Discours du 1er août

Chères Concitoyennes, Chers Concitoyens, Chers Amis de Hauterive,

 

Avez-vous lu la constitution fédérale ?

 

Vous êtes en train de vous dire que j’ai pris trop de soleil cet après-midi et que vous n’allez quand même pas, par un beau jour de vacances comme aujourd’hui, vous plonger dans de vieux bouquins poussiéreux.

 

Eh bien même si votre brochure de la constitution a pris un peu de poussière, elle n’est pas vieille. Elle est même parfois étonnamment moderne.

 

Et surtout, elle a une qualité extraordinaire, elle nous réunit tous. Ca paraît banal, mais en réalité, c’est une sorte d’exploit.

 

Imaginez-vous, lorsque vous êtes en famille, ou à une table de restaurant avec vos amis, vous parlez de choses et d’autres. Rapidement, vous vous apercevez qu’il y a autant d’avis que de personnes autour de la table.

 

Quelquefois même, le ton monte, vous n’êtes pas d’accord du tout et vous repartez contrariés en pensant que Jean et Françoise exagèrent vraiment. Où ont-ils été chercher des idées pareilles.

 

Eh bien, pour faire notre nouvelle constitution, il a fallu mettre tout le monde ensemble et se mettre d’accord sur un seul texte.

 

Ce texte est celui qui vous unit, les uns aux autres, qui vous unit à moi et moi à vous. Sur ces principes fondamentaux, les Argoviens, les Zürichois, les Tessinois et même les Uranais, sont d’accord avec nous, même s’ils le disent dans une langue que nous ne comprenons pas. Les hommes et les femmes, pour une fois réconciliés, les nouveaux Suisses et les vieux Suisses, nous sommes tous d’accord pour dire que : «

 

 

Sur la base de ce texte, nous avons décidé de vivre ensemble ? Eh oui, nous sommes parvenus à nous mettre d’accord. Pourtant, nous savons bien que nous ne voulons pas tous la même chose. Nous n’avons pas les mêmes besoins. Nous n’avons pas fait les mêmes expériences. Nous n’avons pas eu tous les mêmes chances, loin s’en faut. Nous n’avons pas non plus les mêmes goûts, surtout pas les mêmes avis, ni les mêmes envies, même pas la même culture ou la même origine, mais la constitution, nous l’avons faite ensemble.

 

Nous avons décidé de continuer ensemble, de faire un bout de chemin. C’est peu au fond, mais c’est aussi extraordinaire.

 

C’est peu, parce que cela signifie seulement que nous avons pris note que nous sommes nés dans ce coin de pays, où nos ancêtres avaient déjà décidé de vivre ensemble.

 

C’est extraordinaire, parce que cela veut dire, que nous sommes tous solidaires de notre coin de pays, que nous en sommes responsables, que la Suisse, que nous avons reçue de nos ancêtres, ou par laquelle nous avons été accueillis, est aussi un peu notre œuvre. Nous sommes tous des citoyens différents, mais nous sommes tous des citoyens qui peuvent s’exprimer, participer à la vie de la communauté, comprendre, discuter, négocier, créer, préparer notre avenir commun. Nous sommes tous des citoyens prêts à partager, à donner comme à recevoir.

 

Nous voulons créer la Suisse. Mais que voulons-nous donc qu’elle soit ? Chacun en a son image, mais c’est une image commune qui sera imprimée dans les livres d’histoire de vos enfants et petits-enfants.

 

Je ne sais pas non plus ce qu’elle sera, mais permettez-moi au moins d’esquisser les contours de ce que je voudrais qu’elle soit.

 

J’aime particulièrement l’image de la Suisse multiculturelle. Vous me pardonnerez de reprendre quelques mots du message du président de la Confédération après la victoire d’Alinghi : « Alinghi, c’est enfin une équipe multiculturelle qui, à l’image de la Suisse du 21ème siècle, a su intégrer une quinzaine de nationalités avec une redoutable efficacité »,

 

J’aimerais que la Suisse soit fière d’être cette vivante mosaïque de peuples et de cultures, qu’elle soit fière de sa diversité. Il est vrai que cela rend le consensus quelquefois difficile.

 

Combien de temps faut-il pour élaborer une assurance maternité ou pour adhérer à l’Europe ? Mais tant qu’il suffira, pour trouver des solutions, de remettre l’ouvrage sur le métier, je veux bien le faire aussi souvent et aussi longtemps que nécessaire. Le seul souci que l’on pourrait avoir, serait que les citoyens ne s’intéressent plus à la politique, qu’ils refusent le dialogue, rejettent tout accord, méprisent leurs adversaires politiques, jettent systématiquement le discrédit sur la politique, les politiciens et les politiciennes.

 

Pour qu’une démocratie soit vivante, qu’elle fonctionne vraiment, il faut qu’elle reste une assemblée de citoyens et de citoyennes, qui acceptent leurs responsabilités et qui respectent les règles du jeu. Il faut que chacun participe dans la mesure de ses moyens à la création de l’opinion et à la prise de décision.

 

Je voudrais aussi que la Suisse trouve sa place en Europe et dans le monde. Ni recroquevillée sur elle-même, ni arrogante, connaissant ses forces et ses richesses, mais acceptant aussi ses faiblesses et cherchant à les corriger. L’entrée dans l’ONU a été une étape très importante de notre ouverture sur le monde, non seulement en tant que spectateurs ou qu’acteurs économiques, mais aussi comme participant à part entière à l’édification du monde de demain, à la recherche des équilibres entre les peuples, entre les activités humaines, entre le respect des droits fondamentaux des hommes d’aujourd’hui et de demain, les besoins du développement économique et la capacité de la terre à supporter toutes nos activités.

 

C’est ce qui nous reste à faire ! C’est notre tâche à tous, Suisses et Suissesses, étrangers et étrangères qui vivons ensemble dans ce coin de pays, c’est votre tâche à vous aussi, habitants de Hauterive et amis de passage.

 

C’est mon souhait : participer avec vous à la construction d’une Suisse multiculturelle, mais soudée par des engagements communs, et tournée vers le monde, prête à assumer aussi ses responsabilités envers les autres pays.

 

Je terminerai par un mot optimiste de Jean Jaurès :

« Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remord pour le présent et une confiance inébranlable pour l’avenir »

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