NON à la nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons dans le domaine de l’assurance invalidité

L’assurance invalidité est l’un des piliers de notre système d’assurances sociales. Grâce à elle, les personnes handicapées reçoivent une aide financière et peuvent accéder aux soins dont elles ont besoin. L’AI a permis une nette amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées. Aujourd’hui, les enfants reçoivent tous un enseignement qui leur est adapté et peuvent acquérir une autonomie relative. Les adultes, dont la santé est très déficiente, sont accueillis dans des foyers et des ateliers occupationnels ou de production, selon leurs possibilités. Cependant, tout cela est récent. La prise en charge des personnes handicapées par des institutions spécialisées ne s’est répandue que dans les années 60.

 

Aujourd’hui l’AI est essentiellement de compétence fédérale. C’est un gros paquebot, représentant plus de 10 milliards de francs. Il est lourd et difficile à piloter, mais il est piloté avec une relative cohérence, parce qu’il y a un capitaine à bord, la Confédération, et que ce capitaine a une bonne vue d’ensemble de ce qui se passe sur son navire et a accès à plusieurs manettes pour le diriger.

 

La politique en matière d’invalidité est cohérente en ce qui concerne les prestations. Les personnes handicapées bénéficient à peu près des mêmes prestations, qu’elles habitent Genève ou Sarnen. Elle est cohérente également en ce qui concerne le processus, qui va de la prise en charge des enfants, à la formation professionnelle, à l’intégration dans le monde du travail, à la prise en charge institutionnelle, jusqu’à l’accession à l’autonomie, quand elle est possible.

 

Cette cohérence, cette possibilité de piloter le domaine de l’AI, sera particulièrement utile quand nous voudrons mettre en place la 5ème révision de l’AI. Nous aurons alors l’occasion de donner une véritable impulsion à la prise en charge précoce et à l’intégration professionnelle des personnes menacées de handicap.

 

Comment pourrions-nous le faire si les données et les centres de décision étaient dispersés dans 26 cantons ?

 

C’est pourtant ce que la RPT se propose de faire en ce qui concerne les institutions pour personnes handicapées. Une partie du financement des ateliers et foyers sera transférée aux cantons. Le domaine de l’invalidité sera ainsi coupé en deux. Il y aura d’une part les compétences de la Confédération en matière de prise en charge individuelle et d’autre part, les compétences des cantons, en ce qui concerne la prise en charge collective.

 

Bien sûr, ce transfert de responsabilités aux cantons se fera avec des conditions sévères:

 

–      Toute personne en situation de handicap doit obtenir, indépendamment du lieu de son domicile, un soutien correct. La législation d’exécution prend en compte un souci important que nous avions : « Chaque canton doit faire en sorte que les personnes invalides domiciliées sur son territoire disposent d’une offre en institutions répondant de manière appropriée à leurs besoins » et « L’accès à une institution doit être garanti à toutes les personnes invalides qui en ont besoin, quelles que soient leurs ressources financières, leur situation personnelle et leur état de santé ». Cette une nette amélioration. Encore faudra-t-il passer la rampe du Parlement.

–      Les cantons sont tenus de coopérer entre eux pour atteindre les objectifs fixés.

–      Les cantons doivent élaborer un concept de la prise en charge du handicap, qui doit répondre aux prescriptions fédérales.  La Confédération prend la peine d’énumérer de manière détaillée les éléments que doit contenir le plan stratégique et précise qu’il devra être approuvé par le Conseil fédéral

 

Je considère qu’il est nécessaire d’apporter des réformes dans le domaine de la péréquation financière et de la répartition des charges entre la Confédération et les cantons. Je pense que nous avons même là une occasion de réfléchir au fonctionnement de nos institutions et de nous reposer des questions fondamentales sur notre système démocratique.  Je suis favorable à une péréquation financière intercantonale, ainsi qu’au désenchevêtrement des tâches entre la Confédération et les cantons, désenchevêtrement qui devrait permettre une revalorisation des compétences cantonales. Désenchevêtrer et non pas enchevêtrer, or ici, c’est un domaine qui est essentiellement fédéral, qui deviendrait fédéral pour une partie et cantonal pour une autre et qui devrait être géré au niveau intercantonal, au moyen de 26 plans stratégiques. Il y a là plutôt complexification, que simplification ! J’ajoute que cette complexification n’ira probablement pas sans frais supplémentaires, car les cantons devront créer les structures ad hoc cantonales et intercantonales.

 

Une partie importante de la politique AI échappera ainsi aux Chambres, sans pour autant devenir vraiment cantonale. Elle se trouvera dans cette zone indéfinissable de l’intercantonalité. Nous passerons d’un air plutôt transparent à un certain brouillard.

 

Le paquebot sera piloté par de nombreux capitaines  qui devront se lier par des concordats. La politique AI se fera dans les conférences des directeurs cantonaux de l’instruction publique et/ou des affaires sociales. Or il n’a pas toujours été facile de signer de telles conventions.

 

Les institutions ont déjà dû fournir des efforts considérables dans le cadre des mesures d’économies de la Confédération. Elles vivraient avec la RPT plusieurs années d’incertitude et de réadaptation à un nouveau système, assez complexe. Il faudra trouver de nouvelles formes de collaboration avec les cantons, élaborer de nouvelles lois, or selon le rapport « Pour compliquer la situation, dans des secteurs importants comme les prestations complémentaires et le subventionnement des institutions pour personnes handicapées, les travaux législatifs proprement dits ne pourront commencer que lorsque les lois cadres ad  hoc prévues sur le plan fédéral par la constitution seront définitivement connues. ». On ne sait pas  exactement ce qui sortira des délibérations du  Parlement. Il faudra faire de nouveaux concepts de prise en charge cantonale et intercantonale, il faudra créer « les bases légales définissant en particulier les compétences en vue de la conclusion de conventions-programmes. » Beaucoup de travail, qui n’aboutira pas pour autant à un renforcement de la position du domaine AI, mais au contraire, plutôt à un affaiblissement.

 

L’AI est aujourd’hui sur la sellette. Elle est en proie à des difficultés majeures en matière de financement. Ce n’est pas le moment de bouleverser les données, au risque de nous priver des moyens d’agir dont nous avons besoin. Je tiens à ce que l’on puisse continuer à mener une politique fédérale crédible et efficace, en particulier dans l’AI, où les charges financières sont importantes et doivent être gérées au plus près, vu le manque de moyens.

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