Allocution de soutien d’Emmaüs à La Chaux-de-Fonds suite à la descente de police

Lutter contre le travail au noir, c’est bien. C’est même nécessaire. Nous devons nous assurer que chaque travailleur reçoit un salaire décent et est protégé par le droit du travail.Mais où donc croyaient-ils aller ? Qui croyaient-ils rencontrer ? Pourquoi ce déploiement de force ? Pour vérifier l’identité, le permis de travail et de séjour d’une personne ? Vraiment ? Fait-on de telles descentes de police dans tous les restaurants et dans toutes les entreprises qui emploient des personnes en situation irrégulière ? 

Ceux qui ont pris la décision de ce déploiement, n’avaient-ils jamais entendu parler d’Emmaüs ? Ne savaient-ils pas qu’il s’agissait d’une œuvre caritative, qui joue un rôle important dans notre société, une société qui parfois laisse tomber ceux et celles qui n’ont pas de chance, qui ont perdu leur travail, leur famille, qui ont dû s’exiler ou qui ont une mauvaise santé.

 

 

 

Je tiens à exprimer ma reconnaissance, ici, aujourd’hui, pour le travail qu’accomplissent les communautés d’Emmaüs, et en particulier celle de La Chaux-de-Fonds, pour le travail qu’elles accomplissent auprès des personnes déshéritées. Les communautés d’Emmaüs luttent tous les jours contre la pauvreté, l’exclusion et l’injustice sociale. Elles sont des lieux d’accueil et de solidarité qui rayonnent dans l’ensemble de la société. Leur action mérite le respect.

 

Elles ne sont pas des lieux de non droit. Certes, elles ont un statut un peu particulier, un statut que certains ne connaissent pas ou ne reconnaissent pas. Elles n’emploient pas des ouvriers, elles accueillent des compagnons.

 

Elles accueillent, sans demander l’origine, ni les papiers de ceux qui arrivent. C’est leur vocation même. Etre un toit et un espoir pour ceux qui n’ont plus rien. Et dans notre société, des gens qui n’ont plus rien et qui n’ont plus de papier, il y en a beaucoup. Et ce n’est pas par hasard. Nous avons élaboré des lois qui favorisent cela.

 

 

Dans l’euphorie de l’acceptation de la libre circulation des personnes, nous avons cru à la liberté, à l’échange, à l’ouverture.

 

La discussion qui a eu lieu la semaine passée au Parlement sur la Loi sur les étrangers, nous a rappelé bien vite à la réalité… L’ouverture s’arrête à l’Union européenne et ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un passeport des dix nouveaux Etats membres, continueront de vivre sans statut et sans place dans notre société. Tous ceux-là, ceux qui viennent d’ex-Yougoslavie ou de Turquie, des pays qui font pourtant partie des cercles d’immigration traditionnels de la Suisse, ceux qui viennent des autres continents, resteront dans l’illégalité sans espoir de légaliser leur statut. Oui au plombier polonais, non à la femme de ménage turque.

Cette loi n’est pas une loi sur les étrangers, mais une loi contre les étrangers. Elle multiplie les tracasseries administratives, restreint le regroupement familial, introduit un examen approfondi pour l’obtention du permis C. La majorité du Parlement ne veut que des gens qualifiés, des investisseurs,  des vedettes du sport, des hommes d’affaires mondialisés et des universitaires, sans égard pour ceux et celles qui vivent chez nous depuis des années et attendent désespérément de pouvoir régulariser leur situation. Et pourtant, nous avons besoin d’eux et d’elles aussi.

Derrière le travailleur immigré sans statut, sommes-nous encore capables de voir l’être humain, une personne pleine de projets, d’espoirs, de richesse et de générosité, une personne parfaitement capable de s’intégrer chez nous, d’y trouver sa place ?

Le durcissement de la Loi sur l’asile ou de la Loi sur les étrangers est un mauvais signe, un signe qui favorise la méfiance, voire la criminalisation,, qui justifie l’humiliation.

Ne devenons pas les acteurs d’une politique d’exclusion ou de criminalisation. Notre canton, notre ville, ont toujours été accueillants et ouverts. Nous l’avons encore montré lors de la dernière votation sur la libre circulation. Ne nous laissons pas emporter par cette mauvaise vague et exigeons que chacun, quelle que soit son origine ou son statut social, soit traité avec respect.

Je vous remercie.

 

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