Discours du 1er mai à Porrentruy

1er mai 2004

Porrentruy

 

Chers Camarades, Chers Amis du Jura et du Jura bernois,

 

C’est un réel plaisir pour moi que de me retrouver aujourd’hui parmi vous en ce jour de fête et de revendications.

 

Ce jour du 1er mai est important pour toutes les travailleuses et les travailleurs. Il est l’occasion de rappeler notre attachement aux valeurs fondamentales qui nous unissent. Aujourd’hui, plus fort et plus clairement que jamais, nous devons affirmer notre attachement à la solidarité. Nous devons rappeler que chaque être humain a droit au respect et à la dignité, a droit à des conditions de vie et de travail décentes,  a droit à un salaire correct, qui permette de vivre. Le travail professionnel et le travail domestique doivent être reconnus à leur juste valeur. Chaque être humain a le droit de pouvoir vivre dignement quand il atteint l’âge de la retraite, quand il perd son travail ou quand il est atteint dans sa santé. Il est inacceptable que les personnes qui  bénéficient à juste titre de nos institutions sociales puissent être traitées de simulateurs et de profiteurs.

 

La lutte pour ces valeurs, que nous réaffirmons de premier mai en premier mai, est toujours d’une actualité brûlante. Les améliorations, que nous avons obtenues, durant les dernières décennies, sont à nouveau en danger. C’est pourquoi cette fête du 1er mai est cette année plus importante que jamais. Plus que jamais, l’esprit du 1er mai doit nous habiter et nous renforcer dans notre volonté de faire face, de nous unir, de lutter ensemble contre la dégradation de notre qualité de vie.

 

Comme vous tous, je constate, quand je lis les journaux ou quand je regarde autour de moi, que nous vivons des temps très durs pour beaucoup d’entre nous. Les fermetures d’entreprises, les délocalisations anti-sociales et anti-écologiques, les plans de restructuration, les licenciements collectifs, les suppressions de services sont devenus monnaie plus courante. Pendant ces quinze dernières années, beaucoup de gens se sont appauvris. Certains ont perdu leur emploi, ont été déplacés, ont dû déménager, ont vu les rythmes de travail s’accélérer. Dans le même temps, les salaires ont stagné.

 

Même avec le retour annoncé de la reprise économique, rien ne permet de croire à un changement de ces pratiques, car la croissance, tant louée, ne fait pas tout. La qualité des emplois, la redistribution des richesses entre les citoyens, la sécurité sociale, l’offre en services publics, sont des éléments indispensables à notre bien-être, qui ne sont pas seulement liés à la croissance de notre économie. Ils sont aussi le résultat de choix politiques, qui ne sauraient être dictés par les seuls intérêts économiques. Or, aujourd’hui, la recherche frénétique des économies occulte tout le discours politique, est devenue une politique en soi. Avec l’arrivée en son sein de Christophe Blocher et de Hans-Rudolf Merz, le Conseil fédéral se met à ressembler à un Conseil d’administration. Et comme pour tout Conseil d’administration, mieux vaut être un riche actionnaire qu’un simple citoyen pour être compris !

 

Pas de quoi nous décourager pourtant ! De nombreux éléments doivent nous pousser au contraire à l’optimisme. Non pas à un optimisme béat, qui nous ferait attendre l’intervention de la main invisible des marchés économiques pour atteindre la situation idéale  de la croissance et du plein emploi, mais à un optimisme combatif et revendicatif.

 

Si l’UDC, avec son discours nombriliste et égoïste, a bel et bien remporté un succès lors des élections fédérales de l’automne dernier, un autre discours, empli de modernité, d’ouverture et de générosité a également progressé.

Les forces de gauche sont, elles aussi, sorties renforcées des urnes. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, les Neuchâtelois élisaient deux représentants de la gauche au Conseil des Etats. Cette victoire est clairement due à l’union et à la détermination de la gauche. L’élection de Simonetta Sommaruga à Berne et d’Alain Berset à Fribourg ont également démontré la nouvelle force de cette gauche. La représentation socialiste au Conseil des Etats a ainsi passé de six à neuf membres. Les formations de droite, libérales, radicales et PDC, ont subit une déroute logique. Leurs beaux discours humanistes, sont sans cesse contredits par des votes, qui obéissent au tout économique et ne se préoccupent pas du citoyen de ce pays, ont abouti au rejet et la désertion. Aujourd’hui, la situation a le mérite d’être claire. Les forces de gauche sont les  seules à opposer un discours volontariste et cohérent aux propositions rétrogrades de l’UDC.

 

La société civile s’est réveillée. Et ce mouvement dépasse largement le cadre national. Rappelons-nous les manifestations de paix qui se sont organisées spontanément dans les rues du monde entier, en réaction aux velléités guerrières d’Etats, dont les gouvernements symbolisent à l’extrême cette soumission à la logique économique. Même meurtris après les terribles attentats de Madrid, les citoyens espagnols ont eu la vitalité de cœur et d’esprit de réagir aux mensonges du gouvernement de droite en place et de lui préférer un mouvement porteur de paix et d’humanité. En France aussi, le parti socialiste a retrouvé des couleurs flamboyantes lors des dernières élections régionales. Les citoyens ont exprimé leur ras-le-bol face à un gouvernement qui n’a pris la peine d’écouter les citoyens. Et cela quant bien même, il avait été élu par le plus grand nombre au bénéfice de circonstances particulières.

 

En ces temps où la réelle insécurité ne vient pas de l’étranger, mais bien de ceux qui veulent mettrent à mal l’Etat en ruinant son système social, il n’est pas surprenant d’assister à un  renouveau de la gauche. Emmenée par des citoyens responsables, la gauche répond par des propositions fortes et réalistes aux provocations et insultes de ses adversaires.

 

Même si je suis le rat, ou la ratte, que les dirigeants de l’UDC voient en moi, je ne risque pas de me faire prendre dans leurs trappes. Je sais que la petite miette de fromage qu’ils me promettent pour m’attirer n’est rien en comparaison de la meule qu’ils ont pris soin de conserver pour eux. En animal réputé intelligent, je sais aussi que ce n’est pas avec des réponses simplistes que l’on résout les problèmes complexes, et que ce n’est pas avec des insultes que l’on construit la démocratie. Cette dérive est même très inquiétante.

 

Avec son nouveau Président, le parti socialiste incarne cet esprit de dialogue et de respect couplé d’une combativité de chaque instant. Il doit aujourd’hui devenir impossible de gagner en Suisse une votation importante sans l’appui de la gauche et des syndicats. En choisissant de rester au gouvernement, le parti socialiste a choisi de se battre de l’intérieur contre cette politique de démantèlement social et d’injures, ce qui ne l’empêchera en rien de la combattre également de l’extérieur en compagnie de ses alliés de gauche. Après avoir remporté le 8 février dernier la votation sur le contre-projet à l’initiative Avanti, les formations de gauche se doivent aujourd’hui de faire échouer le paquet fiscal et la 11e révision de l’AVS.

 

La réduction d’impôts souhaitée par la majorité bourgeoise du Parlement n’a d’autre but que de vider les caisses des collectivités, Confédération, cantons et communes et de les obliger ainsi  à d’importantes économies qui profiteront, une fois de plus, exclusivement aux citoyens les mieux lotis. Pour tous les autres, elles seront synonymes de précarisation accrue et de  suppressions de prestations sociales. Ces mesures sont socialement inacceptables. Nous voulons aider les familles, mais nous voulons le faire par des mesures qui profitent au plus grand nombre et non seulement aux plus aisés. Le paquet fiscal et un mélange incohérent et scandaleux. Cette politique du fourre-tout visant à faire passer des privilèges inacceptables sur le dos de réformes utiles doit être dénoncé et combattue. Il s’agit d’une forme de chantage moderne anti-démocratique auquel la population n’a aucun intérêt à céder.

 

Dans cet esprit de gagneurs qui doit tous nous habiter, Nous devons aussi mener à l’échec la 11e révision de l’AVS. Nous devons adresser un NON cinglant à ceux qui veulent démanteler notre système de retraite. L’AVS est le fondement de nos assurances sociales. C’est une institution dont nous pouvons être fiers. Elle est garantie par la Constitution et elle a toujours pu faire face à ses obligations malgré l’évolution démographique et l’augmentation des prestations. Pour la première fois, maintenant, une révision de l’AVS conduit à une diminution des prestations. C’est un scandale. L’AVS n’est pas déficitaire et ne le sera pas ces prochaines années. Il n’y a aucune raison d’augmenter l’âge de la retraite des femmes et de diminuer les prestations de veuves. Ne donnons pas à M. Couchepin un mauvais signal ! Montrons la force de notre conviction, notre volonté de défendre et d’améliorer l’AVS. Nous étions plusieurs dizaines de milliers l’année passée à Berne. Concrétisons maintenant ce refus dans les urnes. Face à ce démantèlement de notre premier pilier, il nous faut aujourd’hui clamer d’une voix forte et unie : « Touche pas à l’AVS » !

 

Les femmes sont les principales perdantes, de cette 11e révision de l’AVS. Avec l’éviction de Ruth Metzler du Conseil fédéral et l’élection d’Hans-Rudolf Merz au détriment de Christiane Beerli, la Suisse a fait un pas en arrière dans la place qu’elle se doit d’accorder aux femmes. Les femmes ont montré qu’elles pouvaient être « rouges de colère ». Les forces de gauche doivent aujourd’hui lutter pour une plus grande égalité. Ces derniers événements ont montré que rien n’est jamais acquis. Il faudra encore bien des luttes pour obtenir une véritable égalité dans la famille, au travail et en politique. Il faudra encore bien des 1er mai, pour que tous les citoyens aient les mêmes chances. Les premières victimes des politiques bourgeoises sont toujours les mêmes : étrangers, retraités, femmes, jeunes, personnes à revenus modestes et aux conditions de travail précaires, handicapés. La droite le montre une fois de plus avec  l’augmentation de la TVA pour l’AVS et l’AI. Si l’AVS n’en a pas besoin à court terme, en revanche, l’AI ne peut pas s’en passer. L’AI creuse un trou de plus de un milliard par année. Sa dette est actuellement de 4,5 milliards. Je travaille avec des personnes handicapées. Je vois leur courage, leur envie de travailler, leur volonté de s’en sortir. Il n’y a pas de simulateurs. On ne simule pas pendant des années pour obtenir des rentes aussi basses ! En revanche, les personnes handicapées sont les premières victimes quand le marché du travail se tend et qu’il n’y a plus d’emplois pour tous et toutes.

 

Cette augmentation de la TVA est absolument nécessaire. Même si la TVA n’est pas un impôt social, elle n’est pas non plus aussi anti-sociale qu’on le dit quelquefois. Elle ressemble fort au prélèvement sur les salaires qui est le système de financement actuel de l’AI. Comme le prélèvement sur les salaires, la TVA touche toute la population dans la même proportion, un peu plus de 4% du revenu est consacré à la TVA, que l’on soit à l’aise ou serré. Le OUI à la TVA, c’est un OUI du cœur aux personnes atteintes dans leur santé. La gauche refuse toute politique d’exclusion. La gauche veut une société, où chaque citoyen est respecté pour lui-même. C’est donc ensemble, sans exception, que nous devons exprimer haut et fort nos valeurs. C’est ensemble, que nous devons aujourd’hui célébrer avec un esprit conquérant cette fête du travail et des travailleurs. Car c’est seulement dans l’unité et en affichant une détermination de chaque instant que nous parviendrons à faire de la Suisse non pas un paradis fiscal réservé à quelques milliardaires fortunés, mais un pays où chaque citoyen pourra vivre dignement.

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