Soweto, 30 ans après

Il y a trente ans l’Apartheid vacillait. Une manifestation pacifique de lycéens, à Soweto, déclenchait le processus qui allait désintégrer le régime sud africain de l’Apartheid. J’ai encore en mémoire ces jours difficiles où le monde à basculé.

Ce 16 juin 1976 est une date majeure de l’histoire contemporaine. Nous avons vu sur les télévisions du monde entier le cortège, fort de 20’000 adolescents non armés, pacifiques, mais résolus, descendus dans la rue pour protester contre un décret imposant l’afrikaans. Nous avons vu l’extrême brutalité de la police, tirant à balles réelles sur ces jeunes et les émeutes qui s’ensuivirent, dans d’autres villes du pays, faisant plus de 500 morts et des milliers de blessés.

Que peut-on tirer de ces événements ? Premièrement, c’est une leçon de courage donnée par la jeunesse, qui par sa détermination et au péril de sa vie, a redonné espoir et vigueur à la population noire, dont la lutte avait fini par faiblir, étouffée par la répression terrible exercée par le régime de l’Apartheid.

La deuxième leçon, c’est que par la force de leur volonté, ces jeunes gens et ces jeunes filles ont contribué à renverser une terrible dictature, indigne du 20ème siècle. Cela démontre le pouvoir de ceux qui veulent changer le monde.

Aujourd’hui encore, les jeunes ont ce pouvoir de changer le monde. Ils ont ce pouvoir, parce qu’ils ont l’énergie de faire, la force de la conviction, l’idéalisme de la jeunesse et la volonté d’agir.

Ils l’ont parce qu’ils portent un regard critique sur le monde que nous leur laissons. Ne nous en voulez pas trop ! Nous avons essayé de faire de notre mieux. Nous avons atteint quelques-uns de nos objectifs, mais nous vous laissons aussi bien des problèmes que nous n’avons pas su ou pas pu résoudre. Ce sera à vous de les résoudre.

Nous vous laissons des problèmes sociaux : la courbe démographique n’est pas encore maîtrisée, l’esclavage n’est pas complètement éradiqué, la traite des êtres humains continue, tout le monde n’a pas accès à l’éducation et à la santé, on meurt encore beaucoup trop tôt dans de nombreux pays.

Nous vous laissons des problèmes économiques : plus de la moitié de l’humanité souffre de pauvreté, des milliers de familles ne mangent pas à leur faim, n’ont pas suffisamment d’eau à disposition, les échanges nord-sud sont injustes et inégaux.

Nous vous laissons des problèmes écologiques graves : les ressources naturelles diminuent à un rythme élevé, le climat est perturbé, les déserts avancent, les eaux des océans ne sont plus très pures, l’air est pollué, des hectares et des hectares sont irradiés,  de nombreuses espèces disparaissent chaque jour.

Mais grâce aux jeunes de Soweto, nous vous laissons aussi une certitude : ce que vous voudrez obtenir vraiment, vous l’obtiendrez. Ce que vous voulez vraiment faire, vous le ferez.

Il faut d’abord répertorier les problèmes, ensuite chercher des solutions, confronter les idées et les mettre en pratique. Au fond, c’est tout simple.

Nous vous laissons aussi quelques pistes de réflexion.

Il y a une chose que l’on peut retenir, c’est le slogan : penser globalement, agir localement. C’est une des choses les plus intelligentes que l’on ait jamais dite.

On ne peut pas faire autrement aujourd’hui que de penser globalement. On ne peut plus ignorer que ce que nous faisons ici a des répercussions sur toutes les autres parties du monde. Le monde est devenu un village. Il doit être pensé et organisé comme un village.

L’air que nous polluons ici sera en Afrique demain. Le cacao, que nous achetons trop bon marché ici, maintient les paysans sud-américains au-dessous du seuil de pauvreté. Je ne parle pas des tapis que nous achetons ici et qui sont noués en Orient par des enfants, qui par conséquent ne vont pas à l’école.

Toute l’économie mondiale est interconnectée. Si nous parlons économie, nous devons réfléchir globalité. Nous devons prendre conscience que chacun de nos actes de consommateur ou de producteur a des conséquences sur des êtres humains à l’autre bout de la planète.

Nous avons perdu la notion de l’économie locale. Nos pommes viennent d’Afrique du Sud, nos T-shirt de Corée, nos montres sont assemblées en Thaïlande et pour toutes ces raisons, nous n’avons plus de contacts avec les gens qui vivent autour de nous.

De nouveaux modèles économiques sont en train de naître. Ce sera à vous de les développer, de réfléchir à l’accroissement du bien-être des êtres humains, de tous les êtres humains d’aujourd’hui et de demain, d’ici et d’ailleurs sans épuisement des ressources, sans pollution de l’environnement.

C’est pour cela que l’ONU a créé la notion de développement durable, qui sera certainement la notion économique majeure du 21ème siècle.

C’est pour cela que des milliers de mouvements différents dans le monde sont en train d’inventer, de tester des nouveaux modèles économiques, tous plus ou moins en relation avec la notion de développement durable : depuis les avocats qui tentent d’introduire des clauses sociales et environnementales dans les contrats de l’OMC jusqu’aux altermondialistes, qui reconstituent les liens urbains en créant des économies locales, dites sociales et solidaires, où l’on achète et l’on vend avec des monnaies locales.

Peut-être aurons-nous l’occasion d’en reparler tout à l’heure.

C’est pour cette raison que dans la foulée altermondialiste, l’idée est venue de relocaliser l’économie. Pour ce faire, une seule solution : payer en monnaie locale, une monnaie valable seulement sur le territoire d’une commune et qui ne peut être changée. Cela signifie qu’il faut acheter à ses voisins et vendre à ses voisins aussi, si l’on veut pouvoir utiliser la monnaie locale. C’est la base des systèmes d’échange locaux. Qui aurait dit, quand ils sont apparus dans les années 90 au Canada qu’ils auraient un tel retentissement.

En fait ils se sont répandus à travers tout le Canada, puis le Royaume Uni. Ils ont atteint la France, qui en compte actuellement plusieurs centaines. Ils arrivent en Suisse romande. Nous en comptons déjà trois dans le canton de Neuchâtel, le SEL des rives à Neuchâtel, le SEL vaudrusien, qui a des batz, et le SEL Chaux-de-Fonds, où nous payons en picaillons… Le SEL, c’est vraiment une économie parallèle. Les objets et les services se paient tout à fait normalement. Chacun a un compte à la banque qui est crédité ou débité quand il vend ou achète quelque chose.

Les SEL ont un double objectif : économique : remettre dans le circuit économique des personnes qui sont exclues du circuit ordinaire faute de moyens ; social : recréer des liens entre les personnes qui habitent le même endroit.

C’est une idée toute simple, mais c’est une idée qui s’appuie sur une analyse économique et sociale globale et qui tente d’apporter des solutions à des problèmes repérés.

Ce n’est qu’un exemple. A vous d’avoir de nombreuses nouvelles idées.

 

http://www.snf.ch/NFP/NFP42+/index.html (l’intégralité du rapport de l’historien G. Kreiss et de la commission d’enquête Suisse et Apartheid)

 

 

 

 

 

 

 

C’est le cas de l’actuel conseiller fédéral Christophe Blocher, selon un rapport officiel, commandé par la Confédération et rédigé par l’historien Georges Kreis…  

En restant à l’écart des sanctions internationales contre l’Afrique du Sud, la Suisse a longtemps soutenu le régime d’Apartheid. Exportations d’armement, maintien des échanges économiques, transactions nucléaires secrètes, échanges soutenus entre les services secrets des deux pays: la Suisse a rendu plus de services au régime de l’Apartheid qu’on ne le supposait jusqu’ici.

 

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