Protection du grand tétras

oncfs.gouv.fr

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M. le Président, Chers Collègues,

Un frôlement d’aile dans les branchages, une ombre sur les myrtilliers… Vous venez d’assister à un spectacle extraordinaire, mais bien trop rare, l’envol d’un grand tétras. Qui de vous a eu l’occasion de le voir ? Quelques-uns je sais, mais pas beaucoup… parce qu’il n’y a presque plus de grand tétras dans notre canton.

Le grand tétras, qui fut l’emblème des forêts neuchâteloises et même du WWF Neuchâtel pendant un certain temps, presque à l’égal du légendaire panda du WWF international, est actuellement en voie de disparition. On n’en compte moins de 20 individus dans notre canton. Nous sommes très au-dessous du seuil d’extinction. Cette espèce ne se maintient que grâce à des apports sporadiques en provenance du Jura vaudois ou français. Heureusement, le grand coq est une espèce capable de se déplacer sur de grandes distances.

Il y a de nombreuses années que les organisations environnementales tirent la sonnette d’alarme et demandent au canton d’agir pour sauver cette espèce particulièrement impressionnante. Quelques mesures ont été prises. Les forestiers ont été informés. La coordination laissait pourtant encore à désirer, il y a peu de temps. On a vu des travaux en forêt, dans les zones sensibles, au moment des parades!

De toute manière, les mesures prises n’ont pas permis d’enrayer la tendance à la disparition. Peut-être n’ont-elles pas été appliquées avec suffisamment de suivi.

Une chose est certaine : nous ne pourrons pas sauver le grand tétras si nous n’en avons pas la volonté politique.

C’est la raison pour laquelle, nous avons estimé qu’il était nécessaire d’informer les députés sur la situation actuelle du grand tétras, ils ont tous reçu une brochure d’information qu’ils ont certainement lue attentivement, et de déposer une motion demandant une politique cantonale coordonnée pour sa sauvegarde.

L’élaboration d’un plan d’action cantonal pour le sauvetage du grand tétras n’aura que des avantages : il instaurera une exploitation forestière favorable à cet oiseau. Il fixera les zones accessibles toute l’année ou à certains moments pour le sport en forêt. Il permettra d’éviter les dérangements dans les moments les plus délicats.

La politique de sauvegarde du grand tétras doit se développer essentiellement sur deux axes : une exploitation forestière qui tienne compte de notre oiseau et une limitation des dérangements, en particulier dans les zones et les moments les plus délicats.

Première mesure, la plus importante : protéger les sites de parade strictement, du moins pendant la période de la reproduction. Notre pauvre coq est continuellement dérangé quand il parade. Comment voulez-vous qu’il soit motivé, alors que les promeneurs, bûcherons, photographes, vététistes et autres intrus traversent sa chambre à coucher à longueur de journée ?

Deuxième mesure : exiger des services forestiers et des utilisateurs de la forêt le respect des zones où le grand tétras vit encore. Le but est de retrouver la population que l’on avait avant 1970, soit environ 120 individus.

–      En premier lieu, il convient d’organiser les travaux forestiers de manière à déranger le moins possible la faune forestière. Ca veut dire qu’il ne faut pas exploiter la forêt, dans les zones à grand tétras, en hiver et au printemps, au moment de la reproduction. Il faut éviter de passer avec des engins lourds et de défoncer  le sol forestier et en particulier les places de parade. Il faut maintenir des clairières ouvertes, avec des sous-bois riches en petits fruits, pour que le grand tétras trouve la nourriture qui lui est nécessaire. Ces travaux ne coûtent pas plus cher que des travaux ordinaires, mais ils ont une grande influence sur la survie du tétras.

–      Deuxièmement, il faut informer les clubs sportifs qui organisent des événements en forêt, de manière à ce que leurs parcours évitent les zones à grand tétras pendant les périodes sensibles. Je pense en particulier aux manifestations hivernales, comme le ski de fonds, les raquettes, les chiens de traîneau. Le grand tétras supporte mal l’hiver, parce qu’il a de la peine à trouver assez de nourriture. Si on le dérange, il essaie de fuir, or s’il fuit une fois par jour, il dépense plus de calories qu’il ne peut en manger par temps de neige. Il risque de mourir d’épuisement avant le printemps. Cela ne signifie pas que toute compétition sportive doive être interdite en forêt. Cela signifie seulement que les cartes de présence du grand tétras et en particulier les places de parade doivent être réactualisées et les informations nécessaires transmises aux clubs sportifs, afin qu’ils puissent organiser leurs manifestations en tenant compte de ces limites, et sans avoir de mauvaise surprise au dernier moment.

–      Troisièmement, il est important d’informer le public, afin qu’il comprenne pourquoi certains tracés de ski de fonds ou de randonnées doivent être déplacés pour éviter de mettre en danger la vie de ces derniers oiseaux.

–      Quatrièmement, il faut mettre en place une plate-forme de rencontres entre les organisations de protection de la nature et les clubs sportifs, sous l’égide d’une instance neutre, pour permettre les échanges d’informations et la recherche de consensus sur les zones utilisables pour le sport et les moments où elles peuvent l’être pendant l’année. Rassurez-vous ! Il n’est pas nécessaire de protéger la totalité des forêts neuchâteloises, ni de les protéger pendant toute l’année. Il faut laisser des espaces suffisants qui restent à disposition du sport.

–      Cinquièmement, il faut créer des réseaux de biotopes relais dans les régions où le grand tétras vit ou peut s’installer, pour que les oiseaux puissent se déplacer et avoir des échanges avec leurs congénères.

–      Sixièmement, il faut éviter de morceler la forêt par de nouveaux chemins, qui peuvent ensuite être utilisés par un trafic motorisé bruyant. Sur ce point, nous serons sans doute aidé par la couleur rouge du budget de l’Etat. Le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres et quand l’Etat perd des plumes, le tétras sauve les siennes…

Les mesures qui sont prises en vue d’améliorer le biotope du grand tétras sont utiles à de nombreux autres oiseaux forestiers, peut-être moins rares, mais pas moins intéressants. Le grand tétras, en tant qu’espèce la plus menacée et la plus fragile joue le rôle d’indicateur, mais avec lui, nous protégeons aussi la gélinotte par exemple.

M. le Président, Chers Collègues,

Notre canton a besoin d’un plan global de protection du grand tétras. Cela permettra peut-être de sauver cette espèce, mais aussi de calmer le jeu et de ramener la paix entre les protecteurs de la nature, les forestiers et les sportifs. Cela favorisera l’épanouissement des activités des uns et des autres, dans une bonne entente, car cela permettra de clarifier les besoins des uns et des autres et de les coordonner.

En ce qui concerne les amendements, j’ai reçu tout d’abord un amendement du groupe radical, qui porte sur une question financière et qui, de mon point de vue, est acceptable, même si les mesures à mettre en place pour le sauvetage du grand tétras concernent au moins autant le service des forêts que celui de la faune.

En revanche, l’amendement déposé par le Conseil d’Etat me paraît plus problématique. En particulier, la formulation « si nécessaire » me paraît un peu délicate, parce que nous savons déjà qu’il faudra le faire. Sans plan d’action, nous resterons dans le flou et nous aurons encore des conflits. Le plan d’action permettra d’éviter la disparition du tétras et donnera des indications claires aux utilisateurs de la forêt concernant ce qui est possible ou non dans les zones sensibles.

Je préfère donc l’amendement radical, mais je n’oserais pas dire que dans ce dossier je ne fais pas confiance au Conseil d’Etat et au Département de la gestion du territoire.

Chers Collègues,

Je vous propose donc d’accepter cette motion, avec l’amendement radical et éventuellement celui du Conseil d’Etat, si vous lui accordez la même confiance que moi.

 

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