Politique régionale

Il est particulièrement emblématique que ce soit ici à La Chaux-de-Fonds que nous ouvrions ce débat sur la politique régionale, car la ville de La Chaux-de-Fonds est un cas à part dans le développement économique que notre pays. Elle s’est en effet développée en-dehors de toute logique géographique, malgré son altitude supérieure à 1000m., malgré son climat rude et son éloignement des axes de transport. Elle s’est développée  grâce à l’ingéniosité et au savoir-faire de ses habitants. Ce devait être une région rurale. C’est un pôle de développement économique dynamique.

 

C’est la raison pour laquelle je demande que nous soyons prudents dans l’interprétation de la notion de métropole suisse et dans la répartition géographique des activités dites « optimales » pour la région. Outre les grands pôles de développement, comme Zürich, Bâle ou l’Arc lémanique, je revendique la reconnaissance de pôles secondaires régionaux de développement industriel et je veux une politique de développement régional volontariste et efficace. Je refuse, en particulier, que les régions périphériques ne soient considérées que comme les poumons verts des grandes métropoles. Nous avons aussi une ambition et une tradition industrielle dans notre région, comme d’autres régions périphériques d’ailleurs.

 

La Chaux-de-Fonds a subi une crise majeure dans les années 70 avec la perte de milliers d’emplois dans l’horlogerie. Elle retrouve aujourd’hui un deuxième souffle, mais elle a besoin d’une véritable politique de développement régional pour consolider sa reconversion.

 

Rien n’est facile dans notre canton. Nous avons encore perdu 1000 emplois en 2004, malgré une politique de promotion économique volontariste. Ce que l’on décidera à Berne en matière de politique régionale aura donc une importance primordiale pour cette région.

 

Nous avons vécu de nombreuses années, en Suisse, dans un système libéral d’utilisation du sol et si nous avons inventé la politique régionale dans les années 70, c’est que nous avions constaté que cette presque anarchie présentait plusieurs inconvénients, en particulier une très forte concentration de la construction dans de grands centres urbains, un exode rural, une explosion des prix des terrains et une augmentation importante des disparités entre les régions.

 

La politique régionale, proposée par Joseph Deiss, renie cet acquis et nous donne à penser que ceux qui l’ont faite ont oublié ce que nous avons vécu dans les années 70, et c’est inquiétant. Cette nouvelle politique constitue une régression pour la Suisse, un déni de la solidarité confédérale et un risque pour l’unité du pays.

 

Quoiqu’en dise Joseph Deiss, elle va privilégier les grands pôles économiques, comme Zurich et l’Arc lémanique, au détriment des régions périphériques… Une orientation qui de facto renonce à une ambition essentielle pour ce pays : réduire les disparités régionales, mais on peut se demander si c’est encore notre ambition.

 

Cette politique va totalement, et c’est pour le moins étonnant, à contre-courant des politiques menées dans l’Union européenne, politiques qui ont contribué à développer considérablement des régions marginalisées. La politique régionale est l’un des axes majeurs de la politique européenne et des fonds considérables lui sont consacrés.  Pour la période 2000-2006, ces transferts représenteront 213 milliards d’euros, dont 195 sont destinés aux interventions des Fonds structurels des Etats

 

Personne ne conteste la nécessité de repenser la politique régionale et d’adapter ses instruments, dont certains sont devenus moins efficaces. Mais adapter des instruments, ça ne signifie pas supprimer des moyens. Avec le nouveau projet, de 68 millions pour l’année 2003, le montant total des aides fédérales allouées aux régions, ne devrait guère dépasser la somme de 35 millions, soit deux fois moins qu’actuellement…

 

Considérer la péréquation financière comme un outil de politique régionale, c’est, dans les conditions actuelles, faire fi de la réalité. Je veux bien qu’elle puisse l’être, mais pour cela, il faudrait qu’elle soit beaucoup plus massive qu’elle ne l’est actuellement.

 

Prenons l’exemple du canton de Neuchâtel. Il recevra 13 millions supplémentaires à travers la nouvelle péréquation financière. Il a un déficit de 100 millions cette année. Croyez-vous que l’on pourra  vraiment faire une politique régionale dans ces conditions ? Ces quelques millions seront complètement avalés par le déficit du canton avant que l’on ait dépensé un sou pour l’amélioration de notre image fiscale.

 

La péréquation financière permet de réduire très légèrement les disparités. Elle ne peut être considérée comme un outil de politique régionale. Telle qu’elle est appliquée actuellement, elle ne change pas la place des cantons dans classement de l’intérêt fiscal.

 

On ne peut donc pas abandonner les outils ciblés de politique fiscale régionale, comme l’arrêté Bonny par exemple. L’arrêté Bonny est le meilleur moyen que nous avons actuellement pour convaincre une entreprise de s’installer dans une région périphérique. Il ne doit donc pas être accordé à toutes les régions de Suisse, mais seulement aux régions en redéploiement. Si on l’accorde aux grands centres, quel argument nous restera-t-il ?

 

L’arrêté Bonny est indispensable aux cantons périphériques. Seul l’arrêté Bonny permet de lutter contre la concurrence fiscale des cantons les plus riches. Ce n’est pas un outil d’exacerbation de la concurrence fiscale entre les cantons, mais au contraire, c’est un outil qui diminue les différences d’attractivité fiscale entre les cantons riches et les cantons périphériques. Il pourrait sans doute être amélioré. Il ne doit être, en aucun cas, supprimé. Ce serait une manière de nier la vocation industrielle des régions périphériques et leur rôle de centres régionaux de développement.

 

On a voulu, à l’époque, pour des raisons politiques, économiques et sociales, maintenir un habitat décentralisé et des emplois dans les régions périphériques pour leur permettre de conserver une vie sociale. Nous devons aujourd’hui nous en donner les moyens et appliquer une politique de développement régional volontariste.

 

Je vous prie donc d’entrer en matière sur les propositions du PSS en matière de politique régionale. Le débat n’est pas fini ainsi, mais il doit être entamé de toute urgence.

 

 

 

tabs-top

Comments are closed.