Remise de médicaments et avantages financiers retirés par le prescripteur

Ma motion vise à améliorer la sécurité du patient, l’économicité et la transparence lors de la remise de médicaments.

 

Il s’agit d’améliorer la sécurité du patient en délimitant clairement les attributions des médecins et des pharmaciens. Le médecin n’est pas pharmacien. Il est formé pour poser un diagnostic et non pas pour délivrer des médicaments. Il n’a pas les connaissances nécessaires pour pouvoir vérifier l’effet de ce qu’il remet sur la santé des patients, et en particulier, les interactions. La vérification par une personne, qui a reçu une formation adéquate, est indispensable dans de nombreux cas. Si cette vérification n’est pas nécessaire, alors pourquoi a-t-on inventé le métier de pharmacien et les études qu’il faut faire pour pouvoir délivrer des médicaments ?

 

Il s’agit aussi d’améliorer l’économicité en évitant la tentation de prescrire un médicament cher plutôt qu’un autre meilleur marché ou la tentation de prescrire plusieurs médicaments plutôt qu’un seul. D’ailleurs, l’économicité peut également jouer en faveur de la santé du patient, à qui on doit prescrire le médicament dont il a besoin, en toute indépendance, et non pas un ou des médicaments, plus chers,  dont il n’a pas besoin, mais qui permettraient un bénéfice plus intéressant. Les prescriptions abusives sont certes implicitement interdites, mais il n’est pas facile de contrôler qu’une prescription est abusive et le risque de dérapage est grand s’il y a incitation à en faire.

 

Il s’agit enfin d’améliorer la transparence en annonçant les avantages et les rabais que l’on obtient des fournisseurs et en les répercutant au moins partiellement sur ceux qui achètent la prestation, que ce soient les patients ou les assureurs. Par souci de pragmatisme, je demande seulement une répercussion partielle et transparente, de manière à inciter quand même les partenaires à offrir des rabais.

 

 

La suppression des incitations à prescrire plus de médicaments ou des médicaments plus chers et la transparence concernant les rabais obtenus et leur répercussion, ont une influence directe sur la facture finale. Elles doivent permettre de faire pression sur les prix des médicaments vendus et sur la quantité de médicaments vendus.

 

La dispensation médicale est bien la forme d’influence la plus directe: le médecin peut décider de prescrire le médicament sur lequel il gagne le plus et la quantité à donner au patient et il facture le tout à l’assurance! Elle doit donc être limitée de manière beaucoup plus sévère que maintenant. Elle ne devrait être possible que dans les villages les plus reculés et dans le cadre d’actes médicaux nécessaires, comme des piqûres effectuées au cabinet.

 

Il ne doit plus être possible non plus de passer par un grossiste qui reçoit les rabais à la place des médecins pour échapper à l’obligation de répercuter ces rabais.

 

Ce qu’il faut, c’est :

 

1. garantir que le médecin prescrive sans y être poussé par l’intérêt,

 

2. qu’il prescrive sans être poussé par l’intérêt à prescrire un médicament plutôt qu’un autre

 

3. qu’il prescrive sans avoir intérêt à atteindre un volume ou un chiffre d’affaires auprès d’un fournisseur (ce qui est le cas s’il est actionnaire d’un grossiste pharmaceutique ou s’il reçoit une rétribution par ligne de prescription), cas qui n’a pas été évoqué jusqu’à maintenant, mais qui est bien réel, puisque les tentatives de diminuer les prix sont souvent compensées par une augmentation des volumes.

 

Dans sa prise de position, le Conseil fédéral indique qu’ actuellement « il est interdit d’accepter ou de solliciter des avantages matériels, sauf exceptions précisées par la loi ». C’est bien là que le bât blesse : les exceptions en question ne sont justement pas précises. Qu’est-ce qu’ « rabais usuel dans le commerce et justifié économiquement » ? Si un médecin reçoit un CHF 5.- par ligne de prescription, peut-on considérer cela comme justifié économiquement ? C’est plus que douteux ! Et pourtant, c’est toléré…

 

Le seul cas où l’on peut considérer que le médecin est indépendant par rapport à une prescription, c’est quand il ne gagne rien à prescrire, comme dans les cantons latins et comme dans le reste du monde!

 

Selon l’OCDE, « Les politiques cantonales qui autorisent les médecins à délivrer des médicaments ne peuvent se justifier par des raisons d’accès aux soins et de santé publique. En fait, ces politiques incitent les médecins à faire des prescriptions excessives et elles ne sont pas un encouragement à délivrer des génériques bio-équivalents meilleur marché. A cet égard, la Suisse est un cas unique comparée aux autres pays de l’OCDE où les médecins ont interdiction de délivrer des produits pharmaceutiques, excepté dans un très petit nombre de régions où l’accès à une pharmacie est extrêmement difficile, ce qui permet de faire des économies et n’a aucune conséquence préjudiciable pour les patients. Une alternative possible à l’interdiction faite aux médecins de délivrer des médicaments pourrait être la modification des systèmes de paiement pour faire en sorte que les médecins ne tirent aucun profit de la délivrance de produits pharmaceutiques. »

 

Aux USA, le médecin a le droit de remettre des médicaments seulement s’il ne gagne rien. En d’autres termes, les médecins américains ne remettent pas de médicaments !

 

La Suisse romande, où la dispensation médicale est interdite par le droit cantonal, s’inquiète beaucoup de cet état de fait et craint que ces pratiques ne lui soient imposées, ce qui ne manquerait pas d’avoir des répercussions sur la qualité des soins et sur les coûts de la santé.

 

La Conférence romande santé-social tient à ce que l’on légifère rapidement dans ce domaine. Elle estime que, je cite, « le partage des compétences entre la Confédération et les cantons doit permettre une interdiction claire des accords entre personnes habilitées à prescrire (en particulier médecins et chiropraticiens) et acteurs agissant sur leur mandat (laboratoires, instituts de radiologie, pharmacies) assurant des avantages matériels réciproques (compérage) nécessitant une influence sur les patients quant au choix de leurs fournisseurs. Il sera veillé en particulier à exclure que de telles pratiques puissent être imposées aux cantons qui n’en veulent pas, par le truchement de la Loi sur le marché intérieur. » Fin de citation

Pour éviter cela, il faut ancrer dans le droit fédéral une norme applicable contre le compérage. Je ne précise pas dans quelle loi cela devrait se faire. Il y a trois lois qui pourraient être concernées : la LPTh, art. 33 ; la LAMal, art. 37, al. 3 et art. 56, al. 3 ou la LPMéd à l’art. 40.

 

Je vois une certaine contradiction dans le fait que le Conseil fédéral dise que l’on pourra aborder cette question dans le cadre de la révision de la LPTh, mais ajoute un peu plus loin, qu’il ne voit « aucun besoin de légiférer au niveau fédéral ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment peut-on s’en tenir à une telle conclusion, alors que M. Couchepin lui-même dénonce les pratiques de Helsana concernant l’achat de médicament par correspondance, que la Suisse romande s’inquiète, que la CRASS demande de légiférer rapidement et que l’OCDE et l’OMS dénoncent ces pratiques uniques au monde et nous blâment ?

 

 

 

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