Agenda 21

Monsieur le Président, Chers Collègues,

Le canton de Neuchâtel est le dernier canton romand qui n’a pas entamé une démarche d’Agenda 21. Neuchâtel, qui était un canton cité en exemple pour son côté novateur, est aujourd’hui à la traîne. Non pas seulement à la traîne de la Suisse romande, mais aussi de la Suisse, où il  tient compagnie, au dernier rang, à Glaris, St-Gall et Uri. Nous sommes plus réfractaires qu’Appenzell, Unterwald, Grisons ou Zug. Il n’y a pas là de quoi être fiers. Il y a même de quoi être perplexe.

Pourquoi avons-nous peur de nous lancer dans une démarche de développement durable ? Sommes-nous incapables de penser 21ème siècle ? Sommes-nous incapables de préserver notre environnement ? Sommes-nous des cancres du développement social ? Sommes-nous des pollueurs sans scrupules ? J’ose espérer que non.

En fait, une partie de nos actions sont déjà compatibles avec le développement durable, de loin pas tout, certainement, nous avons encore bien des choses à faire. Nous avons surtout un état d’esprit à acquérir, dans tous les services de l’Etat. Nous devons apprendre à penser développement durable. Comme M. Jourdain faisait de la prose, certains d’entre nous font du développement durable sans le savoir. Si nous ne faisons pas une analyse complète de ce que nous faisons dans les services du canton, nous ne saurons pas qui travaille de manière compatible avec le développement durable et qui travaille de manière non compatible. Il faut d’abord faire cette analyse, fixer des objectifs service par service et déterminer un plan de réalisation praticable.

Le développement durable ne coûte pas cher. Il faut bien sûr une personne qui coordonne la réflexion citoyenne et la réflexion des services, il faut un rapport qui fasse la liste de toutes les actions à entreprendre, mais ensuite, chacune de ces actions doit faire l’objet d’une réflexion financière et le plan de réalisation doit correspondre aux moyens financiers de l’Etat. Certaines actions vont coûter quelque chose, comme par exemple d’éventuelles prestations en matière de santé, d’accueil des étrangers, etc… Certaines autres vont agir comme des investissements, comme par exemple l’acquisition d’engins moins gourmands en énergie, et permettre des économies à moyen terme et d’autres enfin engendreront des économies directes, je pense en particulier à des économies d’énergie, de matériel, de véhicules, etc.

Les cantons qui ont entamé cette démarche y consacrent entre 0 et 900’000.- (BS), avec en outre les projets éventuellement liés indirectement au développement durable. Les sources de financement émanent en général du budget ordinaire de l’Etat. Les cantons peuvent être soutenus ponctuellement par la Confédération, que ce soit par le développement territorial ou par la santé.

L’Agenda 21 de Rio rappelle le rôle fondamental des collectivités locales dans la mise en œuvre du développement durable, essentiellement parce que le développement durable est un acte démocratique et que les collectivités locales sont plus proches du citoyen.

La Suisse a inscrit le développement durable dans la constitution en 1999 et en 2002, elle a accepté la stratégie pour le développement durable et indiqué l’importance de l’implication des cantons dans le processus. La Confédération espérait, dans ses objectifs, que 70% des cantons suivraient une démarche de développement durable à fin 2003. En réalité, ce sont la moitié des cantons qui sont vraiment en cours de travail, d’autres ont commencé à y réfléchir. Trois seulement n’ont encore rien fait…

Neuchâtel ne peut pas ainsi rester à la traîne. Il doit s’inscrire dans les préoccupations du monde dans lequel nous vivons. Nous ne pouvons pas nous enfermer dans nos montagnes. Nous n’en avons pas assez ! D’ailleurs, notre constitution mentionne explicitement le développement durable comme une tâche de l’Etat et des communes, à son article 5.

Nous devons donc aujourd’hui introduire le développement durable dans le programme de législature, élaborer une conception cantonale du développement durable, établir une analyse, un catalogue d’actions et un calendrier de réalisation. Nous devons proposer des outils pour l’évaluation des résultats. Nous devons promouvoir une politique propre à inciter les communes à engager leur propre démarche ou à participer à la démarche du canton. Le but final étant bien sûr l’amélioration des services à la population et de la qualité de vie de la population.

Il est important d’obtenir l’aval du Grand Conseil pour donner une impulsion à l’Agenda 21, car l’Agenda 21 doit être légitimité démocratiquement. Il l’est davantage s’il est décidé par le Grand Conseil que s’il l’est par le Conseil d’Etat uniquement.

J’ajouterais encore un détail : en principe, il serait mieux qu’il n’y ait pas un service du développement durable, conçu comme un pilier externe chargé de donner des conseils. Il doit y avoir d’une part un groupe inter-service chargé de réfléchir transversalement et d’autre part une collaboration aussi large que possible avec les citoyens et les groupes d’intérêts.

 Le développement durable est aussi une préoccupation du monde économique. Le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture se préoccupent depuis longtemps des questions environnementales. Mais l’organisation qui a pris le plus d’influence dans ce domaine, est sans doute l’OMC. Les statuts de l’OMC indiquent que le commerce international doit être mené « tout en permettant l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et de préserver l’environnement ». L’OMC elle-même s’appuie sur l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, plus communément appelés Accords du GATT, dont l’article 20 stipule que rien ne doit empêcher un pays de prendre des mesures « nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux. ». Pendant les années 90, un quart des litiges traités par l’organe de règlement des différends portaient sur des questions environnementales. L’OMC peut donc avoir une influence importante dans ce domaine et induire les entreprises à produire dans le respect de certaines conditions minimales en matière d’environnement.

tabs-top

Comments are closed.