Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les Conseillers d’Etat,
Mesdames et Messieurs,
La révision 2007 du code pénal a pour but de réaménager et de différencier les sanctions en mettant l’accent sur deux points. D’une part, la courte peine privative de liberté jusqu’à six mois doit être remplacée par la peine pécuniaire avec le système de jour-amende ou par le travail d’intérêt général. D’autre part, l’introduction d’un nouvel internement de sécurité doit améliorer la protection de la société contre les criminels dangereux.
Le principe est de ne pas désocialiser les petits délinquants par des peines de prison fermes qui les excluent momentanément de la société, et de diminuer le flux carcéral, de manière à réduire les frais liés à l’enfermement.
L’exécution de la peine se construit par paliers, partant d’un enfermement complet pour aboutir à la liberté. Chaque palier correspond à un renforcement positif par des récompenses qui se substituent à l’idée de sanction. Le principe novateur de ce régime, c’est de favoriser l’éducation du détenu.
Le régime progressif s’oppose au régime coercitif en ce sens qu’il est participatif. Le détenu participe à la définition de ses objectifs. Sa motivation et son engagement sont des facteurs de réinsertion. Il diminue les risques de récidive.
La formation et le travail interne ont pour but d’éviter l’isolement et de favoriser des contacts avec des personnes externes à l’établissement pénitentiaire, ce qui prépare à la libération. En outre, la formation donne les outils nécessaires à la vie extérieure, valorise l’individu et lui apprend la persévérance et la réussite.
C’est ce que ce concordat met en œuvre et c’est très positif. Cependant, j’aimerais faire quelques petites remarques.
Le concordat propose de déléguer, dans certains cas, la « création de nouvelles structures » à des exploitants privés. Cela peut se concevoir que certaines agences de construction en matière de sécurité privées puissent prendre la place de l’Etat dans ce domaine. Cependant, Une prise de position de la Commission interparlementaires romande propose de donner la gestion de certains établissements pénitenciers à des exploitants privés. Cette position est en contradiction avec la philosophie actuelle de la peine, qui pour lutter contre le cycle de la vengeance, demande au condamné de payer sa dette envers l’Etat et non envers un privé. Par conséquent, c’est l’Etat lui-même qui doit se charger de l’application de la peine.
De plus, outre le côté philosophique, donner la gérance d’un établissement pénitentiaire à un exploitant privé ferait également surgir des questions financières. Qui dit privé, dit rentabilité ! Les conditions de vie des prisonniers pourraient être dégradées. Il serait aussi possible de vendre le travail des détenus à des prix inférieurs au marché, ce qui constituerait une forme de concurrence déloyale.
Il est aussi dit qu’une partie de la prison de la Chaux-de-Fonds sera aménagée pour les mineures délinquantes. Or quand on enferme des mineurs, le principe est de ne pas les étiqueter comme criminels et de se référer à l’acte commis et non à la personne dans son ensemble. A titre de rappel, la théorie de l’étiquetage montre qu’une personne (et particulièrement un mineur) se comporte selon les attentes des gens qui l’entourent. Pour cette raison, les mineurs vont en « foyer d’éducation » et non en prison. Associer à des jeunes filles délinquantes le lieu et l’étiquette de prison, c’est risquer de porter un coup à leurs chances de réinsertion. Par conséquent il serait plus juste de développer une aile d’un foyer d’éducation pour mineurs, pour accueillir ces jeunes filles. En outre, il vaut mieux ne pas mélanger des mineurs et des majeurs au sein du même établissement, même dans des secteurs différents, pour des raisons de contagion criminelle d’une part et parce que l’infrastructure dont doivent bénéficier les délinquants juvéniles est radicalement différente de celle des adultes, d’autre part.
De la même manière, et malgré la coutume suisse en matière de détention préventive, il n’est pas approprié de détenir un individu en attente de jugement dans une prison normale. La justice veut que celui qui n’a pas encore été condamné soit présumé innocent. Jusqu’à preuve du contraire, le retenir dans un établissement destiné aux criminels peut être une épreuve difficile psychologiquement et un non sens juridique.
Le concordat propose divers soutiens aux détenus, médical, religieux, etc. Cependant, je suis étonnée de ne constater aucun soutien psychologique. Il serait important de le stipuler et de ne pas l’amalgamer avec le soutien médical, afin que les prisonniers puissent demander à voir un psychologue et non un médecin s’ils estiment en avoir le besoin. La question peut également se poser pour un soutien juridique.
Ces quelques remarques faites, je constate que ce concordat va dans la bonne direction et qu’il apporte une nette amélioration à la réinsertion des condamnés. Je vous propose donc de l’adopter. Il serait d’ailleurs difficile qu’il en soit autrement puisque nos collègues romands l’ont tous déjà accepté.