prendre en charge la quote-part pour les mammographies réalisées par les neuchâteloises dans le cadre du programme neuchâtelois de dépistage du cancer du sein géré par le Centre de dépistage du cancer du sein BEJUNE (CDCS BEJUNE) à compter du 1er mai 2011. Elle a fait valoir principalement des problèmes financiers et dans ce contexte, sa volonté de se recentrer sur son but premier qui est l’accompagnement, social, thérapeutique des victimes d’un cancer et de leurs proches. De manière à pouvoir planifier l’éventuelle intervention financière supplémentaire de l’Etat en lien avec le RNT, j’ai demandé à la LNCC de me communiquer un plan de désengagement financier du RNT, ce qu’il doit faire prochainement. Dans ce contexte, la question du financement complet du RNT par l’Etat va se poser très prochainement. En l’occurrence, le plan cancer qui est actuellement en réflexion doit précisément nous permettre de situer plus globalement la place et la fonction du RNT dans ce dispositif et de présenter des options d’organisation et de financement futur qui seront soumises au Conseil d’Etat ainsi qu’au Grand Conseil.
Concernant l’ancrage législatif du RNT, si celui-ci est souhaité, deux solutions principales existent, comme en atteste une comparaison des différents régimes cantonaux existants : loi spécifique sur le RNT, comme au Tessin, ou disposition spéciale dans la loi sur la santé, comme dans le Jura (disposition s’étendant potentiellement à d’autres registres épidémiologiques aussi), accompagnée au besoin d’un règlement du Conseil d’Etat. Dans ce contexte, il convient de relever qu’un avant-projet de loi fédérale sur les registres des diagnostics et du cancer est à l’étude au niveau de l’OFSP qui pourrait aboutir aux alentours de 2013. Il s’agira d’en tenir compte.
Je constate aussi que la forme juridique et l’organisation du Registre neuchâtelois des tumeurs ne sont pas satisfaisants, résultant d’un partenariat ancien. Ceci devrait faire l’objet d’une clarification. Diverses options, dont celles que vous évoquez, sont possibles et doivent être évalués, à la lumière de leurs avantages et inconvénients. Le Conseil d’Etat devra ensuite les examiner. Il n’a toutefois pas encore été saisi de cette question. La réflexion à ce sujet interviendra dans le cadre de la réflexion plus globale du plan cancer.
En dernier lieu, vous posez la question du financement du RNT en regard du programme de dépistage du cancer du sein. Comme vous le savez certainement, ce programme fonctionne depuis 4 ans et peut se targuer d’un beau succès, puisque le taux de participation parmi le public cible est proche de 70% dans le canton de Neuchâtel. Concernant son avenir financier, je peux vous informer que l’association en charge de le gérer, le Centre de dépistage du cancer du sein BEJUNE, dont je suis membre du Conseil d’administration et dont le chef de service ad intérim. de la santé publique préside de longue date le Comité directeur, dispose encore de montants encore suffisants auprès de la BCN pour couvrir les coûts de fonctionnement de ce programme pendant une période de 3 à 4 ans sur la base des coûts actuels. C’est dire que globalement, le programme neuchâtelois pourra fonctionner avec l’argent mis à disposition en 2006, par la BCN, soit 1,4 million de francs, pendant une période de 7 à 8 ans, soit bien au-delà des 5 ans prévus initialement. Cela a été possible grâce à une gestion rigoureuse des fonds mis à disposition par la BCN, mais aussi grâce à la collaboration établie avec les cantons du Jura et de Berne, pour le Jura bernois, qui a permis de faire mieux à meilleur coût. Concernant le financement à moyen et long terme du Centre de dépistage en général, du programme neuchâtelois de dépistage en particulier, cette préoccupation a été prise en compte dans le plan stratégique que le Centre de dépistage a établi en 2010. Ainsi, parmi les objectifs stratégiques définis et concrétisés sous la forme de projets, le Centre de dépistage examine la possibilité de solliciter des sources de financement extérieures à l’Etat, par exemple dans le cadre d’un partenariat public-privé, pour financer toute ou partie de ses activités futures, pourquoi pas auprès de son bailleur actuel s’agissant du canton de Neuchâtel, en s’appuyant sur le succès et la bonne image du programme. Dans le même temps, il cherche à se développer et à mieux exploiter ses investissements, ses locaux et son personnel par exemple en gérant d’autres types de dépistage ou en assurant le secrétariat d’autres activités. S’agissant du canton de Neuchâtel, le souci constant des représentants neuchâtelois dans les organes du Centre de dépistage est d’éviter autant que possible de solliciter l’aide financière de l’Etat pour assurer le financement du programme neuchâtelois, ou en tous les cas le moins possible et le plus tardivement possible, connaissant le contexte financier difficile de l’Etat et le retrait annoncé du financement d’une part importante du RNT par la LNCC, avec une possible augmentation substantielle de la contribution à charge de l’Etat .
En conclusion, le problème des cancers, qui est une priorité de santé publique, nécessite un examen approfondi. Un plan cancer élaboré par des spécialistes en santé publique devrait nous permettre de faire des choix stratégiques en la matière, qui pourraient être mis en œuvre par HNe pour son volet hospitalier, sous forme d’un renforcement du pôle de compétence actuel. Les millions de francs dépensés pour les cancers et les besoins en planification justifient aussi que des outils de surveillance existent. Le plan cancer devrait nous permettre de situer la place et la fonction du RNT dans ce dispositif. Nous pourrons alors examiner les options législatives, d’organisation et de financement qui ont été émises récemment par un groupe de travail et faire des propositions à cet égard. Le Grand Conseil sera consulté à ce sujet et pourra, s’il le souhaite et s’il l’estime prioritaire, manifester son soutien, éventuellement aussi sur le plan financier, au développement de cette part très importante de la politique de santé cantonale.
Je vous remercie de votre attention.
SCSP-CFR-CGU/19.04.2011