Cérémonie d’accession à la présidence du Grand Conseil, Conservatoire

070130 GC 06

Accession à la présidence du Grand Conseil, Château de Neuchâtel

Réception au Conservatoire

 

Ce que je voudrais vous faire vivre pendant quelques instants ce soir, c’est La Chaux-de-Fonds, telle que je l’aime, La Chaux-de-Fonds, ville frontière, ville ouverte sur l’Europe et sur le monde, ville de la couleur et de la convivialité et de la culture.

Cette soirée a été préparée par le conservatoire de musique. Je tiens à remercier chaleureusement tous ceux et celles qui ont participé à cette organisation pour la gentillesse avec laquelle ils ont répondu à ma sollicitation et pour l’enthousiasme qu’ils ont mis dans cette préparation. Je tiens en particulier à remercier M. Dittisheim, directeur du conservatoire de La Chaux-de-Fonds, qui nous reçoit ce soir dans ces murs, d’avoir bien voulu nous accueillir par quelques mots, ainsi que M. Michon qui a préparé le programme musical de cette soirée.

Je vous ai parlé tout à l’heure de l’une de mes passions, l’horlogerie. Je voudrais vous parler maintenant de l’autre, la musique.

Pour moi, c’est un symbole important que d’être ici au conservatoire de musique. D’une part, parce que cette salle est un témoin charmant de l’époque où La Chaux-de-Fonds était florissante. Et si le MIH marque la fin des années de gloire, la salle Faller en est le début.

Nous changeons maintenant un peu de style et nous nous trouvons dans une salle, faite de faux marbres, qui a été érigée à la gloire de la poste, et qui résonne maintenant des musiques du monde entier. Quelqu’un m’a soufflé qu’à l’époque, derrière la poste, il y avait les écuries et que maintenant, on y a mis les impôts…. Cette ancienne poste est cependant restée un symbole de l’échange et de la communication, car la musique est communication, elle est un langage universel. Une langue qui parle au coeur, à l’émotion, qui réunit dans la même salle, des gens qui viennent de continents différents, mais qui vibrent de la même manière, avec le même plaisir, aux mêmes notes, aux mêmes rythmes et vivent ensemble un moment fort.

La musique mérite d’être la seconde langue obligatoire de toutes les écoles du monde.
Paul Carvel  (Jets d’encre (180), Éd. Laetoli, 2000)

Aucun autre art ne nous accompagne tout au long de notre vie, comme le fait la musique. De la berceuse que l’on vous chantait pour vous endormir, au premier bal et jusqu’à la marche funèbre, la musique donne une tonalité à chaque instant important de notre vie.

[Les vies humaines] sont composées comme une partition musicale. L’homme, guidé par le sens de la beauté, transforme l’événement fortuit (une musique de Beethoven, une mort dans une gare) en un motif qui va ensuite s’inscrire dans la partition de sa vie. Il y reviendra, le répétera, le modifiera, le développera comme fait le compositeur avec le thème de sa sonate.

Milan Kundera  (L’insoutenable légèreté de l’être, trad. François Kérel, p.81, Folio n°2077)

Le conservatoire forme des musiciens de Neuchâtel et d’ailleurs. Pour les musiciens, et les artistes en général, le monde a toujours été un village. Ils se déplacent beaucoup pour étudier, comme pour travailler. Ils trouvent ici l’ambiance qui leur est nécessaire pour développer leur art, pour que s’épanouisse leur sensibilité, leur créativité. Le conservatoire est un carrefour des musiques du monde, un creuset dans lequel se fondent les talents et d’où sortiront les musiques de demain.

Certains resteront et enrichiront la culture de notre canton. Ceux qui s’en iront, emporteront dans leur cœur quelques notes de musique de Neuchâtel. Ils seront nos ambassadeurs.

Je voudrais maintenant consacrer quelques minutes à ce début de 20ème siècle, cette époque de l’Art nouveau, à laquelle la ville dédie cette année et qui me semble bien introduire cette soirée musicale.

J’ai choisi dans une œuvre de Jean Cocteau de 1918, « Le coq et l’arlequin » quelques aphorismes aux dimensions artistique, musicale, sociale, politique et philosophique. Cocteau était un maître dans l’art de manier le paradoxe et la subversion avec une grande élégance littéraire.

Cet ouvrage représente un moment fort de l’esthétique d’entre-deux-guerres. Il se veut manifeste d’un courant artistique dans lequel s’inscriront Picasso, Satie, Fernand Léger, Braque, Breton et en arrière-plan Stravinsky, les ballets russes, Aragon, le jazz.

Il faut que le musicien guérisse la musique de ses enlacements, de ses ruses, de ses tours de cartes, qu’il l’oblige le plus possible à rester en face de l’auditeur.

Beethoven est fastidieux lorsqu’il développe. Bach, pas, parce que Beethoven fait du développement de forme, et Bach du développement d’idée. La plupart des gens croient le contraire.

Beethoven dit:  » ce porte-plume a une plume neuve – il y a une plume neuve à ce porte-plume – neuve est la plume de ce porte-plume » ou « Marquise, vos beaux yeux… »

Bach dit: « Ce porte-plume a une plume neuve pour que je la trempe dans l’encre et que j’écrive: « Marquise vos beaux yeux me font mourir d’amour, et cet amour, etc. »

Une œuvre d’art doit satisfaire toutes les muses. C’est ce que j’appelle: « La preuve par 9 ».

Un chef-d’œuvre est une partie d’échecs gagnée échec et mat.

« Prenez garde à la peinture » disent certaines pancartes. J’ajoute. « Prenez garde à la musique ».

Attention! Soyez bien sur vos gardes, car seul parmi tous les arts, la musique vous tourne autour.

… et pour introduire cette soirée, quelques mots qui plantent le décor :

Le Band américain l’accompagnait sur les banjos et dans de grosses pipes de nickel. A droite de la petite troupe en habit noir il y avait un barman de bruit sous une pergola dorée chargée de grelots, de tringles, de planches, de trompes de motocyclette.

Il en fabriquait des cocktails, mettant parfois un zeste de cymbale, se levant, se dandinant et souriant aux anges.

Je vous souhaite une bonne soirée et  beaucoup de plaisir musical…

Mesdames et Messieurs,

 

[…] il vient dans la vie une heure […] où les yeux las ne tolèrent plus qu’une lumière, celle qu’une belle nuit comme celle-ci prépare et distille avec l’obscurité, où les oreilles ne peuvent plus écouter de musique que celle que joue le clair de lune sur la flûte du silence.

Marcel Proust  (Du côté de chez Swann, p.154, Folio n°821)

Les spécialistes de la littérature auront reconnu Marcel Proust, « Du côté de chez Swann ».

L’heure avance. Le train pour Neuchâtel est à 22h42. La soirée se termine ici, du moins pour ceux qui le désirent.

Je vous remercie de votre présence et vous souhaite un bon retour chez vous.

Pour ceux qui ont encore de l’énergie et envie de faire la fête, je vous propose de continuer la soirée de l’autre côté de la rue, à l’Heure Bleue, où je vous invite à prendre le café.

 

Bonne soirée à tous et à toutes.

tabs-top

Comments are closed.