Concilier vie familiale et vie professionnelle

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

 

Des enfants, du boulot, nous voulons les deux ! C’est le slogan du jour…

 

Et ce n’est pas facile à gérer. Nous aurions tort de croire que tout va de soi. Toutes celles, et tous ceux, qui se sont engagés, qui ont accepté de se mettre en liste et que nous soutenons aujourd’hui le savent bien. Ils et elles ont dû peser soigneusement le pour et le contre. Ils et elles ont dû négocier avec leur partenaire. Ils et elles ont dû prévoir comment s’organiser en cas d’élection. Ils et elles ont dit OUI et c’est ce qui compte. Je les en félicite et je les en remercie. C’est la bonne décision.

 

Concilier vie de famille, vie professionnelle et vie politique, c’est un vrai défi ! Mais c’est possible. Je peux aujourd’hui, être présente pour mes enfants, gagner ma vie et vous parler ce soir. Mais tout cela n’est pas arrivé par hasard non plus. Pour que ce soit possible, il a fallu que des générations de femmes et d’hommes luttent ensemble et arrachent ligne par ligne les améliorations des lois, idée par idée, les changements des mentalités. Ma grand-mère s’est battue pour le droit de vote des femmes. Elle s’en est allée en 1960, avant de l’obtenir. Ma mère a pris le relais. Elle a dû attendre d’avoir 40 ans pour en profiter, mais elle en a bien profité. Elle s’est engagée en politique et elle vote toujours avec la même conscience de l’importance de ce geste acquis si tard.

 

Aujourd’hui, les femmes votent. On n’imaginerait pas que ce droit puisse leur être retiré. Cependant, elles ne sont pas encore aussi nombreuses que les hommes sur les listes et elles sont bien moins nombreuses que les hommes sur les bancs des élus. Elles représentent un cinquième du Parlement et les progrès sont très lents. La différence entre les partis est considérable. Si la proportion entre les hommes et les femmes est très réjouissante au PS ou chez les Verts, celles-ci sont tristement rares sur les bancs de l’UDC. Pour L’UDC, les femmes doivent rester à la maison ! C’est une question de mentalité…

 

Sur le plan professionnel, des progrès ont aussi été accomplis, mais tous les buts n’ont pas encore été atteints. « A travail égal, salaire égal » ! Vous connaissez le slogan. Vous trouvez que cela va de soi ? Détrompez-vous ! Même si les femmes reçoivent aujourd’hui une formation à peu près équivalente à celle des hommes, elles  gagnent toujours un cinquième de moins que leurs compagnons.

 

Bien sûr, nous n’en sommes plus à l’époque où l’on reprochait aux femmes de prendre le travail des hommes. Non ! La dernière fois que j’ai entendu cet argument, il m’a été servi par un conseiller communal du Val-de-Ruz et nous étions en… 1998 ! Mais bien sûr, aujourd’hui, on ne pourrait plus entendre cela !

 

Ni non plus ce que m’avait dit le professeur dont j’étais l’assistante à l’université de Berne. C’est un peu plus vieux, mais au fond pas tellement, n’est-ce pas ? Cet homme sympathique et intègre, m’avait proposé de travailler …sans salaire, parce que, avait-il dit, mon ami gagnait sa vie. Je n’avais donc pas besoin de la gagner aussi, n’est-ce pas ? Au fond, c’est vrai, en avais-je besoin ? Vu que c’était moi qui entretenais le ménage et aidais mon fiancé, dont le salaire était très modeste, à payer son école d’aviation, qui elle, était très chère.

 

Sur le contrat qu’il me présentait, figurait une clause étrange : je devais terminer ma thèse « quoi qu’il arrive ». Quand je lui ai demandé d’expliquer ce qu’il entendait par là, il m’a précisé qu’il craignait que je ne veuille des enfants et qu’il entendait que je devais terminer, même si je devenais mère de famille! Donc interdiction d’arrêter de travailler en cas d’accouchement ! D’ailleurs, la formulation générale qu’il avait utilisée m’aurait également interdit de quitter mon emploi en cas de décès. Craignant de devoir me relever de ma tombe, je ne l’ai pas signé. J’ai donc travaillé pendant toutes ces années sans contrat, car il m’a engagée quand même….

 

Quant au salaire, il ne représentait que les deux tiers du salaire des assistants masculins, malgré la même formation, d’excellentes notes d’examen et les mêmes responsabilités.

 

Et puis, il a fallu concilier vie de famille et vie professionnelle. Je voulais déjà les deux. Mais en l’absence de structures d’accueil ou d’une grand-mère disponible, j’ai initié ma fille immédiatement aux joies de l’étude.

 

J’ai continué à travailler avec mon bout de chou. Je mettais ma petite fille le matin dans son couffin, je prenais le train avec elle. Je la rangeais  discrètement sous mon bureau à l’université. Mais gérer es entretiens avec les étudiants sur fond de cris affamés, je vous laisse essayer. Combien d’hommes parmi vous ont tenté le coup ? Alors, j’en suis arrivée à la conclusion, que les structures d’accueil de la petite enfance étaient une solution somme toute utile pour que les jeunes parents puissent assumer agréablement leurs enfants et leur profession et je me suis battue pour cela.

 

Puis j’ai fait l’expérience, qu’il est très rassurant de savoir que quand les enfants sont à l’école, ils y sont vraiment, que les horaires ne changent pas et qu’ils ne rentrent pas à l’improviste, alors qu’il n’y a personne à la maison et j’ai rêvé des horaires compatibles entre bureau et école. Nous devrons encore lutter pour obtenir cela. Cependant, c’est quelque chose qui est tellement évident pour tous ceux et celles qui le vivent, que je commence à croire qu’on fera bientôt des progrès dans ce domaine. Les Espagnols, et d’autres aussi, ont pu le faire. Pourquoi pas nous ?

 

Trois enfants, sans assurance maternité, alors que nous étions encore en partie aux études, comme beaucoup d’autres. Cela signifie : même pas de quoi acheter une poussette ! On se débrouille, mais comme ça nous aurait aidé ! Alors, attendre 50 ans pour cela, était-ce nécessaire ? En revanche, là, on devrait pouvoir bientôt fêter et ça en vaudra la peine, parce qu’on a suffisamment attendu.

 

Et puis, j’élève seule mes trois enfants en travaillant à temps partiel, comme beaucoup d’autres femmes. Mon salaire est correct, mais il stagne, car je ne peux pas faire preuve d’ambition professionnelle, tant que mes enfants ont besoin de moi. Je jongle des séances de travail au terrain de foot pour aller chercher mon fils. J’alterne rapports d’activités et devoirs de maths. Je me transforme, en urgence, de gestionnaire de projets en infirmière pour réparer les genoux ou en casque bleu pour séparer les belligérants.

 

A quand des postes à responsabilités, même quand on travaille à temps partiel ? Quand les salaires tiendront-ils compte du fait que les femmes arrêtent de travailler quelques années et ont des trous dans leur CV, sans pour autant avoir moins d’expérience que les hommes. Mais là, les habitudes, les convictions, l’inertie, viennent à bout des meilleures volontés….

 

Pendant mes années de mères de famille, j’ai appris à expliquer, consoler, soigner, gérer des situations d’urgence particulièrement complexes, négocier des trêves, penser à tout, introduire une systématique, faire quatre choses en même temps, aller à l’essentiel, éviter l’inutile, finir mes soirées à pas d’heure, me relever la nuit. J’ai été enseignante, diplomate, cuisinière, femme de ménage, jardinière d’enfants, leader d’opinion, dirigeante, infirmière, gardienne de nuit, monitrice d’autoécole, et quoi encore ?

 

Mais toute cette expérience n’est pas reconnue. Elle n’est pas valorisée. Au niveau professionnel, les années passées à éduquer sont considérées comme des années disparues, qui n’ont pas existé. C’est toute la conception de la formation des salaires qui doit être revue, si l’on veut une fois que les femmes soient traitées à égalité avec les hommes sur le plan financier. Et bien sûr, une inégalité salariale, c’est aussi une inégalité, quand vient la retraite.

 

Mais quel est ce manque que je ressens au fond de moi ? Qui a dit que « enfants et boulot, nous voulons les deux » ? Mais non ! Camarades ! Nous voulons les trois : enfants, boulot et politique ! Car c’est là que nous devons intervenir, lutter, nous battre, pour construire ensemble, hommes et femmes, un nouveau monde beaucoup plus équitable, beaucoup plus solidaire.  Et pour cela, je compte sur vous !

 

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