Inégalités de traitement devant l’impôt

Mesdames et Messieurs les députés,

En déposant cette motion, je voulais attirer l’attention sur deux points particuliers de notre système fiscal. D’une part, un cas d’inégalité de traitement devant l’impôt. D’autre part, le paiement de l’impôt au détriment du minimum vital.

En ce qui concerne le premier point, l’inégalité de traitement est flagrante. Des personnes, rentières de l’AI ou de l’AVS et touchant des prestations complémentaires, paient des montants d’impôts différents bien que leur situation et leurs revenus soient parfaitement identiques.

En ce qui concerne le deuxième point, l’imposition des rentes AI et AVS des personnes qui reçoivent des prestations complémentaires se fait au détriment du minimum vital. Ces personnes reçoivent un montant qui est calculé de telle manière qu’il couvre tout juste leurs besoins essentiels. Or, les impôts doivent être payés sur ce montant, alors qu’ils n’ont pas été comptés dans les besoins essentiels. Cela veut dire que pour les payer, ces personnes doivent renoncer à couvrir des besoins essentiels définis comme faisant partie du minimum vital. Le paiement des impôts fait basculer leur budget au-dessous de la barre du minimum vital.

Cette motion a donc pour objectif de rétablir, autant que faire se peut, une certaine justice entre contribuables et d’éviter que des citoyens ne puissent plus faire face à leurs obligations financières, à cause du paiement des impôts. Si certains citoyens ne paient pas leurs impôts ou les paient avec beaucoup de retard, ce n’est pas forcément un hasard. Cela vient aussi de la paupérisation de la population et du problème que je vais évoquer maintenant. Majorer les tranches à payer dans ce cas ne fait qu’ajouter une dette nouvelle aux autres et mener le contribuable à la faillite, faillite qui ne profite à personne. Payer l’impôt plutôt que le loyer mène inutilement à des situations sociales catastrophiques.

Je pense qu’il est important que le Conseil d’Etat intègre cette problématique dans l’ensemble des réflexions qu’il mènera prochainement sur la réforme de l’imposition de notre canton.

Quel est le problème ? Il y a plusieurs cas de figure.

–      Les personnes qui ont une rente AI et des prestations complémentaires ne sont pas toutes traitées de la même manière. En effet, si la rente AI est imposée à 100%, les prestations complémentaires ne le sont pas. Cela a pour conséquence, que lorsqu’une personne a une rente AI importante et des prestations complémentaires faibles, elle paie beaucoup plus d’impôts que celle qui a une rente AI partielle, mais des prestations complémentaires importantes. Or, toutes les deux ont les mêmes revenus, puisque leur minimum vital est calculé en fonction de leur droit aux prestations complémentaires.

–      Dans le cas des prestations complémentaires à l’AVS, on est dans la même situation.

–      Même situation également, dans le cas des compléments de budget, puisque la personne qui reçoit un salaire insuffisant, qui est un peu complété, paie plus d’impôts que celle qui ne gagne quasi rien et reçoit un complément important. Dans ce cas, il s’agtie d’une incitation négative. Mieux vaut travailler et gagner moins, on a le même revenu, mais on paie moins d’impôts ! Le revenu disponible est donc plus important.

Imposition du minimum vital

Outre la question de l’inégalité, l’imposition des revenus les plus bas pose un autre problème,  celui du minimum vital.

Quand nous examinons les budgets des personnes qui vivent avec le minimum vital, c’est-à-dire par exemple avec une rente AI ou AVS et des prestations complémentaires, ou avec un salaire insuffisant et un complément de budget, nous constatons qu’il y a un problème grave : ces personnes doivent payer leurs impôts au détriment de leur minimum vital. En effet, la somme qui est définie comme le minimum vital, ne comprend pas le paiement des impôts.

Si l’Etat fixe une certaine somme et considère que c’est le minimum qu’il faut pour vivre, comment peut-il ensuite demander que l’on paie des impôts sur cette somme, alors que les impôts n’ont pas été pris en considération dans le calcul?

Cette pratique a pour conséquence de faire passer des centaines de personnes au-dessous de la barre et de les obliger à demander l’aide d’associations caritatives, car elles ne peuvent plus assumer les dépenses quotidiennes.

De deux choses l’une, ou bien l’on considère qu’il s’agit effectivement du  minimum vital et on renonce à l’imposer, ou bien, on considère que chaque personne doit payer des impôts, ne serait-ce que pour le principe, mais alors, on ajoute les impôts au minimum vital, de manière à permettre à chacun de s’acquitter de ses impôts tout en pouvant quand même assumer les dépenses ordinaires.

Correction des inégalités

Nous pouvons essayer d’améliorer la cohérence de notre système fiscal, mais il faut bien sûr éviter de créer de nouvelles inégalités en corrigeant les anciennes. Il est toujours aléatoire de proposer des solutions.

Je me contente donc d’une suggestion : revoir l’échelle fiscale de manière à la faire commencer au-dessus du minimum vital. Ainsi les personnes bénéficiaires des prestations complémentaires seraient toutes traitées de la même manière.

Pour l’Etat, ce ne serait pas un grand sacrifice, car les gens qui sont au minimum vital paient très peu d’impôts comparativement au reste de la population, de l’ordre de 30 à 50.- par mois.  En outre, elles ne peuvent souvent pas s’en acquitter, et pour cause, ce qui occasionne à l’Etat des dépenses pour essayer de rééchelonner les tranches ou de récupérer des sommes très faibles.

Les contributions qui rentrent, ne couvrent pas les frais de percepteur et les rappels…

Pour les gens dont nous parlons, 50.- par mois, c’est très important. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, beaucoup de gens ont à cœur de payer leurs impôts et font de réels efforts pour s’en sortir, bien que ce soit au détriment du nécessaire.

Une motion, je le rappelle, c’est une demande d’étude. Cela signifie que je propose que le Conseil d’Etat réfléchisse à cette question et nous présente une solution globale propre à corriger ces problèmes.

Je vous remercie

Pauvreté de la population

Une partie importante de notre population est pauvre. Les revenus ont stagné ces dix dernières années. Les salaires les plus  bas sont trop bas. Ils n’atteignent toujours pas les 3000.- net à plein temps. Pendant ce temps, les prix augmentent. Ceux de la santé montent de 4 à 5% chaque année.

On voit de plus en plus de gens qui ne peuvent pas payer leurs primes, leurs franchises, leurs impôts ou leur loyer. L’Etat en aide certains. Les autres viennent dans des services privés, comme le mien. J’étudie tous les jours de tels dossiers.

Il me semble donc que le fait de ne pas les imposer, quand ils sont au minimum vital, n’est pas une manière de les déresponsabiliser, mais au contraire leur donner une chance de s’en sortir seuls et d’assumer pleinement leur vie. C’est très important pour chacune de ces personnes.

Je vois chaque jour les dossiers de personnes qui vivent avec le minimum vital. C’est un cas très fréquent, lorsque l’on souffre d’une atteinte à sa santé et que l’on est handicapé. Tout le monde n’est pas encore couvert par la LPP, loin s’en faut.

Or ce minimum vital est vraiment calculé au plus juste. Il ne permet pas de faire face à des dépenses extraordinaires. Quand je parle de dépenses extraordinaires, je parle seulement d’une facture de dentiste ou d’opticien. Devoir acheter une paire de lunettes suffit à déséquilibrer un budget trop serré. Notre rôle est alors d’aider les personnes concernées ponctuellement.

Mais en examinant leur budget avec elles, nous constatons que, non seulement le budget est calculé de manière très serrée, mais qu’en outre, dans le calcul du minimum vital, il n’est pas tenu compte du paiement des impôts. Les impôts viennent donc en déduction du minimum vital. Ces impôts ne sont généralement pas très élevés. Il s’agit de sommes de moins de 80.- par mois. Cependant, lorsque le budget est calculé au plus juste, 80.- c’est une somme importante. Je dirais même que ça peut faire la différence.

Je connais bien maintenant le domaine du handicap, mais je sais que c’est aussi le cas dans d’autres domaines, dont certains de mes collègues pourraient parler mieux que moi.

C’est la raison pour laquelle je pense qu’il serait utile que le canton se penche sur cette question et étudie la possibilité de renoncer au prélèvement d’impôts auprès des personnes qui vivent avec le minimum vital.

La perte de rentrées pour le canton serait très faible. L’amélioration de la qualité de vie des personnes concernées serait très importante.

Je tiens à votre disposition des exemples concrets.

 

 

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