Financement de l’assurance invalidité

L’AI est dans une situation financière très difficile. Déficit considérable, dette astronomique. Malgré les efforts consentis dans le cadre de la 4ème révision, la question n’est pas réglée. La 5ème révision prévoit des mesures d’économie drastiques. Elles auront un coût social élevé et pourtant elles ne pourront pas résoudre le problème. Il faudra aussi, et de toute façon, de nouvelles recettes, à court terme. Le Conseil fédéral en est conscient. Dans son « Arrêté fédéral relatif au financement additionnel de l’AI », il propose un relèvement linéaire de la taxe sur la valeur ajoutée de 0,8 points. Entrée en vigueur en 2008, soit en principe un an après la 5ème révision.

 

La dette et le déficit

 

Actuellement, la dette de l’AI dépasse les 6 milliards. Ce n’est pas la première fois que l’on est dans cette situation. Il a déjà fallu sauver l’AI de la faillite à deux reprises. En 1998, on a transféré 2,2 milliards de francs de l’assurance perte de gain dans le fonds de compensation de l’AVS/AI et en 2003, 1,5 milliard. On a pu ainsi parer au plus pressé.

 

Si le trou continue de se creuser si rapidement, c’est que le déficit structurel est important. Le compte de fonctionnement accuse une perte d’environ 1,5 milliard de francs par année. Il faut donc prioritairement agir à ce niveau, mais que faire ? Diminuer les charges ? Certes, mais comment ? Pour équilibrer le budget, il faudrait renoncer au tiers des dépenses ! Même sans beaucoup de conscience sociale, on se rend vite compte que c’est impossible. Impossible d’économiser sur l’enseignement spécialisé : il est, depuis la RPT, du ressort des cantons. Impossible d’économiser sur les mesures de réinsertion professionnelle. Toutes les personnes qui ne seraient plus formées et réintégrées dans les entreprises resteraient à la charge de l’assurance et aggraveraient encore la situation. Impossible de diminuer les montants des rentes. Ils sont déjà si bas, que le quart des personnes handicapées ne peuvent pas en vivre et doivent demander des prestations complémentaires. Diminuer le nombre de rentiers ? Ce n’est pas si évident. Pour que cette mesure soit efficace, il faudrait que les personnes, à qui l’on refuserait une rente, puissent réellement travailler. Si ce n’était pas le cas, elles dépendraient de l’assistance publique et le bilan social et financier serait aussi négatif.

 

4ème révision, programme d’allègement budgétaire et TVA

 

On le voit, le problème est complexe et la marge de manœuvre très faible. Le Conseil fédéral a fait plusieurs tentatives pour rééquilibrer le budget de l’AI. La 4ème révision a introduit des instruments de contrôle des coûts et a supprimé divers avantages financiers pour les personnes handicapées. Le programme d’allègement budgétaire 2003 a limité les moyens financiers des institutions. En outre, le taux de refus de rentes a passé de 23% en 2002 à 28% en 2003.

 

Cependant, il était évident dès le départ que ces mesures ne suffiraient pas à ramener les comptes dans les chiffres noirs et que la question des recettes supplémentaires devrait être abordée. C’est dans le cadre de la 11ème révision de l’AVS, que le Conseil fédéral a lancé le débat sur le relèvement du taux de TVA pour l’AVS et l’AI. Suite à de longs débats, les Chambres se sont prononcées pour une augmentation linéaire de 0,8 point, en faveur de l’AI. Cette solution n’a pas trouvé grâce devant le peuple. Le souverain y a opposé un refus cinglant en mai 2004.

 

La 5ème révision

 

Le Conseil fédéral n’avait donc pas d’autre choix que de remettre l’ouvrage sur le métier et  de proposer de nouvelles mesures d’économie et de nouvelles recettes. C’est ainsi qu’il a lancé immédiatement la réflexion sur la 5ème révision.

 

L’objectif principal de la 5ème révision est de maîtriser les coûts de l’assurance invalidité, essentiellement en diminuant le nombre de nouvelles rentes octroyées. Pour ce faire, elle propose des mesures de détection précoce des menaces d’invalidité et un effort particulier en faveur de la réinsertion professionnelle. Le Conseil fédéral espère ainsi faire baisser de 20% le nombre de nouvelles rentes, par rapport à 2003. Ces mesures sont à considérer comme un investissement. Elles pèseront sur le compte de l’AI au départ, mais deviendront rentables à moyen terme. Quand l’effet s’en fera sentir, la Confédération et les cantons devraient épargner environ 331 millions par an, car ils participent aux charges de l’AI selon une clé de répartition fixe. Le Conseil fédéral profite de cette opportunité pour proposer une diminution de la part fédérale de 37,5% à 36,9%.

 

A cela s’ajoute une nouvelle série d’économies (suppression du supplément de carrière, financement des mesures médicales par l’assurance maladie, abandon des rentes complémentaires en cours, etc.) qui devrait rapporter 624 millions par an.

 

Au chapitre des recettes, la 5ème révision prévoit un léger relèvement de la cotisation salariale (0,1%), qui devrait permettre de récolter 303 millions par an.

 

Au total, l’amélioration attendue du compte de l’AI sera de 596 millions, mais du fait des investissements consentis pour la prévention et du retrait partiel de la Confédération, le déficit continuera de dépasser le milliard et demi par an… Beaucoup d’efforts, peu d’effets !…

 

Et si l’on faisait un autre calcul ?

 

Contribution fédérale à l’AI

 

Premièrement, si le frein à l’endettement et le déficit du ménage fédéral ne permettent pas d’envisager un accroissement de sa participation à l’AI, on peut cependant exiger de la Confédération qu’elle ne la diminue pas et qu’elle continue de verser à l’AI la même contribution que maintenant, en chiffres réels, et non en pourcentages. On peut également attendre cela des cantons.

 

TVA ou cotisation salariale ?

 

Deuxièmement, il faut impérativement prévoir une augmentation des cotisations salariales ou de la TVA.

 

A l’heure actuelle, l’AI est financée essentiellement par les cotisations salariales et les participations directes des pouvoirs publics. La TVA serait donc un nouveau type de financement. Pascal Couchepin préfère la TVA aux prélèvements sur les salaires. Il estime qu’en Suisse la TVA est basse et qu’une hausse de 0,8% serait acceptable pour l’économie. Elle n’aurait pas d’effet indésirable sur les salaires, les investissements ou les exportations. Comme elle est liée à la consommation, elle toucherait tout le monde et tout le monde participerait donc de manière équilibrée au sauvetage de l’AI.

 

Malheureusement, la TVA présente aussi des inconvénients, dont certains sont très sérieux. Tout d’abord, elle a été refusée par le peuple en 2004. Il paraît difficile de lui faire accepter une proposition semblable aujourd’hui. Or la TVA doit de toute façon être votée, car pour donner au Conseil fédéral la compétence d’augmenter les taux, il  faut modifier les articles 112 et 130 de la constitution.

 

La TVA est un impôt sur la consommation. Or il n’est pas logique de pénaliser la consommation en faveur de l’AI. L’AI n’est pas un problème de consommation. En outre, freiner la consommation dans un pays où elle est au plus bas et où il y a de sérieux problèmes de croissance ne paraît pas raisonnable.

 

Enfin, le poids de la TVA sur les budgets les plus bas n’est pas acceptable. Trop de personnes vivent avec le minimum vital. Ils verraient leur situation se dégrader encore. Ceci d’autant plus que la TVA serait majorée linéairement, c’est-à-dire autant sur les biens de première nécessité, taxés actuellement à 2,4%, que sur les bien taxés à 7,6%. S’il devait y avoir un relèvement, au moins, ne devrait-il pas affecter les produits de première nécessité.

 

La cotisation salariale en faveur de l’AI, en revanche, est payée à parts égales par les employeurs et les employés. Cela répond à une certaine logique, car l’invalidité est un problème de marché du travail. Les entreprises ont une responsabilité dans la recrudescence du nombre de personnes à l’invalidité. L’accélération des rythmes de production et des exigences nouvelles excluent de plus en plus de personnes du milieu professionnel. Actuellement, les employés en difficultés sont trop facilement licenciés ou dirigés vers l’AI, quelles que soient leurs capacités de travail résiduelles. La cotisation est de 1,4% et n’a pas bougé depuis des années. A défaut de pouvoir assumer leur responsabilité sociale, les employeurs doivent-ils au moins assumer leur responsabilité financière.

 

La cotisation salariale est plus sociale que la TVA. Elle répond au principe de solidarité, puisqu’elle est proportionnelle au salaire, sans limite supérieure. Elle ne frappe que très peu les familles les plus modestes. Elle ne touche pas les rentiers AI ou AVS. Elle alourdit légèrement les charges sociales de l’entreprise, mais reste supportable pour l’économie.

 

Le Parlement a la compétence de relever la cotisation salariale. La procédure est plus simple.

 

Cela paraît aujourd’hui une solution raisonnable. L’importance du relèvement nécessaire dépend du déficit de l’AI et pour déterminer ce déficit, il faut parler de la dette.

 

L’or de la BNS

 

Le 2 février 2005, le Conseil fédéral a décidé que le produit de la vente des 1300 tonnes d’or de la BNS serait remis pour un tiers à la Confédération et pour deux tiers aux cantons. Le 9 mars, le Conseil des Etats a accepté une proposition attribuant les sept milliards de la Confédération à l’AI. Si cette proposition devait être avalisée, ces 7 milliards permettraient de diminuer notablement la dette et par conséquent les charges de la dettes sur le compte de fonctionnement de l’AI. Cependant un financement complémentaire, limité dans le temps, resterait nécessaire pour amortir la dette en totalité. Ce pourrait être, soit un relèvement des cotisations salariales de 0,1% (300 millions environ par année), soit un impôt de solidarité, du type de celui qui avait été mis en place pour l’assurance chômage, prélevé sur les hauts salaires (1% sur la part des salaires de plus de 100’000.- rapporterait 262 millions par an). Si la question de la dette pouvait être réglée ainsi, alors la situation de départ serait bien meilleure.

 

La diminution des charges dues à la dette et les mesures d’économie permettraient de faire baisser le déficit de l’AI de moitié. Pour l’autre moitié, il faudrait recourir de toute manière à une augmentation de la TVA ou de la cotisation salariale, mais celle-ci serait plus modeste que prévu. 0,4 point suffirait à répondre aux besoins de l’AI pour ces prochaines années, pour autant que la Confédération maintienne sa part à la hauteur actuelle, en chiffres réels, soit 6,12 milliards.

 

Les débats qui débuteront cet automne au Parlement promettent d’être rudes. Les enjeux sont considérables. Il en va de la qualité de vie de plusieurs centaines de milliers de personnes handicapées dans notre pays.

 

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