Libéralisation des marchés de l’électricité (LME)

Libéralisation du marché de l’électricité

 

 

La loi sur les marchés de l’électricité a pour but de fixer un cadre à l’ouverture des marchés de l’électricité en Suisse.

 

Le 7 avril 2001, un référendum soutenu par les organisations syndicales, le SSP et l’USS, a été déposé contre la LME. Il est donc utile de resituer le débat.

 

L’Union européenne a émis une directive sur l’ouverture des marchés de l’électricité qui est entrée en vigueur en 1997. Elle prévoit une ouverture partielle des marchés européens, mais laisse une certaine liberté aux Etats quant à son application, calendrier d’ouverture et normes environnementales en particulier.

 

La Suisse n’étant pas membre de l’Union européenne, elle n’est pas tenue d’appliquer cette directive. L’ouverture en Suisse se fait selon les règles GATT/OMC. L’électricité y est considérée comme une marchandise, que l’on doit accepter indifféremment, quelle que soit sa provenance. Autrement dit, si la Suisse ouvre son marché à certains consommateurs, ceux-ci peuvent acheter l’électricité auprès de n’importe quel fournisseur suisse ou étranger, même si le pays d’où provient le fournisseur n’a pas encore libéralisé son marché de l’électricité.

 

 

Buts de la loi

 

La loi a pour but d’assurer une offre d’électricité compétitive aux plans national et international. En particulier :

 

–        d’améliorer l’efficacité concurrentielle des entreprises électriques,

–        de favoriser la compétitivité internationale du secteur industriel en abaissant les prix de l’électricité. Ce point doit être relativisé, car à part quelques branches où l’énergie dépasse 10% du coût de production, comme par exemple l’aluminium, d’une manière générale, le coût de l’électricité représente environ le 0,5% des coûts de production.

 

 

Principes

 

La loi postule la séparation des fonctions de production, de transport et de distribution. Elle propose que le réseau de transport soit exploité sur tout le territoire suisse par une société nationale de droit privé. Elle prévoit une rétribution pour la prise en charge d’électricité sur un réseau. « La rétribution de l’acheminement de l’électricité est calculée en fonction des coûts indispensables à une exploitation efficace du réseau assortie d’un gain approprié ». Les entreprises d’approvisionnement et de distribution sont tenues  d’entretenir les réseaux et de fournir du courant aux consommateurs finaux. Sur le réseau d’un exploitant, elles doivent facturer les mêmes prix aux clients de la même catégorie. En revanche des différences peuvent exister entre les réseaux.

 

Elle prévoit que « le Conseil fédéral peut fixer la proportion d’électricité provenant d’énergies renouvelables que la société doit utiliser pour s’acquitter des tâches prévues ». Des dispositions transitoires permettent des prêts à prix coûtant aux centrales hydroélectriques, ainsi qu’une exemption du paiement de la rétribution d’acheminement pour l’électricité produite à partir de petites centrales d’énergie renouvelables.

 

 

Rapidité de l’ouverture

 

L’ouverture prévue par cette loi est très rapide. Dès l’entrée en vigueur de la loi, les gros consommateurs qui utilisent au moins 20 Gwh par année et 10% des autres consommateurs ont accès au marché, ce qui représente 21% du marché. Trois ans plus tard, la barre sera abaissée à 10 GWh et 20 % des autres consommateurs, soit 34% du marché. Six ans après, ce sera la totalité du marché.

 

La directive européenne prévoit une ouverture de 25% dès 1999, puis une ouverture par étape jusqu’à 33% obligatoires au maximum. Certains pays peuvent aller plus loin s’ils le désirent, ce qui est le cas du Royaume Uni, de l’Allemagne, de la Suède ou de la Finlande.

 

En revanche, si la France ou l’Italie tardent à ouvrir leur marché, leurs compagnies pourront parfaitement concurrencer nos entreprises électriques dès que notre loi sera mise en vigueur, sans pour autant que les entreprises suisses puissent faire de même en France ou en Italie. La Suisse doit donc négocier des accords de réciprocité avec les autres pays européens.

 

 

Commission d’arbitrage et surveillance des prix

 

Une commission d’arbitrage est créée pour surveiller le bon fonctionnement du marché de l’électricité, en particulier, elle contrôle les prix d’accès au réseau. Elle aura un pouvoir assez large et sera très indépendante. Les décisions en matière de prix des organes publics, seront soumises au surveillant des prix. De l’aveu même de l’Office fédéral de l’énergie, il veillera à ce que les décisions soient prises en fonction de critères économiques et financiers et non pas politiques.

 

 

Les effets prévisibles de l’ouverture

 

La baisse des prix

 

–        L’industrie et les gros consommateurs espèrent négocier des prix favorables et obtenir des réductions d’environ 20 à 25 %.

–        Les petits consommateurs  bénéficient aujourd’hui de tarifs  avantageux et auront peu de possibilité de négocier de meilleurs prix. L’observation des libéralisations déjà réalisées montre que si les prix descendent un peu dans un premier temps, ils remontent ensuite. Les prix pour les gros consommateurs se stabilisent assez bas. Les prix pour les ménages un peu plus hauts que précédemment. Du point de vue social, il est donc peu probable que l’effet soit favorable à long terme. D’autant plus, qu’à l’heure actuelle, les bénéfices des services industriels servent souvent à améliorer les comptes des collectivités publiques, donc à diminuer les impôts.

 

 

La sécurité des prix et de l’approvisionnement

 

–        Du point de vue de la sécurité, les prix ne seront plus fonction des coûts de production, mais de l’offre et de la demande et deviendront par conséquent beaucoup plus volatiles.

–        L’introduction de la concurrence crée une situation d’insécurité qui n’est pas favorable à de nouveaux investissements. Les entreprises ont avantage à rentabiliser  leurs installations au maximum et à investir le moins possible pour tirer des bénéfices à court terme.

–        L’offre pourrait ne pas suivre la demande, la sécurité de l’approvisionnement ne plus être assurée et une flambée des prix, voir une pénurie apparaître.

 

 

Les emplois

 

Selon l’Union des centrales suisses d’électricité, l’ouverture du marché aura également pour conséquence une forte baisse du nombre d’emplois.  A l’étranger, la réduction du nombre d’emplois a été de 20 à 30%. En Suisse, cela représenterait 5000 à 7000 emplois, sans compter les pertes des emplois induits qui peuvent être du même ordre de grandeur. Une grande rapidité d’ouverture n’est donc pas souhaitable, il faut au contraire laisser le temps aux entreprises de se retourner et aux employés de retrouver du travail.

 

 

L’écologie et la politique énergétique

 

–        Du point de vue écologique, il y a plusieurs problèmes à relever en relation avec la baisse des coûts. Tout d’abord, la pression sur les prix sera très forte et la résistance à toute prise en charge de coûts écologiques importante. Il sera difficile d’instituer la vérité des coûts, d’autant plus que le système de contrôle des prix est clairement destiné à faire triompher les arguments économiques au détriment des arguments politiques.

–        La loi n’offre qu’un avantage faible aux énergies renouvelables.

–        La concurrence avantage les énergies traditionnelles polluantes. Si les gros consommateurs poussent tellement à la libéralisation actuellement, on peut penser que c’est justement pour une question de prix et qu’ils achèteront donc principalement des énergies bon marché et polluantes. Pour y remédier, il faudrait pouvoir harmoniser au niveau international les normes de sécurité et d’environnement, ce qui n’est pas le cas actuellement.

–        Les entreprises libéralisées n’ont aucun avantage à promouvoir les économies d’énergie. Elles ont au contraire avantage à pousser la consommation. En Norvège, la consommation de courant a augmenté très fortement avec la libéralisation.

 

Le nucléaire

 

–        Les centrales nucléaires seront poussées jusqu’au bout afin d’être rentabilisées au mieux.

–        En cas de concurrence effrénée, ne sera-t-on pas tenté d’économiser sur quelques mesures de sécurité « moins importantes » ?

–        En cas de pénurie, le nucléaire apparaîtra de nouveau comme une solution possible (voir aux USA).

 

 

Le contrôle démocratique

 

–        Les entreprises libéralisées échappent au contrôle démocratique et rendent plus difficile la mise en place d’une politique énergétique orientée vers le développement durable.

–        Les objectifs prioritaires, fixés par la loi, sont économiques et non pas politiques ou environnementaux .

–        La baisse des prix et la concurrence que se livrent les différents fournisseurs fragilisent les entreprises.   Le marché européen risque bien d’être rapidement dominé par quelques multinationales, sur lesquelles les états auront peu d’influence.

 

 

En conclusion

 

Avec cette loi, le Conseil fédéral aura bien de la peine à garantir « un approvisionnement en énergie sûr, économique et respectueux de l’environnement » conformément  au mandat constitutionnel qui lui a été donné en 1990 par le peuple.

 

G. Ory 10.09.01

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