Stratégie globale de surveillance de l’exécution de l’AI

Monsieur le Président

Monsieur le Conseiller fédéral

Chers Collègues,

 

J’accepterai la motion de la commission de gestion concernant la stratégie globale de surveillance renforcée de l’exécution de l’AI. Je l’accepterai parce que je pense qu’on peut toujours faire mieux. La formulation de la motion est suffisamment générale pour me convenir. Formuler une stratégie globale et en surveiller l’exécution ne peut être que juste.

 

J’approuve également les diverses recommandations qui émanent du rapport de la commission de gestion du Conseil des Etats et qui proposent à l’OFAS toute une série d’amélioration de son fonctionnement dans le domaine de l’AI.

 

En revanche, le rapport de la commission de gestion sur lequel s’appuie la motion et auquel elle fait référence ne peut être accepté sans commentaire.

 

Permettez-moi d’abord de relever la contradiction qui consiste à exiger une harmonisation et un contrôle accentué de la Confédération dans le domaine des prestations individuelles de l’AI et à cantonaliser les prestations collectives, ce qui empêchera justement cette harmonisation et ce contrôle. Dans le domaine de l’AI, on a toujours laissé une marge d’appréciation aux cantons. C’est sans doute cette volonté qui est à l’origine des différences cantonales que l’on s’étonne de trouver aujourd’hui. Le rapport relève que : « Les lacunes de la surveillance exercée par la Confédération sont  à l’origine du manque d’homogénéité des décisions cantonales relatives à l’octroi de prestations et ont des incidences financières considérables pour l’assurance. » Nous aurons bien plus de peine encore à l’avenir à grouper les données et à les analyser. Je doute donc que cette surveillance puisse s’améliorer dans les années qui viennent.

 

Les reproches qui sont adressés à l’OFAS en ce qui concerne l’augmentation des rentes, sont particulièrement injustes. L’OFAS a appliqué scrupuleusement ce que lui demandait la loi et a ainsi répondu à un besoin de la société. Chacun a été satisfait, durant les années 90, de trouver une solution pour toutes les personnes malades et licenciées par les grandes entreprises en pleine restructuration, voire par la Confédération. L’OFAS a fait le mieux que l’on pouvait faire à ce moment-là. Il a appliqué la loi et refusé de livrer à la précarité les milliers d’employés laissés pour compte et jugés non reclassables par le chômage, en raison de leurs problèmes de santé.

 

Les causes de l’augmentation des rentes ne se laissent pas toutes éliminer. Il serait illusoire de croire que les mesures que nous proposons aujourd’hui pourront diminuer notablement le nombre de nouvelles rentes.

 

La cause principale est positive : c’est l’allongement considérable de la durée de vie des personnes handicapées. Cela témoigne et est la récompense des efforts que nous faisons tous les jours dans la prise en charge et les soins aux personnes handicapées.

 

La deuxième cause est corollaire de la précédente : ce sont les progrès de la médecine, qui nous permettent de prolonger la vie, de sauver des personnes qui seraient décédées autrefois, de maintenir en vie des enfants nés gravement handicapés.

 

La troisième cause, c’est le changement de société : aujourd’hui, toutes les personnes handicapées, ou presque, sont prises en charge par la société et par l’assurance invalidité. Autrefois, elles restaient dans leur famille et n’étaient pas forcément annoncées à l’AI.

 

La quatrième cause, c’est l’augmentation des maladies psychiques dues à la pression sociale et professionnelle accrue que nous connaissons depuis le début des années 90. La mondialisation s’est accompagnée d’un accroissement de la pression concurrentielle sur les entreprises. Cette pression a été répercutée sur les employés, poussés à devenir de plus en plus performants, de plus en plus rapides, de plus en plus mobiles. Les moins solides ne supportent plus cette pression et souffrent de divers troubles anxieux, phobies, dépressions, perte de confiance en soi.

 

La cinquième cause, c’est la dureté du marché du travail. Elle est liée à la précédente. Les personnes les moins performantes, en raison de leur maladie ou de leur handicap, sont licenciées et ne retrouvent plus de travail. Elles dépendent de l’assurance invalidité, même si elles ont une petite capacité résiduelle de travail.

 

Une chose est évidente : l’augmentation du nombre de rentes octroyées n’est pas dû au laxisme de l’OFAS ou à une mauvaise organisation de l’assurance invalidité. Elle n’est pas due non plus à la mauvaise volonté des assurés ou à des abus. L’augmentation des cas AI est d’ailleurs assez semblable dans l’ensemble de l’Europe. Les différences peuvent provenir plutôt de définitions plus ou moins restrictives du handicap que de différences de société ou de taux de maladie.

 

Sur trois de ces causes, il est impossible d’agir. Sur la quatrième, c’est possible.

 

Si l’on veut vraiment soigner le mal à la racine, seule la prévention des maladies psychiques et professionnelles pourrait amener à moyen terme des résultats significatifs, mais dans le domaine de la prévention, la volonté politique manque. L’OFS a pourtant mis en évidence le coût du stress en Suisse.

 

Quant à la cinquième, nous l’attaquerons dans le cadre de la cinquième révision de l’AI, des mesures de réadaptations professionnelles, de la formation et de l’aide au placement.

 

S’attaquer aux vraies causes de l’invalidité, c’est faire un pas en avant. S’attaquer aux symptômes est insuffisant.

 

C’est cela que j’aurais aussi voulu lire dans ce rapport.

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