Etude en vue de la création d’un « Parc naturel régional franco-suisse du Doubs »

Le Doubs

Le Doubs

Introduction

De grandes richesses naturelles

La vallée du Doubs compte de très nombreuses richesses faunistiques et floristiques. A cela s’ajoute un paysage d’une grande beauté. Du côté suisse, le Doubs jouit d’une bonne protection légale. La vallée se trouve dans l’inventaire fédéral des paysages méritant protection (IFP) et, sur le territoire du canton du Jura, c’est une réserve. Cependant, la mise en œuvre de la législation n’est pas toujours facile, car diverses activités sont en porte-à-faux avec les objectifs de protection.

Des difficultés économiques

Pour la Suisse, comme pour la France, c’est une région périphérique confrontée à des difficultés économiques. Une offre d’emplois limitée conduit de nombreuses personnes à émigrer. Le Clos du Doubs a perdu une partie significative de sa population ces vingt dernières années.

Plusieurs entités distinctes

L’éclatement de la vallée entre la France et les cantons du Jura et de Neuchâtel ne facilite pas une résolution coordonnée des différents problèmes de protection de la nature et de développement. Pourtant, ceux-ci sont partout assez semblables.

Le Parc naturel régional

Dans sa recherche d’un instrument de gestion qui permette de prendre en compte tous les intérêts économiques et écologiques de la vallée, le WWF s’intéresse actuellement à un modèle, nouveau pour la Suisse, mais qui existe déjà en France et dans la plupart des pays européens. Ce concept permet de concilier protection de l’environnement et activité économique. Dans ce document, nous avons repris la terminologie française de « Parc naturel régional » (ci-après : PNR).

Le  PNR n’est ni une réserve naturelle, ni un parc national. Il n’ajoute aucune réglementation à celle existante. C’est plutôt un label attribué à une région qui choisit de développer son économie en tenant compte de la qualité de l’environnement et en s’appuyant sur le dynamisme des collectivités locales. Ce processus est fondé sur la concertation et le consensus. C’est une concrétisation des principes du développement durable. Le PNR permet d’attirer des fonds extérieurs. Il peut ainsi fournir aux communes et aux sociétés locales les moyens de lancer des projets de développement économique et de protection de la nature, les soutenir et les coordonner.

Il permettrait d’intégrer dans une démarche commune et structurée l’ensemble des nombreux efforts qui ont déjà été fournis en matière de protection de la nature et de développement économique des deux côtés de la frontière et de leur donner une nouvelle dynamique.

L’étude du WWF

Le WWF Suisse a donné mandat à M. Clément Jeanguenat, étudiant en géographie à l’université de Neuchâtel, de se pencher sur ce modèle et sur son application à la vallée du Doubs.

Les buts de son étude étaient :

  • explorer ce nouveau concept,

  • examiner sa faisabilité dans la région du Doubs,

  • proposer des périmètres possibles,

  • évaluer l’intérêt des communes potentiellement concernées pour une telle démarche.

Les résultats obtenus, présentés ci-après, sont suffisamment encourageants pour que l’idée de « Parc naturel régional du Doubs » soit à nouveau soumise aux communes et aux personnes intéressées de la région, afin d’ouvrir la discussion sur la suite à leur donner.

Problématique

Protéger et développer

Protéger et développer sont deux objectifs qui apparaissent souvent contradictoires. En effet, la protection du patrimoine naturel et paysager a été longtemps considérée comme un but en soi. Des espaces de grande valeur écologique, dont l’homme était absent, ont ainsi été protégés par des mesures strictes visant à conserver la nature intacte. Cette démarche s’est matérialisée par la création de parcs nationaux et de réserves naturelles.

Cependant, nombre d’espaces naturels et paysagers intéressants, habités par l’homme, méritent également une protection et une mise en valeur. Là, l’homme fait partie intégrante des paysages qu’il a façonnés au cours des siècles. Préserver des espaces implique le maintien des activités humaines qui ont contribué à les créer. A l’écart des grands axes économiques, ces régions connaissent souvent des problèmes économiques et démographiques. Les Parcs naturels régionaux sont conçus pour apporter une réponse à la marginalisation que connaissent ces régions en proposant une voie de développement basée sur la protection et la mise en valeur du patrimoine.

Les Parcs naturels régionaux, une chance pour la Suisse

La Suisse ne dispose pas de modèle de mise en valeur et de protection des espaces ruraux et artisanaux habités.

Certaines régions se prêteraient pourtant bien à l’application de tels moyens de gestion. Elles présentent en effet les deux caractéristiques sur lesquelles s’appuient les PNR: un patrimoine à préserver et une situation économique difficile.

Le PNR est un instrument nouveau qui sort de la logique réglementaire et envisage la protection du patrimoine de manière dynamique. Là réside l’attrait principal de cet outil: il propose d’intégrer la valorisation de la nature et du paysage à un plan de développement et de gestion d’une région, dans une démarche négociée et voulue par les acteurs locaux et non imposée par une instance extérieure.

Objectifs

Afin de mieux comprendre le fonctionnement de ce modèle, nous avons choisi de nous pencher sur le concept français de Parc naturel régional. D’autres modèles européens seraient aussi intéressants, mais le fait d’envisager une application à une région suisse frontalière de la France – la Vallée du Doubs – a contribué à ce choix.

Nous avons ensuite cherché quels pourraient être les critères de délimitation et nous avons proposé plusieurs variantes de périmètres.

Nous avons finalement analysé la façon dont le projet est perçu par les personnes concernées, afin d’en évaluer la faisabilité politique.

Pourquoi la vallée du Doubs ?

Le Doubs remplit les conditions d’un éventuel PNR. C’est une région géographiquement homogène où une certaine identité peut se définir. De nombreuses localités ont tendance à voir leur population diminuer. Economiquement, la région est fragile et cherche un nouveau souffle. Elle comprend de grandes richesses naturelles qui peuvent être mises en valeur.

En outre, il existe déjà une dynamique intéressante dans cette région :

  • dans le Clos du Doubs, un groupe de travail a été chargé d’analyser la situation et d’élaborer des propositions concrètes de développement. Ce « Groupe d’accompagnement », s’est fixé le but

général de « développer le Clos du Doubs avec et pour la population,

dans le respect, de son environnement ». Des objectifs parfaitement

compatibles avec ceux d’un parc naturel ;

  • le « Groupe Doubs », composé de personnalités suisses et françaises, travaille sur l’ensemble de la vallée. Il a produit un rapport débouchant sur des propositions de préservation et de gestion intégrée de la vallée.

La position du WWF

La réflexion du WWF s’inscrit dans le cadre plus large du développement durable, qui prône la réconciliation entre les activités humaines et la protection de la nature et s’appuie sur les principes suivants :

  • le respect de l’environnement et l’intégration des activités économiques aux conditions de l’environnement local,

  • une croissance économique modérée propre à soutenir les activités humaines qui ont façonné le paysage et à créer des emplois qui maintiennent la population sur place et lui permettent de vivre agréablement,

  • une promotion des activités économiques compatibles avec l’environnement,

  • une méthode de travail démocratique, qui fait une large place au consensus et à la concertation.

La vallée du Doubs pourrait se prêter à la mise en place d’un tel modèle de développement.

Description de l’espace d’étude

Pour répondre à nos objectifs, nous avons dû déterminer un espace d’étude dans lequel nous avons recueilli les informations nécessaires. Cet espace a été défini en fonction des éléments suivants :

  • la vallée du Doubs constitue « la colonne vertébrale » de cet espace. Ainsi toutes les communes qui touchent la rivière sont concernées. Ce n’est pas le cas du Locle, que nous incluons néanmoins afin d’assurer un caractère compact à notre espace ;

  • certaines communes dont le territoire touche le Doubs ont leur village implanté sur le plateau. Cela nous a amené à élargir notre espace d’étude aux Franches-Montagnes ;

  • si dans un premier temps nous avons choisi d’approfondir la recherche sur la partie suisse de la Vallée du Doubs, nous avons néanmoins rencontré quelques intervenants français afin de connaître leurs positions en vue d’un éventuel parc transfrontalier.

Cet espace d’étude correspond au noyau d’un possible « Parc naturel régional franco-suisse du Doubs». C’est avec un échantillon de communes de cet espace que, dans une première phase, nous avons abordé cette question. L’espace d’étude que nous avons défini correspond à un périmètre possible, ou souhaitable, du futur parc. Le périmètre réel sera déterminé par la volonté de chaque commune d’adhérer ou non au Parc.

Le  Parc naturel régional 

De la protection du patrimoine au développement local – L’expérience française

Historique

Le concept de Parc naturel régional est né en France au milieu des années 60. La France connaît alors principalement le modèle du parc national, soumis à une législation très stricte et destiné à des zones non habitées.

De nombreux espaces d’une grande richesse paysagère et écologique restent encore à protéger et à mettre en valeur. Souvent ces zones sont comprises dans des régions économiquement fragiles et souffrant de graves hémorragies démographiques. Il faut trouver des solutions qui permettent à la population de retrouver des emplois sur place.

Cette volonté amène la Délégation à l’aménagement du territoire à présenter le concept de Parc naturel régional. Ce projet est largement débattu à l’époque, la discussion portant sur trois thèmes principaux : la protection de l’environnement, l’animation des régions rurales fragiles et la mise à disposition des centres urbains de grands espaces de détente.

C’est finalement en 1967 qu’est créé le label de « Parc naturel régional ». Depuis lors, les PNR se sont développés sur le territoire français, au point qu’on en dénombre 34 actuellement. Ils touchent plus de 2600 communes, 20 régions, 51 départements et 2,3 millions d’habitants et couvrent près de 10% du territoire national.

Qu’est-ce qu’un Parc naturel régional ?

Le but général des PNR est de mettre en valeur les espaces ruraux ainsi que de les protéger. La loi française du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages définit ainsi leur rôle: « Ils concourent à la politique de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire, de développement économique et social et d’éducation et de formation du public. »

Autrement dit, un PNR est un territoire rural habité, au patrimoine remarquable, qui s’organise autour d’un projet pour assurer durablement sa protection, sa gestion et son développement économique et social.

Ils peuvent être de taille très différente. Le plus petit (celui de la Haute Chevreuse regroupe 23 communes (25 000 hectares) et les plus grands (comme ceux des Vosges ou d’Auvergne) peuvent compter plus de 150 communes et 300 000 hectares.

Quelles sont les missions du PNR?

La protection du patrimoine : le PNR gère de façon harmonieuse ses espaces ruraux, maintient la diversité biologique, préserve et valorise ses ressources et ses sites les plus remarquables ou les plus fragiles.

Le développement économique, social et culturel : le PNR améliore la qualité de vie de ses habitants en soutenant l’économie locale, en valorisant son territoire et ses ressources naturelles et humaines, notamment par le développement d’un tourisme de qualité.

L’accueil et l’information du public : le PNR favorise le contact du public avec la nature, sa compréhension des questions environnementales, la découverte de la culture locale, à partir d’activités et d’équipements respectueux de la nature et des paysages.

L’encouragement à la recherche : le PNR favorise la recherche multidisciplinaire, en ouvrant son espace et ses structures aux instituts universitaires, fondations et groupements intéressés.

Quelles actions peut-il mener ?

Des actions de protection des richesses naturelles et des paysages 

Il peut mener des recherches, encourager des mesures de protection de la faune, de la flore et des paysages et conseiller les communes.

La capacité des Parcs de protéger la nature réside surtout dans leur capacité de faire respecter leur Charte par les signataires. Dans ce but, l’action des Parcs se fonde prioritairement sur l’information, afin de modifier les comportements des personnes vivant, agissant, travaillant ou passant sur son territoire.

Quelques exemples :

  • Parc naturel régional du Lubéron : protection et mise en valeur des Craus de Saint-Michel-l’Observatoire. Une surface de 300 hectares présentant un intérêt biologique a été mise sous protection dans le cadre du plan d’aménagement local. Le Parc en a fait l’étude et a mis en évidence l’importance du pastoralisme pour le maintien de ces richesses. Aujourd’hui les éleveurs bénéficient de facilités pour faire paître leurs troupeaux sur les Craus.

  • Parc naturel régional du Haut-Jura : le Parc a mis sur pied un contrat, signé par toutes les instances intéressées, pour procéder à la revitalisation de la Bienne, qui a subi d’importants dégâts suite à des crues.

Des actions de mise en valeur et d’animation du patrimoine culturel

Les PNR mettent en valeur les traditions à travers des musées et des manifestations. Ils engagent aussi des programmes de restauration et de mise en valeur des richesses architecturales.

Quelques exemples : inventaires architecturaux, acquisition d’un ancien four à pain, restauration de chapelles, de lavoirs, de fontaines, exposition sur l’habitat traditionnel, aides techniques à la restauration, etc…

Des actions de soutien et de valorisation des activités économiques  Les Parcs aident l’agriculture à trouver des solutions adaptées à la région, remettent en valeur les produits du terroir et cherchent de nouveaux circuits de commercialisation pour les produits agricoles.

Ils relancent certaines activités artisanales. Ils encouragent la création d’entreprises valorisant les ressources régionales et utilisant des techniques de production respectueuses de l’environnement.

Ils appuient le développement du tourisme doux, aident au maintien des services en milieu rural et revitalisent le commerce local.

Quelques exemples :

  • Parc du Lubéron : création d’un poste de cadre chargé d’assurer un appui technique à des projets de développement économique. Mise sur pied de chantiers d’intérêt général pour l’entretien des rivières. Ceux-ci ont permis l’engagement de 42 personnes en contrat Emploi Solidarité, ainsi que de trois chefs de chantier et d’une animatrice. Au terme de l’opération, 69% des jeunes ont retrouvé un emploi ou débuté une formation.

  • Parc Nord-Pas-de-Calais : pour pallier les difficultés que rencontrent les agriculteurs bio dans la commercialisation de leurs produits, le PNR a investi dans l’installation d’une halle de vente.

  • Le Parc du Pilat a acquis une vingtaine de VTT qu’il a mis à disposition de loueurs. Cette activité s’est développée et a redynamisé le tourisme.

  • Le réseau des gîtes Panda est un autre exemple des efforts fournis par les Parcs dans le domaine du tourisme. En 1998, on en comptait 224 répartis dans 27 PNR. Le projet est porté par trois partenaires : le Parc qui s’occupe de la recherche de propriétaires intéressés et de la définition d’itinéraires de promenade au départ du gîte, le WWF qui attribue le label en signant une convention avec les propriétaires et la Fédération des gîtes de France qui édite le guide.

Accueil, information et sensibilisation des visiteurs

Les PNR accueillent de nombreux visiteurs. Ils travaillent avec les professionnels de l’hébergement et proposent des activités de loisirs animées par des gens de la région. 

L’éducation à l’environnement est un volet important de l’activité des parcs. Ils informent le public en préparant de la documentation, des expositions et des activités de découverte des milieux.

La Charte

La Charte est le contrat qui concrétise le projet de protection et de développement. Elle est rédigée en concertation avec l’ensemble des collectivités territoriales. Elle engage ses signataires financièrement et moralement, ainsi que l’Etat qui l’approuve. Les signataires de la Charte sont tenus d’en respecter les orientations et d’en appliquer les mesures dans l’exercice de leurs compétences respectives.

Elle explicite l’action de l’organisme de gestion du Parc, ainsi que les moyens financiers et humains que les collectivités territoriales veulent investir pour réaliser les objectifs qu’elles se sont fixés.

La Charte peut être considérée comme un CONTRAT qui lie tous ses signataires. Ils s’engagent ainsi à travailler à la réalisation des objectifs qu’ils ont déterminés par la négociation.

La Charte contient plusieurs documents :

  • Le rapport comporte un diagnostic du territoire et présente les projets de protection et de développement. Il contient deux volets : les principes généraux qui guideront la politique du Parc durant les dix années de validité de la Charte et des mesures de concrétisation.

  • Le plan fixe les limites du PNR et définit les vocations des diverses zones.

  • Les annexes donnent la liste des communes adhérentes, les statuts de l’organe de gestion, l’emblème du Parc, ainsi que la convention d’application de la Charte qui engage l’Etat.

La marque « Parc naturel régional » est accordée par l’Etat pour une durée de dix ans. La Charte est renouvelable si l’Etat estime que ses principes ont bien été respectés par les signataires.

Pour les habitants, appartenir à un PNR n’implique rien de spécifique. Seules les collectivités publiques qui signent la Charte (communes et Etat) s’engagent à tenir compte de ses objectifs dans leurs actes législatifs et leurs décisions touchant son territoire.

Structure de fonctionnement

A la tête du PNR se trouve un organe de gestion, qui est en général un syndicat mixte regroupant les élus des communes du Parc, ainsi que les représentants des autres collectivités territoriales (région, département). Pour faire aboutir les initiatives de l’organe de gestion et réaliser ses programmes, le PNR dispose d’une équipe pluridisciplinaire permanente spécialisée dans les différents domaines d’actions du Parc (environnement, urbanisme, tourisme, économie, agriculture, culture). Cette équipe est chargée d’appliquer sur le terrain le contenu de la Charte. Elle peut mener des projets elle-même ou simplement en assurer la coordination.

Financement

Le budget de fonctionnement couvre les salaires, l’administration, l’information et la publicité. Il varie entre 6 et 8 millions de FF par Parc. Il est alimenté à 35% par les régions, 30% par les départements et les communes, 10% par l’Etat. Le reste provient de fonds nationaux, européens ou de recettes propres.

Le budget d’investissement représente les sommes investies dans des projets dirigés par le Parc lui-même ou auxquels il participe. Il bénéficie souvent de sources particulières (programmes nationaux ou européens). Le PNR du Haut-Jura constate que près de 100 millions de FF ont été investis en dix ans.

La participation financière des signataires de la Charte est définie dans celle-ci. Pour les communes, elle est souvent calculée au pro rata du nombre d’habitants. Dans le cas du Parc du Lubéron, la part qui est due par les communes représente 10 FF par an et par habitant. Le bilan du Haut-Jura constate qu’« en participant à hauteur de 10FF par habitant et par an au fonctionnement du Parc, les communes adhérentes ont bénéficié d’un effet multiplicateur considérable sur le plan financier (facteur 100). La grande force des PNR est leur capacité de drainer des fonds extérieurs pour mener à bien des projets.

Evaluation de l’efficacité des PNR

La protection du patrimoine

Dans leur évaluation, MM. Chapuis et Lanneaux (1993, p. 528) relèvent le«dynamisme incontestable des équipes chargées de la gestion des Parcs et des réussites évidentes, mais qui portent tout de même sur des aspects un peu marginaux, car les moyens réglementaires et financiers ne sont pas suffisants pour prendre à bras le corps les nombreux problèmes qui se posent localement.» Certains PNR sont accusés d’avoir négligé cet aspect et certaines Chartes d’avoir été bâclées. La création d’un PNR ne garantit pas toujours un projet respectueux de l’environnement. Les risques de dérapages ne sont pas exclus.

La force des PNR réside dans leur démarche active qui vise à diagnostiquer les problèmes liés à l’environnement, à mettre les acteurs concernés autour d’une table et à négocier des solutions pragmatiques. Les autorités impliquées dans le processus ont davantage à cœur de faire respecter les décisions prises.

Dans quelques cas, le Parc a permis de s’opposer à de grands projets nationaux dont la région ne voulait pas (décharges, installations militaires).

Le développement économique

Les effets les plus importants de l’action des PNR sont principalement perceptibles dans deux domaines : l’activité touristique et l’agriculture.

Dans le premier cas, il s’agit de contributions directes des Parcs au niveau de l’accueil et des hébergements par exemple et de contributions indirectes, l’image « Parc » se révélant être un bon support pour vendre une région sur le marché touristique. En effet, le tourisme doux est de plus en plus prisé. Pour se profiler sur ce marché, une région qui dispose d’une image « Nature », que le Parc peut fournir, dispose d’un avantage certain. La région bénéficie d’un label directement perceptible par le touriste.

Une évaluation de l’impact touristique du Parc de la Brenne a été réalisée. Les auteurs de l’étude constatent que « 35 277 personnes ont visité la Maison du parc en 1994 (50 000 environ en 1995) et il est clair que cette fréquentation n’aurait pas été atteinte sans l’existence du Parc ». (CDC Consultants 1996, p.17).

Pour le Parc de la Brenne, les impacts économiques liés au tourisme sont évalués comme suit :

– chiffre d’affaire de la boutique 1,3 mio FF

– visite guidée de la réserve 0,4 mio FF

– chiffre d’affaire des gîtes ruraux 0,4 mio FF

– vente de documents 0,3 mio FF

– activités sportives 0,2 mio FF

– manifestations culturelles 0,1 mio FF

TOTAL 2,7 mio FF

En ce qui concerne l’agriculture, les Parcs agissent surtout pour relancer de manière générale l’activité agricole, pour soutenir des productions traditionnelles, ainsi que pour promouvoir les produits locaux et rechercher des canaux de commercialisation pour ceux-ci.

En ce qui concerne la relance économique en général, les résultats sont très variables d’un parc à l’autre. Pour rendre compte de l’efficacité de l’outil « Parc » au niveau du développement économique, le nombre d’emplois qu’il crée nous paraît constituer un excellent indicateur. CDC Consultants (1996) a réalisé une étude pour le compte de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France, dont le but était d’évaluer l’influence des Parcs sur la création de postes de travail. L’étude a recensé trois types d’emplois imputables aux PNR : directs, indirects et induits. Les premiers correspondent aux employés du Parc, à temps complet ou partiel. Les deuxièmes regroupent les emplois liés aux investissements réalisés par le Parc sur son territoire. Les derniers sont des emplois créés ou maintenus grâce à l’aide des Parcs.

Pour les 27 PNR étudiés en 1994, les résultats sont les suivants :

Emplois directs 900

Emplois indirects 1 300

Emplois induits 2 800 à 3 200

Total pour 1994 5 000 à 5 500

Les Parcs ont donc généré 5 000 à 5 500 emplois pour l’année 1994, soit en moyenne environ 200 emplois, directs, indirects et induits par Parc. Cela est important si l’on pense que ces emplois sont créés dans des régions périphériques.

Les auteurs de l’étude concluent ainsi que les PNR « jouent un rôle majeur de stabilisation et de maintien de l’emploi dans les zones rurales à la recherche d’une dynamique qui leur manquait jusqu’ici »

Pour éclairer encore davantage les effets des Parcs en matière d’emploi, l’étude compare l’efficacité des moyens financiers mis en œuvre par les PNR avec d’autres financements publics ayant le même but. Les auteurs estiment ainsi que les Parcs sont aussi performants que des organismes financiers spécialisés dans la création d’entreprises.

Si l’on compare les politiques de traitement social du chômage avec l’action menée par les Parcs au niveau du développement économique, cette dernière se révèle être dix fois supérieure en terme d’efficacité.

Education et information du public

Dans ce domaine, la réussite est évidente. Les Parcs contribuent grandement à la sensibilisation et à la formation en matière de protection du patrimoine naturel et culturel.

Conclusion

Pour la réussite des PNR, la volonté des élus locaux, qui ont la haute main sur la gestion des Parcs, est déterminante. Les objectifs et les priorités fixés, les moyens financiers mis en œuvre sont d’abord de leur ressort. Leur dynamisme et le rôle qu’ils veulent bien faire jouer au Parc influencent de manière importante le bilan.

Ces régions connaissent souvent des situations de départ critiques. Les revitaliser ne peut se faire en un jour. Il faut peu à peu mettre en place un développement propre, qui puisse transformer en atout ce qui apparaissait d’abord comme un handicap. C’est là le défi que veulent relever les Parcs naturels régionaux.

Délimitation d’un périmètre de Parc naturel régional

L’exemple de la vallée du Doubs et de ses abords

Méthodologie pour la définition d’un périmètre de Parc naturel régional

Caractéristiques du territoire d’un PNR

Le décret français du 1er septembre 1994 indique que « la décision de classement d’un territoire en « Parc naturel régional » est fondée sur l’ensemble des critères suivants :

  1. Qualité et caractère du patrimoine naturel, culturel et paysager, représentant une entité remarquable pour la ou les régions concernées et comportant un intérêt reconnu au niveau national. Le territoire est délimité de façon cohérente et pertinente au regard de ce patrimoine en tenant compte des éléments pouvant déprécier la qualité et la valeur patrimoniales du territoire(…) » (Art. R.244-4)

Une circulaire du 5 mai 1995 précise que « le territoire doit correspondre à une réelle unité géographique, sans être tributaire du découpage administratif. Il doit présenter en outre une véritable qualité écologique, paysagère et culturelle ». On appréciera particulièrement :

  • « le caractère exceptionnel et l’homogénéité du périmètre proposé reconnus par la ou les régions ayant l’initiative du projet de Parc. le territoire des communes limitrophes peut toutefois n’être que partiellement concerné :

  • la présence à l’intérieur du territoire d’un ensemble d’espaces présentant un intérêt de niveau national, apprécié en fonction de l’inventaire du patrimoine et pouvant justifier l’attribution d’une marque nationale. »

L’argumentaire rédigé par la Fédération des Parcs naturels régionaux de France indique qu’ « un PNR naît de la volonté locale de mener un projet de protection et de développement harmonieux sur un territoire qui représente une entité remarquable et s’appuie sur l’affirmation d’une identité forte. Les limites d’un PNR sont négociées entre tous les partenaires, mais le territoire définitif correspond à celui des communes qui adhèrent volontairement à la charte du Parc. Ces limites ne sont donc pas fixées par rapport à des limites administratives : elles peuvent être à cheval sur plusieurs cantons, départements, régions. » (Fédération des Parcs naturels de France, 1994, p.9)

On tiendra donc compte

  • du milieu physique (ensemble d’une vallée, d’un massif montagneux, etc…) ;

  • du sentiment d’appartenance des habitants à une entité géographique, politique ou culturelle ;

  • des opportunités d’intégrer au Parc des communes plus riches ou plus peuplées qui peuvent apporter une aide précieuse aux collectivités moins bien pourvues ;

  • des sympathies mutuelles et des habitudes de travailler ensemble.

Les limites du Parc ne peuvent être définies a priori. Elles dépendent beaucoup des décisions des élus politiques. Un espace d’étude peut néanmoins être proposé.

Résultats de l’enquête sur la délimitation d’un Parc naturel régional du Doubs

Afin de répondre à nos objectifs de délimitation d’un périmètre et de détermination des enjeux du projet, nous avons mené une enquête auprès des acteurs concernés par la mise en place de ce concept. L’entretien est la technique d’enquête que nous avons privilégiée, car nous désirions recueillir des avis développés et nuancés.

Ne pouvant rencontrer toutes les personnes qui pourraient être impliquées dans un tel projet, nous avons dû faire un choix représentatif de tous les milieux.

C’est ainsi que nous avons vu des maires ou présidents de communes, accompagnés quelquefois de membres de l’exécutif. Nous avons rencontré des représentants de tous les types de communes : grandes, moyennes, petites, situées au bord de la rivière ou sur la hauteur, du Clos du Doubs, des Franches-Montagnes et neuchâteloises.

Nous avons également interrogé des Services de l’Etat, des représentants des milieux agricoles, du tourisme, ainsi que diverses associations privées. Enfin, nous avons voulu faire un premier sondage concernant la manière dont un tel projet serait reçu en France voisine et nous avons vu également quelques communes françaises.*

Au total, nous avons rencontré 39 personnes, lors de 34 entretiens.

Consensus pour une démarche transfrontalière

Notre enquête révèle une large adhésion à un périmètre transfrontalier. Les milieux sont quasi unanimes pour dire leur volonté de travailler sur un tel projet en collaboration avec la France.

On estime que les problèmes sont similaires de chaque côté de la frontière et qu’il faut y répondre ensemble. Le Doubs est un « trait d’union » selon la présidente du Locle. « Mêmes caractéristiques, mêmes préoccupations, mêmes paysages, même topographie », selon le maire de Seleute. Si l’idée de collaboration transfrontalière est présente partout, elle est d’autant plus forte que l’on se rapproche de la frontière. Elle est « essentielle » pour le maire de Goumois, quant aux Brenets, « elle va de soi ».

La possible mobilisation de financements communautaires pour les régions frontalières de l’Union européenne constitue aussi une motivation à une collaboration avec la France. Le Service de l’aménagement du territoire du canton du Jura, ainsi que le secrétaire de la LIM Jura le soulignent.

Les milieux touristiques y voient aussi un avantage dans leur travail. Le responsable du tourisme des Montagnes neuchâteloises estime qu’il faut réunir tous les partenaires dès le début de la démarche.

Cette volonté de travailler avec la France ne dissimule pourtant pas les difficultés. Tous se rendent compte que la présence de deux systèmes politiques, juridiques et institutionnels représente un obstacle important. A cela s’ajoutent des mentalités qui ne sont pas toujours identiques. On souligne cependant que cela constitue une richesse.

En bref, il apparaît que le désir de travailler avec la France est largement partagé et les intérêts à le faire bien compris. Pas d’avis négatif. Les difficultés exprimées ne sont pas considérées comme insurmontables.

Identité de la vallée du Doubs

La nécessité de ne pas scinder la vallée a été plusieurs fois évoquée. On choisit en général cette option dans l’idée de promouvoir une meilleure gestion de l’ensemble du site. Pour Jura-Tourisme, la vallée est « bien identifiable » et il y a une « unité culturelle autour de l’eau ». Le maire de Goumois et le président de la société jurassienne des pêcheurs vont dans le même sens. Imaginer la Vallée comme une « entité remarquable » au niveau de la nature est aussi une évidence pour les organisations de protection de la nature.

Le Clos du Doubs

Le Clos du Doubs semble jouir d’une identité particulièrement forte. Certains pensent même qu’il pourrait se suffire à lui-même. Selon le maire de St-Ursanne, « travailler sur le Clos du Doubs serait avantageux, car l’espace en question est déjà structuré, il y a un projet en cours et la population est sensibilisée ». « Plus on est nombreux pour réaliser quelque chose et plus les difficultés sont importantes, car tout le monde n’a pas les mêmes intérêts », ajoute-t-il. Les gens du Clos du Doubs ne se sentent pas particulièrement proches de ceux des Franches-Montagnes ou des Brenets. La réciproque étant aussi vraie. Aux Brenets, on se sent plus proche de la France que du Clos du Doubs.

Le chef du Service jurassien de l’économie reconnaît l’identité du Clos du Doubs, mais cette entité lui paraît trop restreinte pour pouvoir soutenir financièrement et démographiquement la création d’un Parc naturel.

Les villes

La question de l’inclusion des villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle dans un Parc naturel régional suscite des remarques. Certains pensent que la vocation industrielle de ces villes est en contradiction avec les objectifs d’un Parc et que l’image de celui-ci pourrait nuire à l’installation de nouvelles entreprises. « Il ne faut pas prétériter le développement de la ville » souligne le président de La Chaux-de-Fonds. Il préférerait voir les villes rester en dehors du périmètre d’un Parc naturel régional. Il n’exclut pas cependant l’inclusion d’une partie non urbanisée de la commune. Certains interlocuteurs sont par contre favorables à la présence des villes, celles-ci pouvant jouer le rôle de pôles culturel et économique.

Les Plateaux

L’unité culturelle et paysagère des plateaux des Franches-Montagnes et de Maîche est un atout. Ils peuvent apporter une offre complémentaire, car ils sont bien dotés en infrastructures, selon des membres du Groupe Doubs. Ils font partie intégrante de la Vallée du Doubs.

Cependant, si les similarités sont relevées, les différences existent aussi. Pour le maire d’Epauvillers, ce n’est pas le même tourisme. Les Franches-Montagnes sont axées sur le cheval et le ski de fond, tandis que dans le Clos du Doubs, il s’agit plutôt de pêche et de canoë. Le maire du Noirmont ajoute qu’actuellement, « il y a peu d’intérêts communs avec les gens du clos du Doubs, mais peut-être qu’on en trouverait en faisant des choses ensemble ». Il mentionne une topographie accidentée, qui n’a pas facilité les contacts.

Autres propositions

Le directeur du tourisme jurassien juge que l’ensemble du canton du Jura, excepté la Vallée de Delémont, plus industrialisée, pourrait entrer dans un Parc naturel régional. Un périmètre plus grand augmenterait la faisabilité du projet en améliorant les ressources financières.

A la LIM « Centre-Jura », on s’interroge quant à la pertinence d’une nouvelle structure, car elles sont déjà très nombreuses. « Le PNR devrait s’inscrire plutôt dans une structure existante », éventuellement la LIM ou PACTE.

Types de critères retenus par les personnes interrogées

Quels sont les types de critères employés par les personnes interrogées pour justifier leur avis quant aux différentes variantes de périmètres ?

Les critères physiques

La vallée du Doubs constitue un élément central de notre espace d’étude. Elle possède une cohérence conférée par la rivière. Les limites de cette vallée sont par contre moins faciles à définir. Jusqu’où va-t-on sur les versants ? Et aux extrémités ? La vallée débute-t-elle au Saut du Doubs, à Morteau ou plus en amont encore ? En aval, se termine-t-elle à la Motte, à St-Hippolyte ou plus loin encore ?

Les critères physiques sont souvent utilisés pour montrer l’homogénéité de la vallée du Doubs. Celle-ci est perçue comme ayant une unité paysagère que le PNR devrait comprendre dans son entier. On met en évidence les ressemblances paysagères entre les rives suisses et françaises du Doubs, ainsi qu’entre les deux plateaux. Il est aussi fait référence au Doubs lui-même en tant que trait d’union.

Le relief très tourmenté de la région constitue cependant pour certains un handicap. Le relief est perçu comme très compartimenté. De petites entités souvent fermées par des anticlinaux rendent toute relation difficile.

Les critères socio-économiques

La question de l’inclusion des deux villes fait référence à des critères socio-économiques : leur vocation industrielle est opposée aux objectifs du Parc.

Certains intervenants ont fait allusion aux activités de la région pour expliquer l’unité ou la diversité de la vallée et la facilité ou la difficulté de travailler ensemble. Les activités agricoles et touristiques ont des caractéristiques différentes d’un endroit à l’autre, mais aussi des similitudes.

L’argument du poids démographique, auquel est lié le volume des ressources financières, est aussi employé pour justifier la nécessité d’un bassin de population suffisamment important pour permettre la mise sur pied d’une telle structure, son financement et la réalisation de projets.

Démograhie

L’Arc jurassien suisse a connu une forte baisse démographique suite à la crise horlogère des années 70. Durant la dernière décennie (1980 – 1990), la situation s’est stabilisée. Cependant, l’évolution démographique reste faible (2,6%), en comparaison de celle de la Suisse. La population de l’Arc jurassien diminue toujours par rapport à la population suisse. De 9,5% en 1960, elle a passé à 8,2% en 1990.

La situation de notre espace d’étude est plus marquée que celle de l’Arc jurassien, la chute la plus significative ayant été observée dans le Clos du Doubs. L’évolution des deux villes est proche de celle du reste du périmètre. Le poids démographique des villes est mis en évidence par quelques chiffres :

Avec les deux villes, notre espace d’étude compte 61 500 habitants

Sans les deux villes, il ne resterait que 12 650 habitants

Le choix des villes est donc déterminant.

Entité Population

Espace d’étude 61 488

Espace d’étude sans les villes 12 655

Franches-Montagnes 9 210

Clos du Doubs 1 608

Vallée du Doubs 44 323

Vallée du Doubs sans La Chaux-de-Fonds 6 654

Les villes 48 833

Canton de Neuchâtel 166 270

Canton du Jura 68 979

Tableau : Population en nombres absolus en 1995,

Population neuchâteloise au 31.12.1995, population jurassienne au 01.01.1995

Source : Bureau de la statistique du canton du Jura, Fondation régionale pour la statistique, Office cantonal de statistique Neuchâtel)

Ces considérations démographiques devront être prises en compte dans les propositions de périmètres.

Structure économique

L’économie de l’Arc jurassien est fortement marquée par une prédominance du secteur secondaire. L’horlogerie, la machine-outil et la microtechnique en forment l’essentiel. Les échanges frontaliers sont nombreux. L’industrie est tournée vers l’exportation et les flux de main-d’œuvre sont importants. Cependant ce ne sont pas là les seuls liens avec l’économie française. En réalité, les structures économiques connaissent des similitudes, en particulier pour ce qui est de l’aspect industriel.

Entité Secteurs économiques en %

I II III

primaire secondaire tertiaire

Canton de Neuchâtel 3.3 45.5 51.2

Canton du Jura 8.7 51.2 40.1

Espace d’étude 4.1 54.8 41.1

Espace d’étude sans les villes 16.6 51 32.5

Franches-Montagnes 16.4 49.3 34.2

Clos du Doubs 25.8 42.6 31.6

Vallée du Doubs 3.7 52.9 43.5

Vallée du Doubs sans Chaux-de-Fonds 17.6 55 27.4

Les villes 1.3 55.7 43

Tableau : Répartition des emplois par secteur économique

Il apparaît donc au vu de ces chiffres que la structure économique de l’espace d’étude est assez homogène si l’on fait abstraction du cas particulier des villes (leur inclusion ou non est à nouveau une question importante). Même s’il existe quelques différences dans les pratiques touristiques ou agricoles, au niveau macro-économique, les diverses entités ont des caractéristiques générales semblables.

Les deux villes constituent un poids démographique important (79%) et font varier l’importance respective des secteurs économiques. Sans la participation des villes, notre espace voit augmenter significativement la part du secteur primaire. Les pôles régionaux concentrent nombre de fonctions et de services utiles aussi aux zones rurales. Villes et campagnes sont donc complémentaires.

Les critères institutionnels

Nous incluons dans ces critères les limites politiques et administratives, ainsi que les espaces de projets, dans lesquels des objectifs définis sont poursuivis.

La frontière entre la Suisse et la France a souvent été présentée comme un obstacle. On a souvent relevé les difficultés soulevées par les deux systèmes politiques, juridiques et administratifs qu’il faut coordonner. Cependant, la grande majorité des acteurs est favorable à une démarche transfrontalière, les préoccupations étant jugées semblables des deux côtés de la frontière. Certains apprécient même l’élément binational comme une originalité intéressante du projet, un atout supplémentaire.

Le projet Clos du Doubs a été mentionné par les maires du Clos du Doubs, ainsi que par les représentants de l’administration jurassienne. Il mobilise les énergies de l’ensemble des élus et de la population et joue un rôle rassembleur. Cet élément amène certaines personnes à privilégier le Clos du Doubs comme périmètre d’un futur Parc.

L’existence d’un certain nombre d’espaces de projets, comme les régions LIM, les zones de collaboration transfrontalière de proximité (PACTE), font dire à certains qu’il faudrait intégrer un PNR dans ces découpages. A leurs yeux, ceux-ci répondent à une certaine logique et leur nombre relativement élevé leur fait douter de l’efficacité d’une nouvelle structure appliquée sur un périmètre supplémentaire.

Notre espace d’étude est traversé par les découpages suivants :

en Suisse :

  • Trois cantons : Jura, Neuchâtel, Berne.

  • Cinq districts : Franches-Montagnes, Porrentruy, La Chaux-de-Fonds, Le Locle et Courtelary.

  • 29 communes : Le Bémont, Les Bois, Les Brenets, Les Breuleux, La Chaux-de-Fonds, La Chaux-des-Breuleux, Les Enfers, Epauvillers, Epiquerez, La Ferrière, Les Genevez, Goumois, Lajoux, Le Locle, Montfaucon, Montfavergier, Muriaux, Le Noirmont, Le Peuchapatte, Les Planchettes, Les Pommerats, Saignelégier, St-Brais, Soubey , Montenol, Montmelon, Ocourt, St-Ursanne, Seleute.

  • Deux régions LIM : la région du Jura qui regroupe l’ensemble du canton du Jura, soit 83 communes et la région Centre-Jura qui regroupe des communes des Montagnes neuchâteloises et du Jura bernois. « L’idée force de la future politique régionale consiste à promouvoir la capacité concurrentielle et le développement durable des régions et à maintenir la qualité de l’habitat décentralisé », selon un message du 28 février 1996.

  • La Communauté de travail du Jura (CTJ) est un organe de coopération transfrontalière qui regroupe la région de Franche-Comté et les quatre cantons suisses de Berne, Vaud, Neuchâtel et Jura. Son but est « de favoriser la coopération transfrontalière et d’encourager le développement et l’aménagement concertés et convergents de l’espace jurassien ».

  • La CTJ est divisée en quatre aires de collaboration transfrontalière de proximité, zones de relations privilégiées. L’aire de Morteau-Neuchâtel, appelée région PACTE, regroupe les districts de La Chaux-de-Fonds, du Locle, des Franches-Montagnes, de Courtelary et, pour la partie française, le « Pays horloger » qui regroupe les cantons de Morteau, Maîche, Pierrefontaine et Le Russey.

  • Le réseau des villes de l’Arc jurassien qui regroupe 22 municipalités.

  • Le Clos du Doubs.

  • Plusieurs associations de développement économique.

En France :

  • Les communes sont regroupées en cantons, eux-mêmes regroupés en départements. Dans notre cas, c’est le département du Doubs qui est concerné. Ce dernier appartient à la Région Franche-Comté.

  • Le « Pays horloger » qui constitue la partie française de l’espace PACTE et qui est une nouvelle entité de la législation française.

Le sentiment d’appartenance

A quelle entité les personnes interrogées ont-elles le sentiment d’appartenir ? Pour éclairer la notion de « sentiment d’appartenance », nous la rapprochons du concept d’identité. D’après M. Bassand, l’identité peut se fonder sur divers critères :

  • l’identité historique et patrimoniale est construite sur des événements passés importants ou sur un patrimoine socio-culturel, naturel ou socio-économique ;

  • l’identité projective est fondée sur un projet régional, une idée du futur ;

  • l’identité vécue est le reflet de la vie quotidienne.

La population de la vallée du Doubs a conscience d’appartenir à cette entité, plus particulièrement dans les communes proches de la rivière.

Pour les communes des Franches-Montagnes, la conscience d’appartenir à la vallée du Doubs existe, mais le sentiment d’appartenir au Plateau est tout aussi fort, et peut-être quelquefois, même plus.

Le projet Clos du Doubs a contribué à rassembler les communes du Clos du Doubs autour d’un projet régional. Ceci a contribué à renforcer le sentiment d’appartenir à cette entité territoriale.

Les intervenants neuchâtelois ne séparent pas Clos du Doubs ou Franches-Montagnes et parlent plus volontiers de la vallée du Doubs dans son ensemble. Travailler sur la globalité de la vallée est une exigence qui apparaît plus clairement chez eux.

Le concept de PNR se veut le fruit d’une concertation. La constitution du Parc et la délimitation de son périmètre sont des démarches conjointes et étroitement liées aux décisions des élus. Fixer arbitrairement ses limites reviendrait à trahir la philosophie du concept. Cependant, dans la conclusion de ce travail, nous présenterons quelques propositions qui fourniront une base de discussion pour la suite du projet.

Perception du projet par les personnes concernées

Les représentants des communes

Protection de l’environnement

Globalement, les représentants de communes jugent que l’état de l’environnement est actuellement satisfaisant et que les moyens déployés dans ce domaine sont suffisants.

Le maire de St-Ursanne trouve les limitations imposées quelquefois pesantes. Il estime qu’ « il faudrait positiver la réserve naturelle ». Le maire d’Ocourt est du même avis : « Il y a déjà beaucoup d’interdictions, quelles nouvelles contraintes provoquera le Parc ? »

Les représentants de la commune des Brenets estiment que « la région, au niveau écologique, est en bon état ». Ils ne souhaitent pas de nouvelles interdictions, mais sont par contre favorables à une dynamique positive en matière de protection de l’environnement telle que la proposent les PNR.

Les représentants des communes françaises pensent qu’il est effectivement possible de concilier protection et développement, même si ces deux concepts sont souvent perçus comme contradictoires. Selon eux, des problèmes écologiques existent sur le Doubs. Ils songent surtout aux barrages et à la forêt. Ils adhèrent au projet de PNR, mais mettent en garde contre des propositions trop contraignantes, qui mèneraient à l’échec.

Développement économique

Concernant les apports des PNR à l’économie locale, c’est dans le secteur du tourisme que l’on s’attend aux effets les plus importants.

On relève en effet que la région possède un potentiel touristique intéressant, notamment grâce à ses paysages. Le label de Parc naturel pourrait constituer un atout indéniable pour le marketing, estime le maire de St-Ursanne. Le maire du Noirmont pense aussi que l’on devrait encore développer le tourisme. Les maires des Franches-Montagnes insistent tous sur la nécessité de garder leur région vivante et de ne pas en faire un musée. Aux Brenets, on est particulièrement intéressé par un regroupement des forces au niveau de la promotion touristique.

La commune du Russey estime que le PNR pourrait amener un complément touristique et artisanal intéressant. La valorisation de l’artisanat local est déjà en partie réalisée par le « Pays horloger ». Partout, le soutien à l’artisanat est bien accueilli.

Au niveau de l’agriculture, certains pensent qu’il y a encore des produits à mettre en valeur et à faire connaître. Le PNR pourrait y contribuer. Les représentants du monde agricole craignent cependant que les labels ne rapportent pas autant que l’on espère, car ces produits sont chers et difficilement vendables.

Les grandes communes neuchâteloises se soucient prioritairement de l’effet du PNR sur l’attractivité industrielle de leurs localités. Pour elles, les activités agricoles, artisanales et touristiques jouent un rôle secondaire. Elles n’attendent donc pas du PNR une amélioration sensible de leur économie. Ceci d’autant plus qu’elles ne paraissent pas particulièrement intéressées par un développement du tourisme dans les régions naturelles. Elles sont plutôt tournées vers l’accueil de conférences et de congrès.

Négocier : la seule voie possible

Le rôle de coordination et de médiation que pourrait jouer un PNR est apprécié par les représentants des communes. En outre, la négociation apparaît comme la seule démarche viable pour régler les problèmes existants.

Selon le maire d’Epauvillers, « la négociation est la seule voie à suivre ». Il est favorable à la recherche d’un consensus sur tous les dossiers. Le maire de St-Ursanne approuve lui aussi l’importance de la négociation et de l’information. S’agissant de la coordination, il estime que le « Groupe d’accompagnement » joue actuellement ce rôle dans le Clos du Doubs. Pour les maires de Saignelégier et des Genevez, la négociation paraît être le seul moyen d’aboutir à des résultats. Quant à la coordination, le maire de Saignelégier estime que le PNR pourrait jouer un rôle bienvenu. Il souligne cependant, comme le maire du Noirmont, le travail dans ce domaine de l’association des maires des Franches-Montagnes.

Financement

Le financement a été plusieurs fois évoqué durant les entretiens. Il constitue le nœud du problème. Nombreuses sont les communes (petites et grandes) qui soulignent leur manque total de moyens financiers. Les élus se plaignent aussi de surcharge de travail, aux Genevez, à Epauvillers, Ocourt, Seleute, comme à Charquemont. Une aide extérieure en matière financière et de force de travail est indispensable.

Les représentants du canton (aménagement du territoire et environnement)

Un outil de gestion

Le chef du Service neuchâtelois de l’aménagement du territoire juge intéressant le rôle de coordination et les actions de protection du paysage et de la nature réalisés par les Parcs naturels français. Toutefois, le risque que les objectifs de la Charte ne soient pas réalisés sur le terrain existe. Il souligne l’intérêt des PNR en ce qui concerne « l’aspect dynamique des projets et comme outil de collaboration entre le Jura, Neuchâtel et la France » pour la gestion de la vallée du Doubs. Il évoque la possibilité d’écrire une fiche spéciale du plan directeur cantonal de l’aménagement du territoire pour créer le Parc.

Selon le représentant jurassien du même service, « le concept est intéressant, car il n’offre pas une vision statique comme la réserve naturelle », même s’il juge que cette dernière ne doit pas être remise en cause. Le modèle de PNR permettrait « d’intégrer la réserve naturelle et de la gérer dans un projet général sur l’ensemble du Clos du Doubs ». De plus, d’autres points lui paraissent positifs, comme l’implication directe de la population dans l’établissement de la Charte, les synergies possibles au niveau supra-local, un gain d’efficacité dans le domaine administratif notamment. Quant à l’impact économique d’un PNR, il estime que l’attribution d’un label Parc peut être intéressante pour le tourisme. Globalement, il adhère aux missions et actions proposées par un PNR. Il déplore seulement une pléthore de structures qui se superposent. Il estime qu’on ne peut pas demander de financement supplémentaire aux collectivités et qu’il faut donc plutôt chercher comment faire converger vers ce projet des financements existants. Il voit dans cette façon de procéder un gain possible en efficacité, notamment en ciblant les actions.

Pour le responsable de la protection de la nature du canton du Jura, les instruments légaux sont suffisants. Le problème se pose au niveau de l’application. Il situe les aspects positifs des PNR notamment dans la Charte, « car elle définit un code de conduite » et parce qu’elle établit un plan de gestion pour un espace et évalue la valeur des différents milieux naturels.

Les représentants cantonaux du développement économique et les secrétaires des Régions LIM

Protection de l’environnement et développement économique

Selon le représentant neuchâtelois de la promotion économique, « l’environnement ne doit pas être un frein au développement économique ; il faut que les conditions-cadres soient réunies, sinon les entreprises vont ailleurs, les normes environnementales renchérissant les coûts de production ». Il faut donc éviter un surplus de règlements qui entrave le développement économique. L’idée d’un PNR lui paraît intéressante, mais il pense que le monde économique craindra de voir son développement freiné.

Son homologue jurassien va dans la même direction. Il note que le concept est intéressant : « l’approche est positive et veut montrer les potentialités, en respectant les spécificités de la région ». Une qualité du concept lui paraît en outre résider dans la présentation d’un « projet économique durable qui permet de transmettre aux générations futures un patrimoine préservé ». Il pense que les effets d’un Parc naturel régional sur l’économie devraient plutôt toucher l’agriculture, les services et l’artisanat. Quant à la question du financement, « c’est un faux problème. Les montants sont là, il faut des gens dynamiques et surtout des projets bien ficelés ». Pour lui, l’instrument Regio Plus pourrait par exemple aider au financement de l’équipe permanente d’un PNR.

A la LIM Jura, on estime que « la protection de l’environnement, ce n’est pas intéressant. Par contre, un développement basé sur le respect de l’environnement, oui. En théorie, il est facile de trouver une base pour allier le développement économique et la protection de la nature. En pratique, c’est beaucoup plus dur. On doit pouvoir s’approvisionner en énergie, ce qui implique des pylônes, le goudronnage des chemins s’il y a des raisons de le faire ou le bétonnage des chemins d’accès aux terres agricoles ». La coordination des différents intérêts est donc très difficile. Le tourisme serait selon lui le secteur sur lequel le Parc aurait les effets les plus importants, notamment du fait que l’image Parc se vend bien.

A Centre-Jura, on relève que la notion de développement durable est présente dans le programme de la LIM, mais que la notion de PNR a un intérêt spécifique. Elle propose comme but « le maintien de la population et la protection de son espace de vie. »

Les deux secrétariats des régions LIM se demandent si l’instrument est bien adapté à la région. A Centre-Jura on souligne l’aspect industriel de la région. Ils estiment que la LIM joue le rôle de négociation et de coordination et préféreraient intégrer l’idée dans les programmes de développement LIM, ce qui permettrait de profiter des crédits LIM. Cependant ces crédits ne se prêteraient pas à toutes les actions d’un PNR. Regio plus, nouvel instrument de la politique régionale destiné à l’animation des régions rurales pourrait être sollicité aussi.

Les milieux agricoles

Protection de la nature

La Chambre jurassienne d’agriculture estime que les problèmes environnementaux sont maîtrisés, également au niveau de l’agriculture par le biais de la nouvelle politique agricole. En outre, on sent une « méfiance des agriculteurs vis-à-vis des écologistes ». L’écologie n’est pas bien perçue par les milieux agricoles d’une manière générale.

Concernant le projet de PNR, la Chambre pense que le monde agricole se montrera a priori méfiant vis-à-vis de ce genre d’idée, et cela d’autant plus s’il est présenté par une organisation écologiste. « Les agriculteurs veulent d’abord pouvoir vivre de l’agriculture et non d’un concept nature ». La question qui préoccupe les représentants du monde agricole est de connaître ce que le projet va impliquer en matière d’agriculture.

Le représentant de la Chambre d’agriculture et de viticulture neuchâteloise doute que la coordination des activités puisse être efficace dans un PNR, notamment parce qu’il est conçu sur une base contractuelle.

Pour le maire de Seleute, « l’agriculture est fortement implantée dans la région et on souhaite qu’elle puisse continuer à faire vivre et gagner sa vie. Il faut faire quelque chose qui ne soit pas contraignant pour les agriculteurs ». Les milieux écologistes et agricoles devraient se concerter pour obtenir des résultats. Il admet que le rôle de l’agriculteur n’est plus seulement de produire des denrées alimentaires, mais aussi de s’occuper du paysage.

Développement économique

La discussion a surtout tourné autour de l’apport d’un Parc à l’agriculture.

La Chambre jurassienne d’agriculture estime que la « labellisation » des produits est déjà possible par le biais de la Commission des labels. Elle pense que le marché du « bio » est déjà saturé et la concurrence importante. Ce qui manque : une industrie locale de transformation. Les débouchés créés par le tourisme sont difficiles à évaluer, mais peuvent rester marginaux.

A Neuchâtel, on estime que les labels se mettent déjà en place. On parle de la création d’une marque « Jura ». Ces produits ont néanmoins peu de chance de percer sur le marché international. Il faut plutôt penser au marché local. Il n’est pas convaincu qu’un Parc fournirait à l’agriculture beaucoup d’activités annexes. En effet, il existe déjà des structures de tourisme rural. En outre, l’agriculture de la région manque de « tradition » touristique, c’est une affaire de mentalité.

Le responsable de la vulgarisation agricole du Jura a la même opinion : les activités de diversification intéressent peu les agriculteurs. Il voit plutôt un espoir pour la région dans la construction de la transjurane et l’arrivée de PME.

Presque tous soulignent qu’ « il ne faut pas plaquer des conceptions extérieures sur la région ». Tout projet doit être réalisé par les gens du lieu. « Il ne faut pas que d’autres s’approprient leur devenir, leur destin ».

Les milieux du tourisme

Les responsables du tourisme jurassien et neuchâtelois sont unanimes à déclarer que le PNR est un bon produit touristique. La promotion de la vallée dans son ensemble permettrait de diversifier l’offre, de proposer des semaines sportives qui iraient de la montagne au bord de la rivière et d’attirer ainsi un public jeune intéressant. Le Doubs jouit déjà maintenant d’un très grand attrait touristique. La partie française de la vallée se trouve parmi les régions les plus prisées. Un grand travail pourrait être fait pour mieux mettre en valeur les nombreux atouts de la vallée et faire du tourisme une industrie rentable du point de vue de l’emploi et des revenus de la population locale. Le tourisme favorise également l’écoulement des produits agricoles locaux et de l’artisanat.

Le directeur du tourisme jurassien estime que « dans les trente prochaines années, on mettra l’accent sur le tourisme doux ». C’est le secteur qu’il définit comme porteur pour l’avenir. Le tourisme pratiqué dans la région du Doubs correspond à cela. De plus, au niveau du marketing, la vallée est un produit bien identifiable et facile à vendre. Elle jouit déjà d’une réputation de nature sauvage qui plaît aux sportifs. Le PNR permettrait d’utiliser ses richesses avec une certaine cohérence et une économie de moyens. Il estime que les différents acteurs travaillent actuellement de manière conflictuelle et non en partenariat. Il donne l’exemple des intérêts divergents de l’agriculture qui veut goudronner les chemins et du tourisme qui préfère les revêtements naturels et les difficultés à créer des itinéraires équestres ou VTT.

Le concept de PNR est également bien perçu à Neuchâtel. Le responsable du tourisme des Montagnes neuchâteloises apprécie notamment que le PNR permette de donner une identité à un territoire et que ce dernier ne soit pas défini par des limites administratives. Il remarque cependant que le tourisme doux est moins important à Neuchâtel que dans le Jura et que la mise en valeur du Doubs n’est pas souhaitée par tout le monde.

Groupements et associations

Le président du « Groupe Doubs » qualifie l’actuelle protection de l’environnement de « passive ». Il explique que la démarche entreprise par son groupe est guidée par la volonté de mettre en œuvre une protection « active ». Il insiste sur la nécessité d’une gestion intégrée, dans laquelle tous les partenaires doivent être parties prenantes. Le Parc naturel régional lui paraît être un instrument approprié au développement de cette région puisqu’il lie des objectifs en matière économique et en matière de protection de la nature.

Le président de la Fédération jurassienne des pêcheurs estime qu’actuellement, il n’y a pas de gestion intégrée. Envisager la mise sur pied d’une équipe qui s’occuperait de la gestion et de la coordination serait une bonne chose.

Pour Pro Natura Jura, la gestion de la vallée manque également de cohérence. Il faut donc un concept global, avec une définition claire du développement. Sa représentante s’inquiète cependant des dérapages que l’on pourrait connaître dans l’application de la Charte d’un Parc naturel. « Il ne faut pas que la protection de la nature soit un prétexte pour obtenir des financements ».

Le vice-président du GHETE estime que la protection de la nature est suffisante et que baignades et pique-niques au bord du Doubs ne doivent pas être interdits. Il propose un concept global de protection qui supprimerait les réserves naturelles. Il voit des difficultés à mettre en place un Parc naturel, précisément parce qu’il propose une conception globale : « L’esprit de clocher est encore vivace ».

Un représentant du Groupe Doubs indique que les régions qui mettent sur pied un PNR auront de l’avance sur les autres en établissant un projet de développement durable. Cette exigence devrait en effet prendre de l’ampleur à l’avenir.

Synthèse et propositions

Délimitation du périmètre

Quelques exemples en France

La réalisation d’une structure de Parc naturel régional nécessite des moyens humains et financiers importants, ce qui implique que les Parcs doivent regrouper une population relativement conséquente.

Les parcs français comptent entre :

Parc du Queyras 2 300 habitants et 11 communes

Parc Nord Pas-de-Calais 330 000 habitants et 159 communes

Le Parc Camargue compte 2 communes

Le Ballons des Vosges 188 communes

La moyenne se situe aux environs de :

75 000 habitants et 80 communes

A la vue de ces données, on constate que l’importance des bassins de population des PNR varie grandement. Cependant, pour mettre en œuvre des projets, des ressources financières sont nécessaires. Il importe donc que le périmètre choisi ait une taille suffisante pour que l’on dispose de ressources à la mesure des objectifs que l’on désire se fixer.

Les budgets de fonctionnement varient entre

Haute Vallée de Chevreuse et Queyras 2,8 millions FF

Nord-Pas-de-Calais 40,1 millions FF

La moyenne se situe aux environs de 9,6 millions FF

La loi française situe le minimum pour permettre au Parc d’assurer ses missions à 4 millions de FF la première année.

Propositions

A notre avis, un Parc naturel régional devrait inclure toute la Vallée du Doubs. Celle-ci possède en effet une homogénéité paysagère et socio-économique suffisante. Il serait très dommage de ne pas disposer d’un concept global de gestion de cet espace, alors même que le but des Parcs est de coordonner et de gérer toutes les activités d’une région afin de créer des synergies favorables à l’économie et à l’environnement. Ceci implique aussi une démarche transfrontalière.

La vallée est très liée à ses versants, au niveau socio-économique et administratif notamment. Ainsi certaines communes comme Les Bois, Le Noirmont, Les Pommerats, St-Brais, sont riveraines du Doubs, mais appartiennent également aux Franches-Montagnes, car le village est implanté non dans la vallée, mais sur le plateau.

Il paraît donc difficile de n’envisager qu’un périmètre « vallée », sans remonter sur les versants, notamment sur les plateaux des Franches-Montagnes et de Maîche. La Vallée et les plateaux pourraient profiter d’une certaine complémentarité entre les richesses naturelles à mettre en valeur et les infrastructures à disposition.

Si la vallée du Doubs doit constituer la colonne vertébrale d’un parc naturel régional, ses versants, avec lesquels elle entretient des liens étroits doivent être inclus dans la démarche.

La question de l’inclusion des villes dans un Parc naturel régional soulève des interrogations et des craintes. A ce sujet, nous pouvons émettre trois remarques :

  • Les Parcs n’interdisent pas l’activité industrielle sur leur territoire, pourvu qu’elle soit respectueuse de l’environnement et qu’elle se développe dans des zones prévues à cet effet. La Charte contient un plan du Parc dans lequel les diverses vocations de son périmètre sont définies, y compris des zones à fort développement industriel. Certaines parties du territoire, comme les villes, admettent l’implantation d’entreprises, même importantes, assurent une bonne desserte en moyens de transport et jouent un rôle d’accueil et de pôle culturel. D’autres endroits sont plutôt réservés à l’agriculture, au tourisme, aux loisirs ou à l’artisanat et à la petite industrie. Ainsi la complémentarité entre la ville et la campagne pourrait être favorisée de manière particulièrement judicieuse dans le cadre d’un Parc.

  • Il n’est pas assuré que les villes souffrent de l’image « Parc naturel ». Pour autant que les conditions d’implantations ne soient pas modifiées en soi, l’inclusion de la ville dans un PNR peut constituer un charme supplémentaire. On sait en effet que la qualité de vie joue un rôle dans le choix de localisation des entreprises. Disposer de tous les avantages de la ville et, dans le même temps, être à deux pas d’un site magnifique peut être compris comme un avantage.

  • Le concept français de PNR prévoit la notion de « ville-porte », définie comme suit : « une ville-porte est une commune de taille importante située à la périphérie des limites du Parc naturel régional. Elle peut être membre de l’organisme de gestion du Parc. En tant que partenaire du Parc, elle bénéficie d’une partie de ses actions et, en général, participe à sa promotion » (Argumentaire 1994, p. 28). Les villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle pourraient aussi participer à la création du Parc en tant que villes-portes.

  • Il est aussi envisageable qu’une partie seulement de la commune fasse partie du Parc, la ville restant à l’extérieur. Les structures françaises admettent que les Parcs ne suivent pas forcément les découpures administratives.

Contenu du projet

Synthèse des diverses positions

Les choses se présentent assez différemment d’une commune rurale à l’autre. On peut toutefois affirmer que toutes sont ouvertes à la discussion et se disent prêtes à poursuivre la réflexion. Leurs représentants voient dans le Parc un moyen efficace de promouvoir la région, notamment au niveau touristique, ainsi qu’un moyen de gestion approprié des activités dans l’ensemble de la vallée. Cependant, il faut relever que les communes très agricoles manifestent moins d’intérêt pour le projet. La crainte de se voir imposer de nouvelles contraintes en matière d’agriculture les incitent à se montrer réservées. Les exigences environnementales inquiètent d’ailleurs aussi d’autres communes, qui tiennent à ce que l’économie ne soit pas freinée. Les villes s’interrogent quant à l’image que le Parc leur conférerait en tant que place industrielle.

La méfiance la plus grande vient cependant des milieux agricoles jurassiens. Ils estiment que la nouvelle politique agricole est déjà très lourde et exige beaucoup en matière d’environnement. Un projet qui impliquerait de nouveaux efforts serait immanquablement rejeté.

Si nous voulons poursuivre notre démarche avec quelque chance de succès, il conviendra de reprendre contact avec le monde agricole. Il faudra présenter clairement les avantages que le Parc naturel pourrait amener à l’agriculture et préciser ce que le Parc pourrait attendre des exploitants. Ceci afin d’éviter les craintes infondées. En effet, le concept de Parc est basé sur une protection de la nature positive. Il ne s’agit donc pas d’imposer de nouvelles limitations à l’agriculture. On cherchera plutôt à l’aider à résoudre certains problèmes grâce à des actions positives. On mènera ensemble une réflexion sur ce que pourrait être son avenir et ses créneaux de développement. On soutiendra ses initiatives, pourvu qu’elles soient compatibles avec la philosophie du Parc.

Lors des entretiens que nous avons eus avec les différents représentants du monde agricole, plusieurs problèmes ont été évoqués. Des suggestions d’actions concrètes pour le Parc nous ont été faites. Nous sommes persuadés que le Parc peut être favorable au secteur primaire. Ce concept est particulièrement adapté aux zones rurales. Il permet une diversification de l’agriculture pour ceux qui le désirent, une recherche de nouveaux débouchés pour les produits locaux et apporte une aide pratique aux exploitants par des actions ciblées telles que débroussaillages de pâturages, réfection de murs de pierre sèche, etc…

Au sein des administrations cantonales, les premiers contacts établis permettent d’espérer un soutien. Dans le Jura, les personnes rencontrées ont montré de l’intérêt pour le projet. Pour les Neuchâtelois, le développement de la vallée du Doubs n’est pas prioritaire, mais ils ne sont pas opposés au processus engagé. Il conviendra de toute manière d’associer étroitement à la suite de la démarche tous les services de l’Etat concernés.

Les régions LIM ont montré un certain intérêt, mais préféreraient intégrer ce projet à leur programme de développement.

Les milieux touristiques sont très favorables au projet. Le Parc apporte une image très valorisante à la région. Ce type de concept entre parfaitement dans la stratégie du tourisme doux de l’Arc jurassien. Il permet de mettre en place une promotion diversifiée, utile et efficace de la Vallée du Doubs.

Du côté des diverses associations consultées, le projet pourra également trouver des appuis, notamment auprès du « Groupe Doubs », dont la démarche initiée au début des années 90 va dans le sens proposé par les Parcs naturels régionaux. Une collaboration est à envisager avec ce groupe qui a réalisé un grand travail d’inventaire des richesses naturelles de la vallée et pris de nombreux contacts avec les communes. Soutien aussi de Pro Natura, qui souligne la nécessité d’un instrument de gestion globale de la vallée du Doubs.

Quelques suggestions pour la suite

Le « Projet  Clos du Doubs » a commencé en 1994. Il poursuit des buts proches de ceux des Parcs naturels régionaux, mais à une échelle réduite puisque le Clos du Doubs ne regroupe que huit communes et environ 1 600 habitants. Les autorités et la population se sont activement impliquées. Les élus déjà bien occupés par leur projet de développement, auront beaucoup de peine à s’engager dans une nouvelle démarche.

Cependant, ce  projet arrive maintenant à un tournant. En effet, jusqu’à présent il était piloté par un groupe formé d’élus de la région et de représentants de l’administration. C’est sous l’impulsion de cette dernière que la phase d’étude a été menée. Actuellement, plusieurs études sont prêtes et la mise en œuvre devrait débuter. Il est prévu que l’administration, très présente dans les premières phases, se retire progressivement, laissant la réalisation aux représentants de la région. Le soutien technique et financier de l’Etat devrait peu à peu cesser.

Un Parc naturel régional pourrait reprendre le flambeau et apporter son soutien à la population locale dans la concrétisation de projets déjà préparés et d’autre part proposer un instrument de gestion plus large, qui va dans le sens de la démarche initiée dans le Clos du Doubs.

Dénomination du concept

La dénomination de « Parc naturel régional » a soulevé quelques questions. Pour beaucoup, la notion de « Parc naturel » est trop fortement associée à un espace fermé, figé, où les interdictions sont nombreuses. La confusion est possible avec le « Parc national » qui signifie une protection totale.

A l’inverse, d’autres ont estimé que la dénomination est intéressante au niveau du marketing touristique. Le tourisme vert a le vent en poupe. Sur ce marché, une région qui bénéficie d’un label « Parc » dispose d’un atout incontestable.

En outre le concept de « Parc naturel régional » est français et répond à un certain nombre de critères propres à ce pays. Il devra subir des adaptations pour se concrétiser en Suisse. Nous avons donc tout loisir de nommer autrement une réalité qui sera différente. Chaque pays européen a d’ailleurs sa propre dénomination. Toutefois, dans le cadre d’une démarche transfrontalière, une appellation commune pourrait aussi rendre service.

Financement

La question du financement a souvent été abordée par les intervenants. Les caisses publiques sont vides. Nombre de représentants des communes doutent que l’on puisse mobiliser des moyens pour financer cet instrument. Quelques pistes peuvent cependant être examinées.

Dans le cas où le projet serait transfrontalier, des fonds communautaires pourraient être alloués. En effet, l’Union européenne participe au financement de projets qui touchent ses régions frontalières.

En Suisse, un tel projet pourrait bénéficier de fonds particuliers. L’instrument « Regio Plus », nouveauté de la politique régionale, couvre des mesures d’animation ou d’organisation. Le Parc pourrait peut-être en bénéficier pour financer l’équipe de permanents chargés de mettre en application la politique du Parc. D’autres fonds fédéraux pourraient aussi être mobilisés pour la couverture de projets particuliers, dans le domaine du tourisme par exemple ou dans le domaine de la protection des paysages ou de la nature. Ces quelques propositions, dont la liste n’est pas exhaustive, montrent que des solutions existent. Ces possibilités sont confirmées par les secrétaires LIM et le représentant jurassien du Service de l’économie.

En outre la Confédération vient de mettre à disposition des crédits spéciaux destinés à soutenir des projets liés au développement durable. Le PNR semble bien correspondre aux critères qui ont été choisis et ce concept devrait aussi pouvoir profiter d’une telle offre.

Le PNR peut jouer le rôle de catalyseur et attirer des crédits extérieurs dans les cantons du Jura et de Neuchâtel. Ceci ne peut que contribuer à créer des emplois dans ces cantons et à dynamiser leur économie. La part que le canton et les communes devraient consentir se comprendrait comme un investissement facilement rentabilisé par les fonds qu’il permettrait de drainer.

Pour que notre économie se développe, pour créer des emplois, pour faire venir de l’argent dans notre région, nous devons avoir un projet qui puisse motiver des investisseurs extérieurs. Le PNR peut jouer ce rôle.

Constitution d’un groupe de travail

Afin de poursuivre la réflexion sur la constitution d’un Parc naturel régional du Doubs, un groupe de travail devrait se constituer. Il regrouperait tous les partenaires susceptibles d’intervenir dans ce projet.

Ce groupe devra se préoccuper de questions administratives, inhérentes à la mise en place de cet instrument. Ces dernières sont en effet primordiales, principalement la définition du contenu de la Charte qui devrait fixer les grandes lignes d’action du Parc, la détermination d’une forme juridique qui s’inscrive dans notre législation ou encore la recherche de financement, nécessaire aussi dans la phase de constitution.

Ce groupe pourrait aussi initier des actions de terrain. En effet, la remarque a été plusieurs fois entendue : trop d’études ont déjà été menées sans déboucher sur des réalisations. Le processus de constitution d’un PNR, les expériences françaises le montrent, est souvent très long. Il est important que conjointement à ce travail de réflexion, le Parc montre sa capacité à réaliser des projets concrets. Ainsi, un groupe de travail réunissant tous les acteurs impliqués dans la mise en place du Parc pourrait rapidement s’atteler à des problèmes de terrain. Nous donnons ci-dessous quelques exemples :

  • Développer un concept global d’information sur la Vallée du Doubs qui pourrait déjà sensibiliser le public aux richesses et à la gestion de cet espace naturel.

  • Créer une « Maison du Parc » qui ferait office de centre d’information,

d’éducation à l’environnement, de conservation d’archives, d’exposition, de conférences, etc….

  • Mettre en valeur ces richesses, notamment à l’intention des touristes, mais aussi de la population locale (panneaux, sentiers, etc…).

  • Des projets initiés dans le cadre du « Projet Clos du Doubs » pourraient être étendus à l’ensemble de la Vallée. Nous pensons par exemple à une promotion touristique commune.

  • Des partenariats pourraient être mis en place avec les universités de Neuchâtel et Besançon ou d’autres institutions.

  • « Labellisation » des produits du terroir, agricoles, sylvicoles ou artisanaux.

Des propositions semblables ainsi que bien d’autres ont déjà été formulées par divers milieux. Ce ne sont pas les idées qui manquent. C’est souvent dans la mise en œuvre que les difficultés apparaissent. Le Parc pourrait apporter une contribution à la réalisation.

Cette double démarche, de réflexion d’une part et d’action d’autre part, nous paraît un élément important de la réussite du projet.

Position du WWF

Le WWF Suisse, ainsi que ses deux sections de Neuchâtel et du Jura, est prêt à ouvrir le dialogue avec les collectivités et les groupes d’intérêts des deux cantons et de France voisine, afin de mettre en marche un processus de création d’un Parc naturel régional. Il est prêt à leur apporter le soutien dont ils pourraient avoir besoin dans cette démarche.

L’étude de M. Clément Jeanguenat, montre que la notion de « Parc naturel régional » a rencontré un intérêt certain dans la région. Beaucoup y ont vu un atout supplémentaire, autant au niveau de l’économie que de la protection de la nature. La protection de la nature peut être prise en main par chacun. Elle devient une notion positive et n’est plus perçue comme un ensemble d’interdictions et de contraintes. La nature peut apporter quelque chose à l’économie locale, à condition de la respecter et de la mettre en valeur. Ceci nous encourage à poursuivre la démarche.

Le WWF est aujourd’hui particulièrement intéressé par la concrétisation des principes du développement durable. Cette notion va devenir de plus en plus la référence obligée ces prochaines années, avec l’intégration de ses trois pôles fondamentaux : protection de l’environnement, protection sociale, développement économique. Des idées fleurissent partout dans notre pays et à l’étranger. Avec ce projet, la région du Doubs serait à l’avant-garde du développement durable dans notre pays et ferait un travail de pionnier. A ce titre, elle serait exemplaire et attirerait très certainement un tourisme qui ne serait pas seulement de délassement, mais aussi d’experts et de curieux. Une chance de plus à saisir.

Le développement durable part du terrain et des collectivités locales pour remonter ensuite vers les niveaux régional ou national. Il faut d’abord que les collectivités locales prennent leur destin en mains. Le WWF tient à travailler avec les personnes les plus concernées. Il pense jouer un rôle d’impulsion dans un premier temps, puis garder un rôle d’appui jusqu’à ce que le projet trouve sa propre dynamique.

Il compte donc aujourd’hui sur l’enthousiasme de toutes les personnes de la région pour saisir cette chance et créer ensemble le premier « Parc naturel régional » de Suisse, et peut-être l’un des premiers parcs transfrontaliers.

Gisèle Ory

d’après le travail de diplôme de Clément Jeanguenat
Institut de géographie, université de Neuchâtel

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