Initiative Bénéfices de la Banque nationale pour l’AVS

L’initiative populaire Bénéfices de la Banque nationale pour l’AVS  a été déposée le 9 octobre 2002.

 

Elle demande une modification de la constitution à l’article 99, al. 4, qui attribuerait le bénéfice net de la Banque nationale au fonds de compensation de l’AVS, sauf une part annuelle d’un milliard de francs qui est versée aux cantons. La loi peut prévoir une indexation de ce montant. S’y ajoute une mesure transitoire à l’article 197, ch. 8 de la constitution qui précise que l’art 99 entre en vigueur au plus tard deux ans après son acceptation par le peuple et les cantons. Si les adaptations législatives ne sont pas intervenues à cette date, le Conseil fédéral édicte les dispositions d’exécution.

 

A l’heure actuelle, les bénéfices reversés par la BNS sont attribués pour un tiers à la Confédération et deux tiers aux cantons. A l’heure actuelle, cela représente environ 800 millions pour la Confédération et 1,7 milliard pour les cantons.

 

L’initiative « Bénéfices de la BNS pour l’AVS » a été déposée par un comité pour la sécurité AVS (COSA).

 

Le Conseil fédéral et le Parlement sont opposés à cette initiative. Le PS, évidemment, la soutient.

 

Les arguments principaux sont les suivants :

 

 

1. La Banque nationale peut se permettre de contribuer durablement à l’AVS. Actuellement l’AVS est en bonne santé. Elle a eu un excédent de 2,4 milliard en 2005. Cependant, elle aura peu à peu besoin de ressources supplémentaires, car la proportion de retraités par rapport aux personnes qui travaillent augmente gentiment. Avec les bénéfices de la Banque nationale, l’AVS aurait un à deux milliards supplémentaires chaque année, ce qui lui permettrait de faire face à ses obligations facilement.

 

Le montant moyen des bénéfices annuels de la Banque nationale se situe aux alentours de 3,3 milliards de francs. C’est le cas cette année, puisque le bénéfice au premier semestre est déjà de 1,9 milliards. En cas de OUI, le 24 septembre, un milliard reviendrait aux cantons, 0,88 milliards servirait à la constitution de réserves et environ 1,5 milliards seraient versés à l’AVS, permettant ainsi de garantir à moyen terme la bonne santé financière du premier pilier de la prévoyance sociale.

Les opposants à l’initiative, dont la BNS elle-même, affirment que les bénéfices de la BNS ne se monteront bientôt plus qu’à un milliard de francs par année. Un scénario pessimiste battu en brèche par la publication, ce vendredi, du résultat semestriel de la banque: 1,9 milliards de francs au 30 juin de cette année. Pas besoin d’être grand clerc pour pronostiquer qu’au 31 décembre, le résultat annuel devrait approcher les quatre milliards et ainsi totalement correspondre, voire même dépasser les estimations du PS.

 

 

2. La Banque nationale appartient au peuple. Elle dégage des bénéfices réguliers depuis de nombreuses années. Ces bénéfices appartiennent aussi à la population. Il est donc juste qu’ils soient versés à une assurance sociale qui profitera à l’ensemble de la population et aux cantons, qui reçoivent déjà une partie de ces bénéfices aujourd’hui.

 

 

3. L’AVS verse actuellement 30 milliards de francs par année aux retraités. Jusqu’à maintenant, Pascal Couchepin a toujours dit vouloir faire appel à la TVA pour renflouer les caisses de l’AVS le moment venu. Malheureusement pour lui, la TVA est un impôt très peu populaire et toute augmentation doit passer devant le peuple, parce qu’elle nécessite une modification de la constitution. Son projet d’augmentation de la TVA a été très largement refusé par le peuple en 2004. Nous ne pouvons pas revenir avec un projet semblable maintenant.

 

Impossible également d’augmenter les cotisations salariales. C’est un tabou pour les milieux patronaux, qui sont fort respectés au Parlement. Or une augmentation des cotisations salariales devrait être votée par le Parlement. Il est actuellement impensable que celui-ci vote une telle hausse.

 

Il n’y a donc pas d’autre possibilité de mettre à disposition de l’AVS les sommes nécessaires à couvrir ses futurs engagements que les bénéfices de la BNS. Avec cette solution, il ne serait d’ailleurs plus nécessaire d’augmenter ni la TVA, ni les cotisations salariales pour les dix prochaines années au moins. C’est plus d’argent mis à la disposition des ménages et donc de la consommation. C’est meilleur pour la croissance, or comme la croissance est une des meilleures façons de payer l’AVS, on est deux fois gagnants !

 

 

4. Ca ne coûte rien à personne : l’initiative fait bien attention à ne pas toucher à la substance de BNS, ni à sa fortune, ni à ses actifs. C’est seulement la clé de répartition du bénéfice qui change, et non pas le bénéfice lui-même. Et l’initiative évite aussi d’enlever cet argent aux cantons. C’est important pour le nôtre, dont vous connaissez la situation financière…

 

5. Donner un peu d’air à l’AVS, assurer son financement pour les quelques années à venir, c’est aussi déjouer les plans de Pascal Couchepin pour les diminutions de prestations. Après l’échec de la 11ème révision, Pascal Couchepin est en train de concocter une 11ème révision bis, où il prévoit des réductions de prestations comme l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans et une diminution de la régularité de l’indexation des rentes au coût de la vie. On ne le ferait que si les réserves sont suffisantes… Nul doute qu’il a encore bien d’autres intentions qui vont dans la même direction, mais il est prudent et a opté définitivement pour la technique du salami. Avec cette initiative, on assure la suffisance des réserves pour plusieurs années et on enlève un argument à Pascal Couchepin pour diminuer les prestations.

 

6. Cela représente un signe clair contre l’élévation de l’âge de la retraite. Car à part la 11ème révision bis et l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, Pascal Couchepin voudrait aussi augmenter l’âge de la retraite des hommes, à 66 ou 67 ans éventuellement. Pour le moment, il se contente d’encourager les gens à continuer à travailler après 65 ans ou au moins à travailler jusqu’à 65 ans, car il n’y a que 40% des gens qui travaillent jusqu’à 65 ans maintenant, en prenant des mesures qui touchent le 2ème pilier. Là aussi, on amène un argument contre cette volonté de diminuer les prestations. Pascal Couchepin a peur du facteur démographique. En réalité, la démographie suisse est l’une des plus favorable d’Europe et les conditions ne changent que très lentement. La proportion des retraités et des travailleurs est excellente en Suisse, un pour quatre. Elle diminue lentement, environ 0,2% par an et le facteur démographique n’est de loin pas le seul à influencer le compte de l’AVS, il est même très secondaire, si l’on considère le nombre d’enfants par femme. Ce qui compte le plus c’est l’extension du marché du travail et la croissance économique. Une croissance de 1,5% suffirait à couvrir les besoins de l’AVS à moyen terme.

 

Selon le choix des variables et la manière dont on les fait évoluer, les résultats peuvent être très différents. Pour faire des prévisions en ce qui concerne le rapport entre les actifs et les retraités, il faut en particulier considérer la pyramide des âges, l’immigration, la durée moyenne de la vie, la croissance économique, les gains de productivité, l’âge réel au moment de la retraite, le taux d’activité des femmes, l’âge d’arrivée sur le marché du travail des jeunes, etc.

 

Le maintien d’un bon rapport entre actifs et rentiers doit faire l’objet d’une réflexion globale et de mesures qui touchent l’ensemble de la vie et non seulement l’âge de la retraite : encourager la natalité par une politique d’aide aux familles, soutenir la croissance, favoriser l’accès des jeunes à l’emploi, faciliter le retour des femmes au travail, prévenir les atteintes précoces à la santé, freiner les retraites anticipées, etc.

 

Reculer l’âge de départ est une mesure possible, mais elle peut avoir des effets pervers, en particulier sur le chômage et sur l’AI et l’économie est relative, car il n’y a actuellement que 40% des gens qui travaillent effectivement jusqu’à 65 ans.

 

7. Tout le monde en bénéficie. L’AVS est une belle réalisation sociale, mais elle n’est pas encore tout à fait aboutie, puisque de nombreuses personnes ne peuvent pas en vivre. Cette répartition des bénéfices de l’AVS lui permet de continuer son œuvre en profitant à tous : aux personnes âgées, car elle permet de ne pas diminuer les prestations, aux actifs, car leurs cotisations ne sont pas augmentées, aux jeunes aussi, qui savent qu’un jour ils en profiteront aussi.

 

8. On a tout à gagner d’une prévoyance vieillesse stable et efficace. Si les prestations de l’AVS étaient diminuées, cela signifierait que de nombreuses personnes âgées basculeraient dans la précarité et devraient recourir aux prestations complémentaires. Pouvoir vivre décemment à un âge avancé, c’est un droit. Les personnes âgées ont payé toute leur vie pour cela. Il est normal qu’elles puissent en jouir aujourd’hui.

 

9. Les cantons toucheront quand même leur part du gâteau.

Un milliard de francs, voire plus, en fonction de l’adaptation au renchérissement, restent acquis aux cantons en cas de OUI à l’initiative AVS. Cela correspond à ce qu’ils ont obtenu lors du dépôt de l’initiative et au double de ce qu’ils ont reçu en moyenne durant les années 90.

 

Il ne faut pas non plus oublier que, l’année dernière, les cantons ont touché 14 milliards issus de la vente de l’or excédentaire de la BNS et qu’ils ont pu considérablement réduire leur dette grâce à cette manne extraordinaire.

 

Aujourd’hui, la plupart des cantons sont financièrement en bonne santé. 18 cantons ont réalisé un excédent en 2005. Ce qui est remarquable aussi, c’est que même sans les millions de l’or de la BNS, les comptes de la plupart des cantons seraient restés positifs. Les finances cantonales n’ont jamais été aussi saines depuis 20 ans. En si bonne santé qu’ils sont nombreux à vouloir réduire leurs impôts, quitte à prévoir une taxation dégressive en faveur des plus riches. Cette concurrence fiscale ruineuse ne doit pas être encouragée par le biais de versements encore plus élevés au bénéfice des cantons. Les gains excédentaires de la BNS doivent donc revenir à l’AVS.

 

Même en cas de bénéfices moins élevés, les cantons ne seront pas plus désavantagés que par le passé. La Banque nationale suisse prétend qu’à partir de l’année 2012, ses bénéfices annuels vont stagner à hauteur de un milliard de francs. Même si ce scénario pessimiste devait se réaliser, les cantons continueront à percevoir un milliard par année en cas de OUI le 24 septembre. Cela correspond effectivement à la part qui leur est réservée par l’initiative ainsi qu’à ce qu’ils ont touché au moment de son dépôt. En fonction de la clé de répartition actuelle et si l’initiative est refusée, ils percevront deux tiers des bénéfices de la BNS et donc moins que ce que leur promet l’initiative si l’on en croit les pronostics de la Banque nationale.

 

10. La BNS conserve son indépendance. Pour la BNS, un OUI à l’initiative ne change rien. Son indépendance est ancrée dans la constitution et dans la loi. Elle continuera donc à définir sa politique monétaire et les réserves qui lui sont nécessaires pour l’appliquer. La répartition des bénéfices continuera à être établie à l’aide de contrats à long terme. C’est seulement la clé de répartition qui change, comme on l’a vu précédemment.

 

 

Il y a donc de nombreux et bons arguments pour voter en faveur de l’initiative du COSA. Malheureusement, le Parlement s’en est rendu compte et s’est livré à ce que l’on pourrait appeler une sorte de chantage, en jouant les assurances les unes contre les autres. Il a voté en 2005 une sorte de contre-projet indirect à l’initiative du COSA, qui entrera en vigueur si l’initiative échoue. Il a donc décidé de verser les sept milliards de l’or de la BNS, la part fédérale de la vente de l’or de la BNS, au fonds AVS/AI, mais ceci uniquement si l’initiative du COSA est refusée. Si l’initiative est acceptée, alors l’or de la BNS sera utilisé pour diminuer la dette de la Confédération. Le problème, c’est que cet or est absolument indispensable pour payer les dettes de l’AI, qui se montent actuellement à sept milliards justement.

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