Stratégie contre la pauvreté

Monsieur le Président,

Monsieur le Conseiller fédéral,

Chers Collègues,

 

Dans le canton de Neuchâtel, 9000 personnes ont recouru à l’aide sociale en 2005, soit 5,4% de la population. 20% sont non actives, en formation ou en attente de rente AI, 50% sont sans travail, mais en cherchent. Les derniers 30% comprennent les salariés, qui ne gagnent pas suffisamment pour faire vivre leur famille. 15% sont des jeunes, dont plus de la moitié sont sans formation. Les femmes élevant seules leurs enfants et les familles nombreuses sont souvent concernées par la pauvreté, de même que les étrangers, mal formés et mal intégrés. Nous ne parlons pas bien sûr des pauvres non répertoriés, des sans voix, sans droits et sans papiers, dont la misère est encore plus criante.

 

Nous avons besoin d’une stratégie globale de lutte contre la pauvreté, parce que la pauvreté n’est pas un phénomène simple. Les formes de pauvreté sont nombreuses et diverses. Les causes sont multiples. Il faut les attaquer à la base, chacune pour elle-même. Il faut donc un bouquet de mesures de lutte contre la pauvreté, qu’on pourrait regrouper dans une stratégie globale. Notre commission sœur du Conseil national a mis le doigt sur une évolution très inquiétante et je crois que nous devons aussi participer à cette réflexion et adopter cette motion. La commission l’a d’ailleurs adoptée sans discussion.

 

300000 personnes vivent de l’aide sociale en Suisse. Ca signifie que toutes ces personnes n’arrivent pas à vivre sans l’aide de l’Etat et doivent se contenter du minimum vital. Ce qui est très inquiétant, c’est que de nombreuses personnes deviennent des habitués de l’aide sociale, et n’en sortent plus, or l’aide sociale avait été prévue au départ pour des situations de détresse temporaire. Cette détresse devient maintenant de plus en plus souvent de longue durée.

 

Inquiétant aussi un nouveau phénomène : l’aide sociale concerne de plus en plus souvent les jeunes, des jeunes qui n’ont pas de formation, qui n’ont pas de projet, qui sont plus ou moins rejetés par la société, ne trouvent pas de travail et perdent confiance en eux et en leur avenir.

 

De nombreuses jeunes familles sont également atteintes par la pauvreté. Avoir des enfants est aujourd’hui un facteur de risque. On a plus de risque d’être pauvre avec des enfants que sans enfants. Nous avons bien sûr amélioré la situation dans ce domaine en votant l’assurance maternité, les allocations familiales et l’aide à la création de crèches entre autre, mais nous pouvons encore améliorer la situation.

 

Les familles monoparentales sont les plus touchées par la pauvreté. Ce sont souvent de jeunes femmes, qui élèvent seules leurs enfants, travaillent à temps partiel, avec des salaires féminins, c’est-à-dire trop bas. L’augmentation des crèches les aideront, pour autant qu’elles ne soient pas trop chères. La question des salaires féminins, en revanche, est un casse-tête en soi. Il faut trouver des solutions, de même que pour la question des pensions alimentaires non payées, qui est aussi une source importante de pauvreté pour les familles monoparentales.

 

Les travailleurs pauvres forment une catégorie pour laquelle il faut aussi chercher de nouvelles solutions. Ils sont de plusieurs sortes : soit des personnes non qualifiées, ou qui ont été longtemps au chômage, ou qui   doivent accepter des petits boulots non rémunérateurs, ou encore une nouvelle catégorie : les personnes qui se mettent à leur compte et ne trouvent pas suffisamment de travail pour pouvoir en vivre ou qui ont trop investi pour pouvoir le rentabiliser.

 

En ce qui concerne les personnes âgées ou handicapées, la rente et les prestations complémentaires suffisent en règle générale. En revanche, l’augmentation des refus de rentes dans l’AI, reporte le problème sur l’aide sociale, avec une forte paupérisation d’une population malade et souvent incapable de travailler, ou susceptible de n’occuper que des emplois à temps partiel, précaires et mal rémunérés. Il y a là création d’une nouvelle catégorie de très pauvres, en particulier avec l’invention des revenus hypothétiques, c’est-à-dire du calcul de la rente en fonction d’un revenu que la personne ou que son conjoint devrait pouvoir obtenir, mais qu’en réalité il n’obtient pratiquement jamais. C’est une source non seulement de pauvreté, mais de détresse. La suppression brutale de la rente pour des personnes qui ont déjà 55 ou 60 ans, après des années et des années d’invalidité, mène inévitablement à une grande pauvreté. La pratique actuelle des offices AI, qui est beaucoup trop sévère, est en train de créer de nouvelles sortes de pauvretés et de détresses.

 

Les études qui ont été demandées par la CSSS-N sont très intéressantes, parce qu’elles font le point de la situation dans les cantons et donnent déjà des pistes qui vont être explorées dans le domaine de la collaboration interinstitutionnelles par exemple, avec le nouveau projet MAMAC. La collaboration interinstitutionnelle peut en effet être nettement améliorée, en évitant que plusieurs services ne s’occupent de la même personne ou se renvoie une personne sans s’en occuper.

 

Toute le monde s’accorde pour dire que les systèmes mis en place doivent être incitatifs et pousser les gens à travailler, mais quand il n’y a pas suffisamment de travail non qualifié, que faut-il faire ? Il y a deux solutions : soit on fait tourner le travail, comme c’est le cas avec les ateliers de chômeurs en fin de droit, qui travaillent 6 mois et laissent ensuite leur place à un autre, soit on crée un deuxième marché de l’emploi, qui présente d’ailleurs aussi quelques inconvénients.

 

J’aimerais encore attirer votre attention sur une pauvreté que nous côtoyons tous les jours et qui est humainement inadmissible, c’est celle de toutes les personnes qui ne sont soutenues par aucune assurance sociale, ni par l’aide sociale. Ce sont des dizaines de milliers de personnes qui vivent chez nous, sans nom, sans existence légale, sans assurance maladie, sans soutien d’aucune sorte, les clandestins. Leur nombre va certainement augmenter encore avec la nouvelle Loi sur les étrangers.

 

Notre pays ne doit pas connaître à nouveau la pauvreté qu’il a connue au début du 20ème siècle. Maintenant que nous voyons cette évolution, nous devons réagir et trouver des solutions. Nous en avons les moyens.

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