Loi d’organisation du Grand Conseil

 Rapport du Groupe socialiste

 Ce projet de loi est tout à fait particulier, car la loi que nous allons discuter, pour une fois, ne va pas s’appliquer à nos concitoyens, mais à nous-mêmes, députés.

Certains d’entre nous éprouvent peut-être une certaine gêne à parler d’un projet qui les concerne directement. Après tout, nous sommes là pour nous occuper des problèmes de la république et non pas des nôtres. Nous avons déjà si peu de temps à disposition. Pourquoi s’occuper encore de nous ? Notre préoccupation pour nous-mêmes sera-t-elle comprise ? Notre modestie en souffrira-t-elle ? Pourrait-on nous soupçonner de voter un objet qui nous avantage ?

Nous formons un parlement de milice. Cela veut dire que nous ne sommes pas des professionnels et que nous ne sommes pas rémunérés comme tels. Pourtant, nous devons légiférer dans des domaines de plus en plus complexes et diversifiés. Nous avons de plus en plus de travaux à accomplir et de projets à étudier. Les séances de groupe s’ajoutent aux sessions et aux séances de relevée. Et la même question lancinante se repose régulièrement : comment concilier service aux institutions démocratiques, vie familiale et vie professionnelle ? Chacun et chacune de vous en ont fait l’expérience. Pour être député, il faut réunir beaucoup de conditions. Il faut en avoir la possibilité pratique et financière (par exemple pour les indépendants qui ne sont pas à leur bureau ou à leur atelier quand il sont au Grand Conseil). Il faut décrocher l’assentiment de sa famille et parfois aussi celui de son employeur.

Ces constatations ne sont pas anodines, car c’est la notion-même de parlement de milice qui est en cause.

On peut se demander si les obstacles à l’exercice d’une telle charge ne deviennent pas si importants que l’accès au parlement n’est en réalité pas ouvert à toutes les citoyennes et à tous les citoyens, de manière égalitaire. Une réflexion approfondie mérite d’être menée dans ce domaine, car l’accès du parlement à toute la population, employés, employeurs ou indépendants, personnes mariées, célibataires ou élevant seules une famille, est une condition fondamentale de la démocratie, une garantie que le parlement est véritablement l’émanation de l’ensemble de la société et qu’il représente, autant que faire se peut, les nombreuses facettes de la société et les intérêts les plus divers.

Le travail du parlement a beaucoup augmenté. Le bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil en est le témoin privilégié. Ces dernières années, il a grossi avec conviction. L’amour du verbe que cultivent les représentants du peuple neuchâtelois n’en est même pas le principal responsable. Cet épanouissement reflète en réalité l’allongement des ordres du jour. Ceux-ci sont devenus si redondants, que souvent les sessions ordinaires ne permettent pas de les épuiser et qu’il faut recourir régulièrement à des séances de relevée.

Même si l’équilibrisme est une qualité que l’on prête parfois aux parlementaires, il peut aussi en fatiguer certains. Le nombre de démissions en cours de législature ne peut être que préoccupant. Les présidents des partis le savent, constituer des listes électorales est un exercice de longue haleine, éviter de les épuiser avant la fin de la législature, un exercice de persuasion.

Il convenait donc de réfléchir à cette situation et de prendre des mesures propres à améliorer la situation.

C’est même une urgence.

Le Groupe socialiste est sensible à la volonté du bureau de se préoccuper de l’efficacité du travail des parlementaires, mais aussi en partie des contraintes auxquelles ils sont soumis, de manière à ce que le travail au Grand Conseil soit aussi facilement conciliable avec la vie professionnelle et familiale que possible. Il entre donc en matière majoritairement, si ce n’est unanimement sur ce projet de modifications de la Loi d’organisation du Grand Conseil.

Le Groupe n’est pas unanime, parce qu’il regrette que le bureau n’ait pas poussé l’exercice plus loin, et ainsi posé sur la table les vrais problèmes. Les obstacles que les députés trouvent sur leur chemin sont tels, qu’ils sont propres à en décourager plus d’un. Il faut y remédier vraiment et cela ne peut se faire sans modifier plus fondamentalement les règles de fonctionnement du législatif. Revoir certaines dispositions susceptibles d’améliorer la fluidité des débats et l’efficacité de la gestion du temps, c’est bien. C’est même nécessaire, pour autant que l’on ne restreigne pas la liberté et le droit fondamental es députés de s’exprimer. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

L’organisation politique de notre canton, telle qu’elle a été pensée par les auteurs de notre constitution, repose sur l’équilibre entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Le parlement doit être un réel pouvoir, au sens politique du terme. Il doit jouer complètement son rôle de premier des trois pouvoirs pour que la démocratie puisse fonctionner de manière efficiente. Pour ce faire, il est nécessaire qu’il ait quelques moyens propres, qui lui donnent une certaine indépendance par rapport au Conseil d’Etat. Un service du Grand Conseil autonome et disposant de son propre budget pourrait être un but à moyen terme.

Un appui renforcé aux députés pourrait également être envisagé. A Genève, la Loi portant règlement du Grand Conseil, de 1997, précise à son art. 40, al. 3, que « Le budget comporte une somme destinée au versement d’une allocation forfaitaire annuelle, fixée par le bureau du Grand Conseil, à chaque groupe représenté au Grand Conseil qui justifie de l’engagement sous sa propre responsabilité d’un assistant politique non député chargé d’aider ses députés dans leur travail parlementaire. » Le Groupe estime qu’il faudra examiner dans quelle mesure on pourrait offrir aux députés, et en particulier aux commissions, un soutien logistique, qui leur permettrait de mieux exécuter leurs tâches.

Enfin, ouvrir la possibilité de dédommager réellement les députés pour le temps qu’ils investissent au service de la communauté, pourrait aussi être une manière de rendre le parlement accessible à une part plus importante de la population. Le Groupe estime qu’il est nécessaire d’étudier un modèle de rétribution des députés, qui permette à chacun d’être élu, quels que soient son salaire et sa disponibilité, sans en souffrir trop fortement.

La discussion a été amorcée au sein du bureau. Elle a rapidement été abandonnée, pour des raisons sur lesquelles il n’est pas nécessaire de s’appesantir, en ces temps douloureux d’élaboration du budget. Néanmoins, l’idée doit être conservée pour des temps meilleurs.

La limitation du temps de parole reste un sujet très délicat. Dans quelle mesure, le député peut-il être interrompu dans ses développements les plus lyriques… ou les plus dilatoires ? L’interruption du député est-elle conforme à l’esprit de la constitution et à l’idéal démocratique ? Le Conseil d’Etat peut-il répondre à cette question? Jusqu’où peut-on laisser aller la verve des uns et la patience des autres ? Les exercices de chronométrage effectués ont montré, en tout cas, que n’est pas toujours le plus bavard celui que l’on croit ! Notre Gouvernement n’a rien à envier à notre Parlement ! Une chose est certaine, la question se pose dans de nombreux parlements. Le Conseil national y a répondu fin août en stipulant que « Le micro de l’orateur sera coupé une fois le temps de parole écoulé »…Gageons que le député neuchâtelois ne voudra pas se laisser faire et que nous entendrons encore de grandes envolées oratoires ! C’est peut-être encore un luxe, ou un plaisir, que nous pouvons nous offrir dans nos parlements cantonaux.

La réforme proposée est nécessaire. Elle est très, voire trop, modeste. Le Groupe socialiste la considère cependant comme globalement positive.

GO

 

 

 

 

 

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