Pour un moratoire sur les organismes génétiquement modifiés

M. le Président, M. le Conseiller fédéral, Chers Collègues,

 

J’avais proposé en commission que l’on élabore un contre-projet à l’initiative pour des aliments produits sans manipulation génétique. Cette initiative me semblait suffisamment importante sur le fond et suffisamment soutenue par la population pour qu’on cherche une solution de consensus. Cette proposition a été refusée. La commission n’a pas jugé utile d’avoir un contre-projet. Je me rallie donc aujourd’hui avec la proposition de Simonetta Sommaruga et je vous prie donc, Chers Collègues, de recommander au peuple l’acceptation de cette initiative.

 

Cette initiative répond à la préoccupation de nombreux citoyens, dont une grande majorité sont opposés à l’utilisation du génie génétique dans l’alimentation. Nous devons tenir compte de cette sensibilité. Il ne s’agit pas d’une méfiance due à l’ignorance. La population sit ce qu’est le génie génétique. Cela fait assez longtemps que l’on en parle. Les consommateurs ne veulent pas de produits dont les problèmes écologiques ne sont pas résolus, dont les effets à long terme sur la santé ne sont pas connus. Plusieurs grands distributeurs l’ont bien compris et ont déjà renoncé à proposer des aliments génétiquement modifiés dans leur assortiment.

 

Le génie génétique est certes porteur d’espoir et la recherche dans ce domaine avance à grands pas. C’est la raison pour laquelle nous devons maintenant freiner un peu et nous laisser le temps de connaître mieux les effets de ces produits sur la santé et l’environnement à moyen et long terme, avant de nous lancer dans une production de grande envergure. Les scientifiques eux-mêmes reconnaissent qu’ils ne maîtrisent pas tout dans ce domaine.

 

L’initiative demande un moratoire de cinq pour l’utilisation du génie génétique dans l’agriculture. Cela répond tout à la fois au principe de précaution et de responsabilité en matière d’environnement et de santé publique. C’est une mesure très modérée, responsable et raisonnable.

 

Certains redoutent que ce moratoire pénalise l’attrait de la Suisse en tant que place scientifique pour la recherche en matière de génie génétique. Je dirais le contraire. La recherche et l’expérimentation ne sont pas concernées par ce moratoire. C’est justement pour nous permettre de pousser encore la recherche et l’expérimentation que nous voulons nous donner un peu de temps. Rien ne nous permet de dire non plus, des scientifiques suisses de premier plan sont catégoriques sur ce point, que ce moratoire incite les chercheurs à émigrer et prive notre pays d’investissements et d’un savoir-faire. Brandir la menace d’un exode des cerveaux n’est pas un argument pertinent.

 

Enfin, l’utilisation d’OGM dans l’agriculture, en particulier en Suisse, n’est pas une priorité. Nous pourrions nous y mettre plus tard, si cela devait être nécessaire. En fait, les OGM vont à l’encontre de la politique agricole que nous avons prônée depuis plusieurs années. Ce n’est pas un bon signe pour nos agriculteurs, c’est même un signe contradictoire, qui ferait fi de tout le travail réalisé par notre paysannerie pour se mettre à une production intégrée et respectueuse de l’environnement et pour se rapprocher du consommateur. L’agriculture biologique progresse rapidement en Suisse. Les consommateurs l’apprécient beaucoup. Les OGM, par leur dissémination incontrôlée, pourraient remettre en cause la qualité de ces cultures. Ce n’est donc pas étonnant que les organisations agricoles soutiennent fermement cette initiative.

 

En outre, nous ne serions pas les seuls à être prudents. A l’heure actuelle, 100 régions européennes et 3500 zones, en particulier des communes, se sont déclarées sans OGM. Cela veut dire par exemple, 15 des 21 régions françaises ; 8 des 9 provinces autrichiennes, 1800 villes italiennes, etc.

 

Les OGM dans l’agriculture ne sont pas nécessaires du point de vue de la production alimentaire mondiale. Ils posent des problèmes sérieux en matière d’environnement, par pollution des autres cultures, croisements non désirés, utilisation de pesticides associés qui ne sont pas résolus. Leurs effets sur la santé sont encore incomplètement connus. On a parlé en particulier de l’effet des marqueurs antibiotiques.

 

Un moratoire n’est pas une interdiction, c’est un temps de réflexion et de ce temps de réflexion, nous en avons besoin.

 

Ainsi, Chers Collègues, au nom du devoir de précaution, au nom de la responsabilité qui nous engage en matière d’environnement et de santé publique, au nom de la cohérence de notre politique agricole, au nom aussi de l’écoute que nous devons à nos concitoyens, je vous demande de recommander le OUI à cette initiative.

 

Merci de votre attention.

 

 

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