Diagnostic préimplantatoire

Monsieur le Président, Monsieur le Conseiller fédéral,

Chers Collègues,

 

Le sujet  qui nous occupe aujourd’hui est particulièrement sensible. Il s’agit de se prononcer sur une motion, destinée à assouplir très légèrement et très prudemment l’interdiction absolue du diagnostic préimplantatoire. Bien qu’il soit très difficile de se prononcer sur un tel sujet, parce qu’il touche à notre sphère personnelle, à notre sensibilité et que les arguments pour et contre soient tout aussi valables les uns que les autres, j’ai essayé de faire un choix. Après longue réflexion et hésitation, je penche tout de même pour le oui, et cela essentiellement pour trois raisons.

 

Premièrement, j’aimerais que l’on continue la réflexion dans ce domaine et l’acceptation de la motion permet d’approfondir le sujet.  Deuxièmement, cette question est très personnelle. C’est un choix de vie qui appartient à chacun en propre. Même si je ne serai jamais amenée à devoir faire cela, je ne me sens pas le droit d’empêcher absolument les couples qui se trouvent dans une telle situation et qui voudraient le faire, de le faire, pour autant que ce soit dans des conditions très strictes et qui évitent tout abus. Troisièmement, je pense qu’un diagnostic préimplantatoire est beaucoup moins traumatisant pour la femme qu’un avortement, or l’avortement est autorisé. Si un enfant est porteur d’une maladie génétique grave, la femme n’a actuellement que le choix d’avorter, si elle ne se sent pas le courage ou la force d’affronter la maladie avec l’appui de sa famille. Or l’avortement est toujours très traumatisant. C’est une perte. C’est un deuil.

 

Ce sujet est très sensible, parce qu’il touche à la vie, à l’embryon, à ce que nous avons de plus précieux, nos enfants. Il touche à des questions trop souvent encore considérées comme des tabous dans notre société, le handicap, la différence, mais aussi la maladie et la souffrance. Les progrès de la médecine, sa capacité d’intervention, nous forcent à nous préoccuper de ces questions fondamentales. Nous ne pouvons pas en faire l’économie. Ces questions toujours plus complexes ont une influence directe sur nos choix de vie et de société

 

Un débat extrêmement délicat, dès lors qu’il  renvoie bien sûr aussi à des dimensions éthiques et théologiques et tout naturellement à des convictions très personnelles que chacun se doit ici de  respecter…

 

Comme chacun d’entre-nous, j’ai des convictions profondes.

 

D’une part, parce que moi-même j’ai porté et mis au monde des enfants. J’ai vécu les joies et les angoisses de la future mère. Je me suis posé la question de savoir si je serais capable d’affronter la venue d’un enfant différent.

 

D’autre part, je suis en contact au quotidien avec des personnes handicapées et avec leurs familles. Certaines estiment  qu’accepter le diagnostic préimplantatoire revient à nier le handicap et à vouloir que tout le monde soit parfait. D’autres estiment qu’on n’a pas le droit d’imposer à un père et à une mère l’effroyable douleur de voir son enfant, ou ses enfants, mourir dans de grandes souffrances, alors que la science leur permettrait de vivre la joie merveilleuse de mettre au monde un enfant en pleine santé.

 

Bien sûr, tout cela tient à la sensibilité de chacun, tien aux convictions de chacun et au vécu de chacun. C’est peut-être justement parce que ce choix est personnel et touche profondément ceux et celles qui doivent le faire, qu’il me semble que nous ne pouvons pas décider pour les autres. Permettre la possibilité d’un tel diagnostic, c’est laisser la liberté de choix aux parents, mais aussi, reconnaître que certains handicaps peuvent être très lourds à porter pour la personne elle-même et pour ses proches, que ce sont des situations humainement difficiles à vivre, et qu’on ne peut imposer à personne de les vivre. Chacun doit déterminer en toute conscience s’il a la force d’affronter une telle situation ou s’il ne l’a pas. Vouloir donner naissance à un enfant handicapé et ajouter à son handicap le risque de voir éclater sa famille ou d’être abandonné, n’est pas humain.

 

Il y a bien sûr un risque de dérive eugéniste. Nous nous rappelons avec horreur les pages les plus sombres de l’histoire de l’humanité. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Nous devons être intransigeants et interdire absolument tout type de sélection des embryons. Il n’y a pas d’humanité parfaite et il ne doit pas y en avoir. Comme il ne doit pas y avoir de discrimination liée au handicap. Je me bats tous les jours pour cela et je crois que notre société accepte de mieux en mieux la différence et intègre de mieux en mieux les différents handicaps. Cependant, ce risque existe. Il doit être clairement défini et strictement circonscrit. La levée de cette interdiction doit être particulièrement prudente et circonspecte. Elle doit être strictement limitée, dans son champ d’application, à des cas très particuliers, exhaustivement décrits. Nous sommes tous, ici, convaincus de l’impérieuse nécessité de placer des garde-fous solides et de soumettre cela à un contrôle sévère.

 

La raison du dépôt de cette motion réside plutôt dans le fait que l’interdiction actuelle, aboutit à des injustices et des incohérences majeures et ce en particulier pour les couples qui se savent porteurs d’une grave maladie héréditaire… A l’heure actuelle, ces couples se voient proposer un diagnostic prénatal, suivi le cas échéant, d’un avortement. Le recours à la fécondation in vitro associée au diagnostic préimplantatoire leur éviterait bien des souffrances.

 

Dès lors, une question se pose, en regard de la législation actuelle : est-il justifiable de refuser une alternative à ces couples ou a fortiori de les empêcher de donner la vie?

 

Est-il préférable, comme l’entraîne de facto la situation actuelle, de contraindre ces couples à prendre le risque d’entamer une grossesse, suivie d’un avortement, un acte médical souvent traumatisant, en particulier dans ces circonstances, alors qu’un examen préalable à l’implantation de l’embryon permettrait de mettre au monde un enfant en bonne santé ? En clair, laisser mourir un embryon dans les premiers jours qui suivent la fécondation revient à le traiter avec bien plus d’égards que d’attendre le troisième ou le quatrième mois de la grossesse, alors qu’il est déjà un fœtus bien développé, pour mettre un terme à son existence…

 

Je voudrais rappeler que la loi actuellement punit la pratique du diagnostic préimplantatoire d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Vous paraît-il opportun de criminaliser des parents souhaitant donner la vie et éviter à leur enfant un handicap traumatisant et lourd, à porter tout au long de leur existence ? La société a-t-elle le droit de décider pour ces parents ?

 

Chères collègues, il ne s’agit pas aujourd’hui de trancher définitivement une question sensible, qui appelle certainement une réflexion profonde et nuancée, mais de donner du temps au temps et d’amorcer une réflexion fondamentale. Nous pourrons nous prononcer ensuite sur le projet qui nous sera présenté et juger s’il est assez prudent et restrictif.

 

Je vous prie donc d’accepter cette motion et vous remercie de votre attention

 

tabs-top

Comments are closed.