Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infraction (LAVI)

Monsieur le Président,

Chers Collègues,

 

Si cette révision de la loi apporte quelques innovations intéressantes, elle pose cependant un problème important à l’art. 23, al. 2. C’est pourquoi je vous propose de supprimer cet art. 23, al. 2.

 

Les Centres LAVI sont inquiets de cette modification du droit. Si l’on peut comprendre le souci qui a conduit à cette limitation des indemnisations des victimes, il faut affirmer ici que ce souci n’est pas fondé. Les tribunaux se sont toujours montrés très raisonnables et les indemnités versées sont faibles, alors que nous n’avons pas de limitation actuellement. Il n’y a donc pas de raison de penser que la pratique devrait changer. Nous n’avons pas à craindre de dérapage.

 

En revanche, en fixant dans la loi les limites d’indemnisation, nous limitons le pouvoir de décision des tribunaux et nous les empêchons de tenir compte d’un éventuel cas exceptionnel et particulièrement problématique, où le tort serait excessivement grave, ce qui est contraire à l’intérêt de la victime.

 

Les plafonds proposés dans cette loi sont assez bas, en particulier les plafonds des sommes attribuées aux proches des victimes. Cela risque de tirer l’ensemble des indemnités vers le bas. Si les tribunaux doivent réserver les sommes les plus proches des plafonds aux victimes qui ont subi des torts très graves, ils seront obligés aussi de différencier leurs décisions et d’octroyer des sommes très petites dans les cas les moins graves.

 

Or il ne faut pas oublier que la réparation du tort moral a un sens psychologique important. Il doit permettre à la victime de sentir que le dommage qu’elle a subi est reconnu et que justice lui est rendue. Il y a là une valeur symbolique non négligeable : une valeur de reconnaissance du tort et un rétablissement du sentiment de justice. Cependant, lorsque la somme à disposition est ridicule par rapport au tort subi, ce double symbole ne peut plus jouer ce rôle. A l’injustice subie, s’ajoute une deuxième injustice, le sentiment que l’Etat se moque de la victime et la réparation ne peut plus avoir lieu.

 

En ce qui concerne le plafond encore plus bas des sommes attribuées aux proches de la victime, il fait fi de la réalité. Dans la réalité, les proches de la victime peuvent être gravement lésés. Ce n’est pas toujours le cas, mais il faut tenir compte que ça peut l’être relativement souvent. Le handicap ou la mort d’un enfant, par exemple pèse très lourd sur la vie quotidienne de ses parents. L’enfant est certes la victime directe, mais le tort causé aux parents peut être quasiment aussi important.

 

La difficulté de fixer des plafonds et la difficulté de justifier aussi des plafonds différenciés entre les victimes directes et indirectes, me fait préférer un traitement de ce problème par les tribunaux au cas par cas. Seuls les tribunaux peuvent apprécier chaque cas, chaque tort causé et fixer avec une certaine validité l’ampleur du tort subi et de la réparation  nécessaire. Il faut qu’ils puissent le faire en toute liberté et qu’ils puissent répondre à tous les cas, même les plus graves, et surtout les plus graves, par un dédommagement adéquat.

 

C’est pourquoi je vous prie d’approuver ma proposition et de supprimer l’al. 2 de l’art. 23.

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