Les enjeux de l’Assurance vieillesse et survivants

Lors de sa  promenade à l’île Saint-Pierre en juin 2003, Pascal Couchepin a lancé un pavé dans la mare : il a dit que nous ne pourrions bientôt plus payer l’AVS et que nous devrions travailler jusqu’à 66 et même 67 ans.

 

L’effet d’annonce a été particulièrement réussi. Il a dépassé toutes les espérances du Département. La question de l’âge de la retraite est devenue le thème de l’été 2003.

 

La 11ème révision a été refusée par le peuple en mai 2004 et Pascal Couchepin nous a concocté une nouvelle version, la 11ème révision bis !

 

Elle est composée de deux messages : l’un sur les prestations de l’AVS et l’autre sur une prestation de préretraite, une sorte de rente pont hors AVS.

 

  1. L’âge de la retraite des femmes passera de 64 à 65 ans dès 2009, avec une économie de 558 millions pour l’AVS.
  2. Possibilité de prendre une retraite anticipée depuis 62 ans ou une demi-retraite anticipée depuis 60 ans.
  3. Possibilité d’ajourner la rente ou la demi-rente pendant 5 ans au plus.
  4. Amélioration des rentes par la prise en compte des cotisations versées après l’âge de la retraite.
  5. Adaptation des rentes selon le niveau des réserves de l’AVS (au-dessous de 70%, on adapte seulement si le renchérissement dépasse les 4% depuis la dernière adaptation).
  6. Introduction d’une prestation de préretraite, qui coûterait environ 350 millions (mais pas à l’AVS), réservée aux personnes de 62 à 65 ans à très petits revenus.

 

La prestation de préretraite

 

Cette prestation est prévue pour les revenus moyens inférieurs, qui ne peuvent pas prendre de retraite anticipée faute de revenus suffisants.

 

Comme les PC, la prestation de préretraite est une prestation versée en fonction des besoins, qui sera de ce fait réglementée dans la loi fédérale sur les prestations complémentaires.

 

Elle sera versée aux personnes de 62 à 65 ans, ayant des revenus trop faibles pour vivre sans l’AVS en prenant une retraite anticipée et n’ayant ni l’AVS, ni les PC. Cela ressemble donc à une sorte de prestation complémentaire de rechange pour personnes à la retraite anticipée.

 

Le coût de cette prestation doit être entièrement compensé par le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans.

 

On ne peut donc pas parler de flexibilisation de l’âge de la retraite. Il s’agit vraiment d’une prestation minimale.

 

 

On a renoncé à supprimer la prestation de veuve, car elle avait été une cause de l’échec de 2004.

 

A l’origine, l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes de 62 à 65 ans, devait être compensée par une flexibilisation de l’âge de la retraite pour les plus bas salaires. On avait fait 800 millions d’économie sur le dos des femmes. On devait les utiliser pour introduire une retraite flexible accessible à tous et à toutes, mais la droite n’a pas tenu ses promesses et la 11ème révision a été refusée par le peuple, ce qui montre que le peuple n’est pas prêt à accepter des diminutions de prestations dans l’AVS.

 

La 11ème révision bis boucle avec un petit sucre, la prestation de préretraite, et diminue à nouveau les prestations, en particulier l’âge de la retraite des femmes et le rythme d’adaptation des rentes.

 

Beaucoup pensent qu’il est évident que la population vieillit, que les personnes âgées coûtent cher, que nous ne pourrons bientôt plus payer l’AVS pour tout le monde et que les prestations doivent donc diminuer. Ils se sont engouffrés dans cette porte ouverte sans se demander si c’était vrai. Or, ce n’est pas aussi évident que cela paraît. Les évaluations en matière de développements démographique ou économique sont toujours sujettes à discussion et en particulier dans ce cas.

 

L’art des prévisions

 

Quand on fait des prévisions, on se fonde toujours sur des hypothèses et évidemment, les résultats seront très différents selon les hypothèses que l’on aura choisies.

 

Par exemple, pour l’AVS, on peut prendre en considération les variables suivantes :

 

  1. Le nombre de naissances par femme et la pyramide des âges
  2. L’importance de l’immigration
  3. La durée moyenne de la vie
  4. La croissance économique
  5. Le chômage
  6. L’âge réel au moment de la retraite
  7. le taux d’activité des femmes, l’âge d’arrivée sur le marché du travail des jeunes, les rendements des placements ou les gains de productivités jouent aussi un rôle important, mais nous n’avons pas le temps de tout détailler aujourd’hui et nous ne verrons donc que quelques-unes de ces hypothèses.

 

D’abord, il faut faire une remarque : la Suisse à moins de problème de vieillissement que les autres pays industrialisés. A l’heure actuelle, nous avons un retraité pour 4 actifs. Il y en aura peut-être un pour 3 en 2020. C’est difficile à prévoir, car ce rapport entre actifs et retraités dépend de nombreux facteurs, cependant, les prévisions pour notre avenir semblent plus optimistes que dans les autres pays de l’OCDE.

 

On se réfère souvent au vieillissement de la population et on en fait une évidence. La durée moyenne de la vie a beaucoup augmenté au 20ème siècle. Elle est actuellement d’un peu plus de 80 ans. Si on extrapole cette courbe, on arrive effectivement à une proportion de personnes âgées très élevée. Cependant, rien ne prouve que cette courbe ne s’aplatira pas et il n’est pas vraisemblable que les progrès de la médecine nous permettent d’arriver tous et toutes jusqu’à 100 ans. Les prévisions du DFI, qui choisit des moyennes de 85 et 90 ans sont très optimistes et augmentent considérablement la proportion de retraités par rapport aux actifs.

 

Les naissances sont peu nombreuses, c’est vrai : 1,2 enfant par femme en moyenne. C’est le cas depuis longtemps. Cela ne suffit pas à renouveler la population. C’est sans doute une indication que nous devrions faire une politique familiale plus incisive. Cependant, cette variable n’est pas déterminante du tout, même si elle est souvent invoquée, car malgré cela, la population suisse augmente…

 

Elle augmente à cause de l’immigration bien sûr. L’immigration est aléatoire, mais dépend de la quantité de travail disponible, donc en grande partie de la croissance. L’immigration présente même un avantage : nous disposons de forces de travail étrangères dont nous ne devons pas payer la formation. Ce sont nos voisins qui paient la formation de notre main d’œuvre… C’est donc, en fait, plus avantageux que de faire des enfants nous-mêmes !

 

En revanche, en ce qui concerne la croissance, le DFI manque souvent d’optimisme, car il prévoit une croissance économique de 1,5%, puis 0,7%, puis 0,5%. C’est très faible. Beaucoup plus faible que la moyenne européenne et beaucoup plus faible que ce qui nous est annoncé pour cette année. Et surtout, c’est imprévisible à moyen terme… et ce n’est pas innocent, car la croissance a une importance déterminante. L’AVS est prélevée sur les salaires. Quand il y a croissance, il y a augmentation de la masse salariale et donc augmentation des revenus de l’AVS.

 

Si on y ajoute les revenus de la fortune de l’AVS et les autres variables qui ne sont pas prises en compte, on s’aperçoit que la situation de l’AVS n’est pas aussi précaire que ce que l’on pourrait croire.

 

Mais, ayant fait des constatations pessimistes, le DFI propose d’y remédier en diminuant les prestations et en augmentant l’âge de la retraite. Or l’augmentation de l’âge de la retraite ne serait peut-être pas une économie aussi importante qu’il n’y paraît. Pour calculer l’économie que cela représente, il faut tenir compte du fait que 40% seulement des gens travaillent jusqu’à 65 ans. Il n’y aura donc pas tout le monde qui ira au-delà non plus. En outre, il y aura un report sur le chômage. Si on travaille plus longtemps, on risque d’augmenter le nombre de chômeurs, car on ne permet pas aux jeunes d’arriver sur le marché du travail. Il y aura aussi un report sur l’invalidité, car les risques d’invalidité augmentent considérablement avec l’âge.

 

L’AVS n’a donc pas de problème de financement à court terme.

 

A long terme, il faudra trouver de nouvelles sources de financement. Il y en a deux principales qui sont possibles : les cotisations salariales et la TVA, or les deux se trouvent actuellement dans l’impasse. Nous l’avons vu tout à l’heure. Nous n’aurons pas trop des quelques années que nous avons devant nous pour trouver une solution acceptable par le Parlement et par le peuple.

 

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