Monsieur le Président,
Monsieur le Conseiller fédéral,
Chers Collègues,
Une chose est claire pour moi. Je veux qu’à terme, les musées suisses puissent entrer dans le 3ème cercle et acquérir une certaine indépendance. Je suis donc favorable à la création d’une fondation Musée nationale suisse.
Cela aura certes bien des avantages qu’il ne faut pas négliger. Indépendance, souplesse, adaptation au marché, possibilité de mettre à contribution des fonds privés.
Cependant, avant que nous n’en arrivions à une telle issue, le chemin à parcourir est encore long et un certain nombre de défauts graves sont à corriger. Si l’on veut faire une véritable politique des musées suisses, il faut reprendre l’ensemble du dossier, poser tous les problèmes sur la table et les résoudre. La commission en a identifié plusieurs. Ils sont de différents ordres. Les principaux touchent la cohérence, les finances, l’organisation et la gestion. Si nous créons la fondation sans avoir résolu ces problèmes, nous ne ferons que les aggraver. Je n’en relèverai ici que trois, qui me semblent déterminants.
– Le premier, c’est l’incohérence des différents musées soutenus par la Confédération. Cette incohérence est historique. Les musées ont été souvent créés par des personnes privées et ensuite légués à la Confédération, qui a accepté ces dons, souvent prestigieux, et qui doit aujourd’hui les gérer comme un ensemble disparate, par les sujets, le style, la taille, les départements et les offices concernés, etc. La Confédération gère 15 musées, dont seulement 8 font partie du Musée national suisse. Elle contribue en outre régulièrement aux frais de 8 autres musées. On ne peut parler pour le moment d’un concept muséologique. Cette répartition doit être intégrée dans une stratégie fédérale claire en matière de musées et les musées doivent être pilotés de manière coordonnée.
– Deuxièmement, le financement des musées est très lourd. L’argent manque souvent aux collectivités publiques pour assumer l’entretien et la mise en valeur des collections et les expositions. L’utilisation de l’argent de la Confédération doit être optimisée par la fixation de priorités claires.
– Troisièmement, les contributions de la Confédération sont très inégalement réparties entre les régions linguistiques et la Suisse alémanique se taille la part du lion. Cette inégalité de traitement doit faire l’objet d’une évaluation et d’une correction.
Créer une fondation dans les conditions dans lesquelles nous sommes aujourd’hui est donc prématuré.
Bien sûr, le processus sera un peu retardé. Cependant, le Conseiller fédéral nous a promis de nous soumettre un nouveau message jusqu’en mars 2007. Ce message devra tenir compte de l’ensemble des 15 musées soutenus aujourd’hui par les différents départements de la Confédération, et non plus seulement des huit musées qui sont actuellement membres du Musée national suisse.
Je comprends le souci du Musée national de Zürich, qui craint d’être freiné dans son développement par de nouveaux atermoiements et aimerait beaucoup que l’on crée la fondation immédiatement. En fait, cette crainte me paraît injustifiée.
Le dossier de l’agrandissement du musée de Zürich ne dépend pas directement de la création de la fondation. Actuellement, ce dossier est déposé et fait l’objet d’une évaluation du Conseil d’Etat zürichois, liée à des questions d’urbanisme. La balle est donc dans le camp du canton de Zürich. Dès que cette procédure sera réglée, il faudra encore trouver l’argent nécessaire à cette transformation. Et là encore, avec ou sans fondation, ce sera très difficile, car la somme est faramineuse. Même si l’extension du Musée de Zürich est souhaitable et que c’est un bon projet, comment pourrait-on trouver les 100 millions nécessaires dans la situation financière dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, même avec une éventuelle aide privée ? C’est un véritable défi. Je ne peux pas imaginer qu’une telle somme puisse être octroyée par la Confédération à un seul musée, alors qu’elle permettrait de vivre à tous les autres musées de Suisse ou à peu près, musées dont l’existence même est aujourd’hui remise en cause. La réponse n’est pas pour demain et la fondation n’apportera pas de solution à cela.
J’ajoute qu’une telle fondation ne devrait pas avoir son siège à Zürich. J’ai été active, et je le suis encore, dans diverses fondations et j’ai fait l’expérience qu’un siège à Zürich est un très grand désavantage pour une fondation dont la portée est nationale. Il est extrêmement difficile de trouver des Romands pour siéger dans les organes dirigeants et l’équilibre fédéral ne peut être assuré. Tôt ou tard, cela mène à des incompréhensions et des conflits, malgré toute la bonne volonté que l’on veut y mettre.
Les différents musées concernés ne sont d’ailleurs pas tous pressés de créer cette fondation. Prangins, en particulier, tient à ce que les questions organisationnelles soient résolues avant la création de la fondation.
Je vous prie donc de renvoyer le message du 22 novembre 2002 au Conseil fédéral pour un nouvel examen et la mise en place d’une politique des musées suisses, sur la base du rapport du DFI.