Budget de Pro Helvetia au Conseil des Etats

Le travail de la Fondation Pro Helvetia, et parfois la Fondation elle-même, est régulièrement remis en cause. Elle l’a déjà été l’année passée au Conseil national et la diminution de son budget n’a été repoussée qu’à un cheveu. Cette année, suite à un coup de cœur, nous avons choisi de diminuer son budget.

 

L’exposition Hirschhorn de Paris a fait grand bruit. Elle n’a pas plu à tout le monde. Je peux le comprendre. Des goûts et des couleurs, on ne peut pas discuter.

 

En revanche, ce débat est intéressant, car il nous oblige à nous poser des questions fondamentales telles que : qu’est-ce que la finalité de l’art ? Quel est le rôle de l’art dans la société ? Quel est notre rôle de politique par rapport à l’art ? Qu’attendons-nous de l’art ?

 

En Suisse, la liberté d’expression est un fondement de notre démocratie. Elle est inscrite dans l’article 21 de la Constitution. Ne sommes-nous plus d’accord avec ce que nous avons voté en 1999 ?

 

L’exposition Hirschhorn dérange. Ce n’est pas un fait nouveau. L’art et les artistes dérangent depuis qu’ils existent. Combien de grands auteurs, peintres et compositeurs ont-ils passé une partie de leur vie en exil, pour avoir trop clairement critiqué les institutions de leur pays ? Combien sont aujourd’hui reconnus comme incontournables ?  Même Dürrenmatt a été très critique parfois et pourtant nous lui avons consacré un centre à Neuchâtel et nous sommes fiers de son œuvre et de sa liberté d’esprit et nous reconnaissons son talent.

 

Le fait que l’exposition de Paris ait réussi à nous faire nous interroger sur l’image de notre pays, comme sur la place de la culture dans notre société, sur le rapport entre l’art et l’Etat, peut déjà être considéré comme un grand succès, car l’art n’as pas forcément pour vocation première de présenter une image politiquement lisse, mais justement de remettre en question, de nous confronter à notre image. Et pour cela, il faut parfois un peu de provocation. C’est l’essence même de la liberté.

 

En outre, si nous voulions remettre en question les activités de Pro Helvetia, alors le budget n’est pas le bon endroit. Nous devrions aborder cette question en toute connaissance de cause, dans le cadre d’un débat sur la culture et sur le rôle que nous voulons attribuer à Pro Helvetia dans ce contexte. Peut-être devrions-nous faire ce débat, mais nous ne pouvons pas le faire aujourd’hui, dans le cadre du budget. Nous n’avons pas les documents nécessaires pour cela et nous ne prendrions que des décisions purement émotionnelles et sans fondement véritable.

 

Cependant, je crois que nous devrions laisser aux artistes la liberté de créer. Notre rôle est de mettre en place des conditions favorables à la création artistique et non pas de définir ce qui est artistiquement ou politiquement correct. Ce ne sera pas toujours des œuvres qui nous plairont. Nous avons le droit de critiquer, c’est même un plaisir quelquefois, mais si nous choisissons de censurer, alors nous enlèverons à la culture une grande partie de sa richesse et nous serons les artisans d’une culture d’Etat, comme nous en avons connu une dans d’autres temps et d’autres pays. Est-ce vraiment cela que nous voulons ?

 

En conclusion, je voudrais rappeler les paroles de Voltaire, en substance : je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai pour que vous puissiez vous exprimer.

 

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