Handicap et sexualité

Vous connaissez certainement déjà un peu Pro Infirmis. C’est une association d’aide aux personnes handicapées. Elle a son siège à Zürich et des filiales dans tous les cantons.

 

Dans le canton de Neuchâtel, elle emploie 16 personnes, à Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds. Elle a aussi des permanences dans le Val-de-Travers, à Fleurier et à Travers.

 

Les principales prestations qu’elle fournit, ce sont les suivantes :

 

  1. Le conseil social ordinaire et en langue des signes pour personnes sourdes et malentendantes
  2. L’Office PAH
  3. Le conseil en construction adaptée
  4. Taxi-handicap
  5. Euroclé
  6. Elane
  7. Le prêt et la vente de petits moyens auxiliaires.

 

C’est dans le cadre du conseil social que la question de la sexualité peut se poser. Les assistants sociaux sont proches des personnes qu’ils conseillent et la sexualité est un domaine dans lequel ils peuvent aussi être amenés à donner des conseils.

 

L’attitude de la société face à la sexualité s’est beaucoup libéralisée depuis le milieu du 20ème siècle. La sexualité est aujourd’hui considérée comme un droit pour toute personne, y compris pour les personnes handicapées. Quand je parle de sexualité, je parle de sexualité au sens large, c’est-à-dire la possibilité d’entrer en contact avec des personnes de manière intime, de se marier, et aussi d’avoir des enfants et de les élever.

 

Bien sûr, le problème se pose de manière très différente en fonction du type de handicap dont vous souffrez.

 

Dans le cas du handicap psychique, votre problème sera essentiellement relationnel. Comment s’accepter soi-même, vivre avec les autres, éventuellement les respecter et exiger le même respect.

 

Le handicap mental pose aussi un problème très aigu, c’est celui de la responsabilité que l’on peut assumer à l’intérieur d’un couple. Responsabilité envers l’autre, responsabilité de la contraception, capacité d’élever les éventuels enfants. On reconnaît bien sûr le droit de vivre une relation amoureuse, mais la question de la procréation reste très diversement évaluée. Le droit à la sexualité pose directement la question de la contraception. Dans les années 70, on a stérilisé systématiquement des personnes qui n’étaient pas en mesure de le décider elles-mêmes. Aujourd’hui, on parle de les indemniser, parce qu’on leur a enlevé, contre leur gré ou en l’absence de leur consentement, le droit de procréer, qui est considéré aujourd’hui comme un droit inaliénable. Cependant, quelle est la liberté de choix de personnes qui ne peuvent prendre elles-mêmes les précautions nécessaires en matière de contraception ou de prévention des maladies sexuellement transmissibles ? La question est très délicate, vous en conviendrez.

 

Cependant, la problématique qui retient notre attention aujourd’hui est celle du handicap physique. On reconnaît aujourd’hui le droit de vivre une vie sexuelle à toute personne handicapée. Cela signifie que l’on doit aussi donner à ces personnes la possibilité d’exercer ce droit. Les obstacles sont nombreux.

 

On peut distinguer plusieurs cas de figure. Il y a la personne handicapée de naissance, qui a toujours vécu en institution. Pour elle, il n’est pas toujours facile de quitter l’institution et d’entrer en contact avec les autres, avec des personnes qui peuvent lui plaire ou à qui elles peuvent plaire. Le manque d’habitude de vivre avec les gens valides est un obstacle non négligeable. Il manque des références communes. En outre, l’image de soi-même est souvent dévalorisée. Les personnes qui ont toujours été handicapées ont souvent une image d’elles-mêmes qui leur paraît inacceptable pour les autres. Elles ont peur de la pitié ou de l’intérêt financier de l’autre. Elles pensent qu’elles ne peuvent pas être aimées pour elles-mêmes et seulement pour elles-mêmes. Elles manquent de confiance en elles.

 

Pour ce qui est des personnes qui sont devenues handicapées à la suite d’un accident ou d’une maladie ont en général déjà un passé de vie avec les autres, elles ont souvent déjà un partenaire. Elles doivent faire le deuil de leur vie antérieure, ce qui est toujours un moment très difficile, où elles passent par des phases de révolte et des phases de dépression. On se demande comment le partenaire va accepter cette nouvelle situation, s’il la supportera. Beaucoup en parlent spontanément avec leur médecin, leur physiothérapeute ou ensuite avec leur assistant social.

 

A l’hôpital ou en institution, la promiscuité est une difficulté importante. Il n’y a pas toujours d’endroit où s’isoler en étant sûr de ne pas être dérangé. La promiscuité limite sérieusement la liberté d’action. Il y a des institutions qui ne veulent pas de relations entre le personnel et les malades. Parfois le personnel n’est pas prêt à accepter des relations trop intimes entre les malades et a une attitude dévalorisante.

 

Pour tous, cependant, les questions d’intégration sociale et de mobilité sont fondamentales. Pour entrer en contact avec d’autres personnes et trouver l’âme sœur, il faut pouvoir sortir de l’hôpital ou de l’institution, être intégré socialement. Il faut avoir la possibilité de se déplacer, de travailler, de participer à des activités de loisirs, etc. C’est toute la question de l’accessibilité architecturale qui est en cause.

 

Ensuite, il y a les limitations qui sont fixées par le handicap, le manque de mobilité ou l’absence de certaines fonctions. Et c’est là que le problème se pose d’une manière particulièrement difficile. Certaines personnes gravement handicapées ont besoin d’une aide extérieure pour pouvoir vivre leur sexualité. Par exemple dans le cas d’un couple où les deux personnes sont paraplégiques. Il faut une troisième personne pour les aider à se déshabiller et se préparer. Cela fait participer une personne extérieure à leur sexualité. C’est une situation difficile à gérer du point de vue de la pudeur et de l’intimité. Vous pouvez imaginer des cas encore plus difficiles, quand presque tout mouvement est impossible. Et bien sûr, quand la personne est seule et ne peut accéder à aucune sexualité, car son handicap est trop important, elle doit aussi pouvoir profiter des conseils ou de l’aide d’une personne extérieure. Il faut alors prévoir une assistance sexuelle, qui peut aider le couple ou la personne à vivre quand même des moments de sensualité.

 

C’est dans ce contexte que Pro Infirmis Zürich a lancé en mars 2003 son projet d’améliorations des prestations dans ce domaine. Il y avait trois volets dans ce projet :

 

  1. La consultation sociale : dans le cadre du perfectionnement et de la formation continue, les assistants sociaux suivent des cours qui les rendent capables de donner des conseils en matière de sexualité. Certains suivent par ailleurs un cours post gradué qui leur donne la qualité d’expert.

 

  1. La documentation : une documentation renfermant du matériel didactique est à disposition.

 

  1. L’assistance sexuelle : des assistants et assistantes sexuels devaient être formés pour être à même d’offrir des prestations dans le domaine du contact corporel, des jeux sexuels et des massages érotiques. Pro Infirmis se proposait d’organiser la formation de ces personnes, qui auraient ensuite travaillé de manière indépendante.

 

Les deux premières prestations n’ont pas été contestées et ont été mises en place très rapidement. En revanche, la troisième partie du projet a fait l’objet de commentaires très virulents dans la presse. Pro Infirmis ne s’attendait pas à de telles réactions. En outre, cette campagne médiatique a eu des répercussions importantes sur la récolte de fonds du printemps 2003, qui a débuté au même moment. Ces réactions ont obligé la direction à réexaminer ce projet.

 

Une étude rapidement demandée a révélé que le projet a eu un impact très important. Beaucoup de gens en ont entendu parler. Plus de 80% des personnes interrogées jugaient le projet bon ou plutôt bon et 64% disaient qu’elles estimaient que c’était une bonne chose qu’une organisation s’en préoccupe, mais en même temps, 22% des donateurs déclaraient ne plus vouloir faire de don à une organisation impliquée dans ce type d’activité.

 

Sous la pression des médias et des finances, Pro Infirmis a décidé de renoncer à cette partie du projet. Toutefois, la direction reste convaincue que la sexualité reste un problème non résolu.

 

A l’heure actuelle, c’est une association nouvelle, qui s’est formée et qui mène ce projet. Elle s’appelle Fachstelle Behinderung und Sexualität – gegen sexualisierte Gewalt.

 

Nous pouvons en tirer la conclusion que la question de la sexualité reste un sujet très délicat dans notre société et que le droit des personnes handicapées à la sexualité n’est pas encore totalement reconnu.

 

Et permettez-moi de terminer sur les mots de Mme Aurouze, qui est psychologue : « Mutilé dans sa chair, mais être humain à part entière, l’handicapé aspire aux mêmes besoins de compréhension, de dignité, d’amour, de vie harmonieuse et épanouissante que « monsieur tout le monde ». …En aucun cas, l’handicap physique ne doit enfermer la personne dans une solitude desséchante, ni la priver de relations authentiques, ni la retrancher d’autrui, ni scléroser ses besoins profonds.

 

Il semble donc impératif d’aider les handicapés à reprendre confiance dans leur capacité d’aimer. Les aider à vaincre l’angoisse de ne pas « savoir faire » ou de ne pas « pouvoir faire ». Permettre à l’handicapé de rompre le cercle infernal de l’échec, du rejet et de la résignation par le succès dans l’échange affectif et la sérénité dans le contact corporel indispensable. »…

 

« Existe, deviens ce que tu es », sont les messages existentiels transmis par l’amour. Le réel amour dénué de pitié, de compassion, d’esprit possessif dominateur ou surprotecteur»…

 

A chaque rencontre authentique des corps et des coeurs, on pourra dire : « Ami, je t’aime tel que tu es, avec ton handicap. Je veux que tu sois toi et que tu vives pour notre bonheur mutuel car sans toi, je ne suis pas tout à fait moi. »

 

 

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