Prix « Femme exilée, femme engagée »

Mesdames, Messieurs, Chères Lauréates,

 

C’est un honneur et un plaisir pour moi d’être présente, ici à Genève, aujourd’hui pour rendre hommage à toutes ces femmes, qui souvent dans des circonstances dramatiques, ont connu l’exil, l’immigration, dans notre pays. Des femmes qui ont en commun des trajectoires de vie souvent marquées par la guerre, la violence, les persécutions, mais aussi l’engagement, l’espoir, le courage et la solidarité.

 

Cela me fait particulièrement plaisir tout d’abord que ce prix existe et que l’on attire ainsi l’attention sur celles qui oeuvrent trop souvent dans l’ombre et dont le travail est pourtant extrêmement important. Merci à celles et ceux qui ont voulu rendre hommage au courage et à la générosité, en créant ce Prix Femme exilée, Femme engagée.

 

L’intégration des étrangers, et l’immigration, l’exil souvent douloureux, sont des questions auxquelles je suis particulièrement sensible, en tant que femme d’abord et en tant que citoyenne de la ville de La Chaux-de-Fonds. M. le Maire de Genève voudra bien me le pardonner, mais je vais manquer terriblement de modestie et comparer Genève et La Chaux-de-Fonds. Même si cela n’apparaît pas au premier coup d’œil, Genève et La Chaux-de-Fonds ont quelques points communs :

 

1. D’abord, elles font toutes les deux parties de trois plus grandes villes de Suisse romande !

2. Ensuite, ce sont toutes les deux des villes frontières.

3. Elles ont une grande proportion de population étrangère

4. Elles partagent également des valeurs humanistes d’ouverture

5. Enfin, le canton de Neuchâtel a créé parmi les premiers, un bureau de l’intégration et un prix « Salut l’étranger » pour récompenser les initiatives citoyennes destinées à mieux intégrer les communautés étrangères. Intégrer, et non pas assimiler. L’intégration est un échange dans lequel tout le monde apporte quelque chose.

 

Chères Lauréates,

 

Vous êtes les bâtisseuses de la société de demain. Vous êtes les citoyennes de notre planète, qui est devenue un village. Les circonstances de la vie, quelquefois heureuses, souvent douloureuses, vous ont fait faire des milliers de kilomètres. Vous avez dû passer des frontières, bousculer des barrières culturelles, vous adapter, recommencer votre vie dans un pays que vous ne connaissiez pas. Vous avez relevé le défi et je vous en félicite.

 

La Suisse est devenue votre terre d’accueil. Si beaucoup de Suisses et de Suissesses vous ont certainement reçues à bras ouverts, heureux de l’énergie, de l’esprit positif et des multiples richesses culturelles que vous apportiez, d’autres ont très mal à leurs étrangers. Ils ont peur de l’autre. Ils pensent que l’on peut vivre dans un réduit national, seuls, au milieu des montagnes. Malheureusement, ces Helvètes sont nombreux. C’est ainsi qu’après avoir vécu les initiatives Schwartzenbach dans les années 70, initiatives qui voulaient limiter le nombre d’étrangers dans notre pays, nos sommes aujourd’hui confrontés à une nouvelle vague de difficultés, une initiative pour la limitation des étrangers a échoué de justesse en votation, des refus de naturalisations, des restrictions du droit d’asile votées en mars par le Conseil des Etats. Les exemples sont nombreux. Ils sont révélateurs d’un climat pénible.

 

Ils ne doivent pas nous impressionner, ni nous décourager. La Suisse, ce n’est pas que cela. Ce sont aussi des cantons et des communes qui donnent le droit de votre , voire d’éligibilité, aux étrangers, des citoyennes et des citoyens qui se battent pour les droits des étrangers, pour une égalité de traitement entre les migrants de toutes provenances, la possibilité de chercher du travail, de regrouper les familles, de jouir de la même mobilité professionnelle et géographique que les autochtones. Ils s’engagent pour une Suisse ouverte, pour une politique étrangère tournée vers la paix et la solidarité internationale, qui s’investit dans la prévention des conflits régionaux et des catastrophes écologiques et apporte son aide à la reconstruction.

 

Chères Lauréates,

 

Je tiens à vous saluer pour votre courage, votre dignité, la solidarité dont vous faites preuve au quotidien, votre volonté d’intégration et d’ouverture et pour vos combats, que vous menez souvent dans l’ombre.

 

Je pense notamment à ce collectif de femmes actives pour défendre les travailleurs et les travailleuses sans statut légal, et on le sait, ils sont nombreux. Un statut indigne de notre pays et de notre démocratie.

 

Le statut des sans papier, et je connais la destinée souvent tragique de plusieurs d’entre eux pour les avoir fréquenté dans ma ville, est intolérable. Il me paraît impérieux de régulariser la situation des travailleuses et des travailleurs vivant dans la clandestinité, comme le fait d’ailleurs le gouvernement espagnol de Jose Luis Zapatero ou l’a fait avant lui Massimo d’Alema en Italie, pour mettre fin à des situations humainement inacceptables.

 

Par vos actions, vous nous rappelez aujourd’hui la grande nécessité de mener dans ce pays une véritable politique d’intégration des étrangers, avec une vraie reconnaissance des droits fondamentaux de personnes immigrées, qui participent pleinement à la vie économique, politique et culturelle de notre pays.

 

Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, et l’urgence, aujourd’hui est aussi de maintenir et de défendre certains acquis, clairement menacés par les tours de vis imposés par les frileux et les isolationnistes.

 

Par vos actions, vous nous rappelez la responsabilité de devoir mener ces combats impérieux. Vous les menez avec courage. Soyez sûres que nous les mènerons avec vous.

 

Merci de votre attention.

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