Discours du 1er août à Cortaillod

Chères Concitoyennes, Chers Concitoyens, Chers Amis qui fêtez ce soir avec nous,

 

Et si, ce soir, nous laissions un peu errer notre imagination ? Fermez les yeux et imaginez qu’il y ait une bonne fée et que vous puissiez faire trois vœux pour la Suisse de demain. Que choisiriez-vous ?

 

Il y aurait sans doute autant d’avis que de personnes ici réunies. Il faudrait donc négocier…. Qui souhaite la paix ? Tout le monde ? Alors la paix, c’est notre premier voeux ! Quoi d’autre ? Le travail ? La croissance ? La richesse ? L’ouverture sur le monde ? La nature ? Tout le monde ne mettrait pas ces différents points dans le même ordre. Il y aurait ceux qui veulent l’Europe, il y aurait ceux qui préfèrent leurs montagnes, il y aurait ceux qui veulent la croissance, il y aurait ceux qui préfèrent ménager l’environnement.

 

Eh oui, il y a autant de désirs, autant de rêves que de Suisses et de Suissesses, et pourtant, nous vivons tous ensemble depuis des siècles.

 

Ca n’a pas toujours été facile. Nous avons bien failli en découdre quelquefois. Ce serait faux de vouloir montrer de la Suisse une image toujours lisse. Cela n’a certainement pas été simple d’intégrer chaque nouveau canton qui entrait dans la Confédération au cours des siècles. Pensons en particulier à l’arrivée simultanée de plusieurs cantons francophones dans une Suisse largement alémanique en 1815.

 

Non, il y a eu des conflits. Le dernier conflit grave a même mis en présence des armées de différents cantons, prêtes à s’affronter.

 

Et aujourd’hui, nous ne sommes pas toujours d’accord non plus. Heureusement, nous nous contentons de l’exprimer par oral ou par écrit et non plus les armes à la main. Mais, combien de fois avons-nous été fâchés, déçus par une décision de nos autorités ou même du peuple? Peut-être chaque fois que nous n’avons pas été du côté de la majorité, que nous pensions autrement, que nous aurions fait autrement.

 

Cependant, même les conflits ont un côté positif. Ils nous obligent à nous positionner, à nous remettre en question, à chercher de nouvelles solutions, meilleures.

Parce que nous devons les affronter depuis le début de notre histoire, nous avons appris à nous respecter les uns les autres, à tenir compte des minorités, à imaginer des modes de fonctionnement avec plusieurs langues, à ménager des espaces pour les différences religions. Nous avons créé des instruments, qui nous permettent de gérer les conflits.

 

Ces instruments sont devenus notre fierté. Il y en a beaucoup, je n’en citerai que quelques-uns : démocratie directe, décentralisation, autonomie communale, fédéralisme et même la Chambre des cantons.

 

Pourtant, l’équilibre de la Suisse reste un continuel défi. Vivre ensemble est un apprentissage qu’il faut faire et refaire chaque jour. Chaque génération doit réinventer sa manière de travailler ensemble, d’être Suisse, et doit apporter sa pierre à l’édifice commun. La Suisse n’est pas intangible. Au contraire, elle change beaucoup. Elle a toujours beaucoup changé. Son territoire s’est étendu progressivement. Il a fallu intégrer de nouveaux dialectes, de nouvelles habitudes, de nouveaux projets. Le dernier canton que nous avons accueilli, n’a que 30 ans !

 

Année après année, nous avons relevé ce défi  depuis des siècles! Jour après jour, nous avons réussi à rétablir ces multiples équilibres qui font la Suisse. Cela signifie, qu’au-delà des tremblements qui peuvent l’affecter, la Suisse est bien ancrée dans sa terre. Notre identité est forte et nous ne devons pas avoir peur de la perdre.

 

En réalité, l’aventure Suisse est tout à fait extraordinaire. La Suisse s’est créée en-dehors de toutes les lois qui régissent d’habitude la constitution des Etats. Ce mouvement, parti de la montagne, des villages, a conquis la plaine et les villes. La Suisse s’est créée par un acte volontaire, autour de valeurs fondamentales et partagées.

 

Je citerais en premier lieu la solidarité. Elle était déjà présente le 1er août 1291, quand Walter Fürst, Werner Stauffacher et Arnold de Melchtal conclurent le pacte du Grütli pour se prémunir de la « malice des temps et de la puissance du prince », selon les termes de l’époque. Elle est encore aujourd’hui le ciment qui unit notre société. Mais il y a aussi bien sûr la liberté, la démocratie, l’ouverture au monde et la tolérance.

 

Nous perpétuons ces valeurs depuis des générations. Nous les partageons avec tous nos Confédérés. Nous les transmettons aussi à ceux qui viennent vivre chez nous.

 

Fêter le 1er août, c’est réaffirmer notre conviction que nous avons un projet commun, la Suisse, et que nous pouvons, aussi différents que nous soyons,  apporter notre contribution à la construction de notre avenir commun.

 

Cet avenir commun, c’est à nous de le faire aujourd’hui, à nous tous et toutes qui vivons dans ce pays, que nous en soyons citoyens et citoyennes de longue date, depuis peu ou pas du tout. Oui, la Suisse s’est faite par l’engagement de tous ses citoyens, mais elle s’est aussi faite du travail de tous ceux et toutes celles qu’elle a accueilli peu à peu au cours des siècles.

 

Que serions-nous sans vous qui habitez la Suisse depuis peu, vous, Suisses et Suissesses de la première, de la deuxième ou de la Xixième génération ?

 

Combien de matchs aurions-nous gagné sans vous ? Combien de ponts et de tunnels aurions-nous construits ?  Combien d’entreprises n’auraient pas vu le jour ? Combien de livres n’auraient pas été écrits ?

 

Si les faiseurs de Suisses avaient encore l’ambition d’assimiler les étrangers et de leur apprendre à faire la fondue et les röstis, nous savons aujourd’hui que ceux qui viennent d’ailleurs, viennent avec toutes leurs richesses culturelles et nous les offrent, comme nous leur offrons les nôtres.

 

Nous avons adopté le bordeaux, la pizza, la valse, le jazz, le goulasch et même la vache frisonne…. Le 26 septembre, nous aurons l’occasion d’adopter ceux qui nous les ont apportés, puisque nous voterons sur la procédure de naturalisation facilitée pour les  étrangers de la deuxième génération.

 

La Suisse est forte de sa diversité, de ses multiples cultures. Notre tradition d’accueil nous permet de nous enrichir de nombreuses autres cultures et de transmettre aussi nos valeurs à d’autres.

 

La Suisse est au cœur de l’Europe. Elle a une place à y assumer. Nous ne savons pas encore quand, ou si, nous entrerons dans l’Europe, mais nous pouvons déjà participer au développement de notre continent et affirmer notre solidarité avec l’Union européenne, et en particulier, avec ses nouveaux membres. Nous pouvons déjà affirmer notre solidarité avec le monde qui nous entoure et participer à la construction d’une paix durable.

 

 

 

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