Discours du 1er mars à Yverdon

Mesdames, Messieurs, Chers Amis Neuchâtelois et Neuchâteloises d’Yverdon et d’ailleurs,

 

J’ai le plaisir de vous apporter les salutations du Grand Conseil neuchâtelois, et en particulier de son président, M. Gilles Pavillon.

 

D’habitude, je fête le 1er mars en me levant de bon matin, en mettant mes chaussures de marche et en imitant nos ancêtres, en bravant le vent et la pluie et en descendant à Neuchâtel, à pieds pour conquérir le Château. La différence avec nos ancêtres, c’est qu’en général, il y a un arrêt à la Vue-des-Alpes pour le thé et un pique-nique à Boudevilliers et on est reçu au Château avec des bouteilles de Neuchâtel qui sont déjà au frais…

 

Je vous remercie donc de me permettre cette année de fêter le 1er mars avec vous. Je suis contente d’être ici pour au moins quatre raisons : d’abord parce que j’ai le plaisir d’être avec vous, ensuite parce que nous faisons une fête anticipée, et que j’aime être en avance sur mon temps, et puis parce que cela me permettra de le fêter deux fois, puisque je serai avec les Neuchâtelois de Berne le 1er mars, enfin parce que ce 1er  mars est moins fatigant et que nous sommes bien au chaud. J’ai bien pensé à venir jusqu’à Yverdon à pieds, pour respecter la tradition. Finalement je me suis contentée de marcher depuis la gare. Donc, Chers Amis d’Yverdon, pas de danger, devant de tels révolutionnaires, votre Château n’est pas encore près de tomber… et je suis sûre que l’apéro y vaut bien celui du Château de Neuchâtel.

 

Mesdames et Messieurs, vous avez quitté votre canton pour des raisons diverses, mais vous ne l’avez pas oublié. Mais… le reconnaîtrez-vous quand vous reviendrez pour les vacances ? Notre bon vieux canton change à toute vitesse ! Il y a les zébrures dans notre paysage, dues à nos nouvelles autoroutes ! Vous les connaissez déjà certainement. Vous êtes sans doute de ceux qui se réjouissent de chaque inauguration de tronçon entre Yverdon et Neuchâtel. Il y a aussi, bien sûr, le nombre de giratoires entre Yverdon et Neuchâtel, qui change tous les quelques mois. Peut-être que vous m’avez invitée aujourd’hui pour m’obliger à en prendre conscience et faire accélérer les travaux ? Désolée, je suis venue en train !

 

Il y a aussi nos élus, qui sont prêts à changer de fond en comble. Vous savez que nous renouvellerons nos autorités cantonales le 10 avril prochain. Nous n’avons jamais eu autant de candidats et de candidates, autant de nouvelles têtes, pour remplacer les trois conseillers d’Etats sortant. 26 candidats. Le peuple ne peut se plaindre qu’on ne lui donne pas le choix et si les élus ne sont pas ceux qu’il veut, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même ! Jamais résultats d’élections n’ont été aussi aléatoires, jamais on a fait de pronostics aussi peu sûrs. Les majorités qui paraissaient immuables, il y a quelques années encore, ont volé en éclats. La très élégante ville de Neuchâtel  a passé à gauche depuis quelques années déjà. En 2003, l’UDC a récolté 27% des voix dans ma bonne ville de La Chaux-de-Fonds, traditionnellement de gauche et en même temps, les Neuchâtelois ont envoyé deux socialistes au Conseil des Etats, une première suisse. Le PDC se propose, tel un phénix, de ressusciter de ses cendres. Bref, tout cela nous oblige à renvoyer toutes nos certitudes au vestiaire. Le printemps sera plein de surprises ! Et le canton va peut-être changer de visage pour quelques années.

 

Le consensus à la Neuchâteloise, dont nous étions si fiers,  a laissé la place à des affrontements difficiles et à des bras de fer sans fin. Les séances de Grand Conseil se sont souvent transformées en pugilat verbal et les résultats de votations en frustrations. On a même entendu un député chanter à la tribune un air de Brassens bien connu : « Quand on est con, on est con »….

 

Et puis, finalement, prenez l’éternelle concurrence entre le haut et le bas du canton ! Vous pensiez que cela au moins était immuable. Jamais, pensiez-vous, les Neuchâtelois ne sortiraient du brouillard, et jamais, les Chaux-de-fonniers ne connaîtraient l’été. Comme c’était rassurant de savoir qu’il y avait des gens, juste à côté de chez vous, dont vous pouviez parler sans jamais tarir, qui avaient tous les défauts ou presque et qui étaient responsables de tous vos problèmes… Eh bien voyez-vous, même ce bastion de la culture neuchâteloise est en train de s’effondrer. On lui avait déjà donné un sérieux coup de tunnelier en creusant un tube sous la Vue-des-Alpes. Cette percée ne pouvait qu’amener un peu de brouillard à La Chaux-de-Fonds et quelques flocons à Neuchâtel.

 

Mais maintenant, il y a pire, il y a le RUN. Le RUN, pour Réseau Urbain Neuchâtelois, a l’ambition de faire de nos deux métropoles une seule agglomération. Qu’allons-nous devenir ? De quoi allons-nous parler ? A-t-on pensé aux longues heures que nous devrons passer au Grand Conseil à nous congratuler les uns les autres, en nous appelant chers concitoyens ? Heureusement, il nous reste encore à décider si nous voulons desservir notre réseau urbain par un train ou par un métro. Ouf ! Nous avons passé à deux doigts de l’ennui !

 

Heureusement que nous pouvons encore parler de notre équilibre budgétaire ! Ah ! L’équilibre budgétaire ! Un rêve ou un mirage ? L’équilibre budgétaire se profilera-t-il bientôt à l’horizon…. L’horizon : selon le dictionnaire,  ligne virtuelle qui s’éloigne à mesure que l’on s’approche… En attendant, nous avons près de 100 millions de déficit et la République est sous le choc. Les députés échangent des dizaines de courriels par jour, y allant chacun de sa recette : trois cuillères d’économies structurelles, une louche de frein à l’endettement et un nappage rose à la maîtrise des finances, mais espérons que la petite lumière que nous voyons là-bas au bout du tunnel…. ce ne soit pas le train qui arrive en sens inverse !

 

Nos outils de maîtrise des finances, que nous avons votés lors de notre dernière session du Grand Conseil auront au moins un avantage, c’est le retour au consensus à la neuchâteloise. En effet, les décisions concernant les dépenses importantes devront se prendre à la majorité qualifiée. Comme les groupes politiques sont à 50% pour la droite et 50% pour la gauche actuellement, impossible d’obtenir une telle majorité sans convaincre ses adversaires politiques, c’est-à-dire sans négocier et s’entendre. Enfin quelque chose de positif ! Ou bien nous nous entendrons, ou bien nous ne dépenserons plus rien… Pire que le supplice de Tantale. A votre avis, qu’est-ce qui est le plus difficile pour un politique ?

 

Mais ce n’est pas le seul élément ! Il y a encore un point positif à enregistrer : c’est que quelques lingots d’or de la BNS vont tomber dans notre escarcelle, comme dans celle des autres cantons d’ailleurs. Qu’allons-nous en faire ? Et là, on voit que le canton est plein d’idées, d’imagination, de créativité, d’esprit d’entreprise, de projets, de volonté, de réconciliation, bref…. On ne sait pas du tout ce qu’on va en faire, mais on va faire comme tous les autres cantons, on va rêver, inventer des projets, discuter sous le baobab, se fâcher et finalement faire voter le peuple… Ouf, finalement, il n’y a pas grand-chose qui change dans notre République !

 

Nos ancêtres nous ont fait un cadeau merveilleux. C’est l’occasion, en ce 1er mars, de nous rappeler de la valeur de nos institutions démocratiques et de remercier en pensée ceux qui, par leur action, nous permettent aujourd’hui, de vivre dans une République de liberté et de solidarité. Nous devons aussi nous rappeler que rien n’est jamais acquis et que le combat pour la liberté et la démocratie doit recommencer chaque jour. Nous devons rester attentifs, refuser le fanatisme, utiliser nos institutions, car elles ne s’usent que si on ne s’en sert pas ! Et nous rappeler aussi que nous avons une chance que bien d’autres peuples n’ont pas. C’est un trésor. Gardons-le précieusement !

 

Et puis, à Neuchâtel comme à Yverdon, toute discussion politique se termine par un bon repas et je vous remercie de m’avoir invitée à partager celui-ci avec vous.

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