Réception de la Commission fédérale des étrangers

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

 

J’ai le plaisir de vous saluer au nom des autorités neuchâteloises et de vous souhaiter la bienvenue dans notre canton.

 

Je suis heureuse de pouvoir vous accueillir ce soir, ici à Neuchâtel, car je sais le travail important, que vous faites dans le domaine de l’intégration des étrangers. Ici, à Neuchâtel, nous sommes très conscients de l’importance de ce travail, car notre canton a été à plusieurs reprises pionnier dans ce domaine.

 

Pionnier, il l’a été en 1848, lorsqu’il a accordé le droit de vote aux étrangers sur le plan communal, pour les remercier d’avoir participé à la révolution neuchâteloise. Il faut cependant relever que le droit de vote a été modifié à de nombreuses reprises pendant les années qui suivirent. Il a été supprimé de 1861 à 1874, puis réintroduit, en 1874, en même temps que l’éligibilité au niveau communal. Nous avons donc déjà connu l’éligibilité des étrangers dans notre canton de 1874 à 1888. On peut se rendre compte ainsi de l’ouverture dont ont fait preuve les Neuchâtelois de la fin du 19ème siècle. Après 1888, la situation est redevenue plus tendue. Le droit de vote a été maintenu, mais l’éligibilité a été restreinte à certaines commissions, en particulier les commissions scolaires.

 

Le droit de vote au plan cantonal a été quant à lui introduit par la nouvelle constitution de 2000.

 

Actuellement, le canton de Neuchâtel reconnaît donc le droit de vote, mais pas d’éligibilité, aux niveaux cantonal et communal aux étrangers au bénéfice d’un permis d’établissement. Il accorde en outre l’éligibilité aux étrangers dans les commissions scolaires et dans certaines autorités judiciaires: les représentants des employeurs et des employés dans les tribunaux de prud’hommes, des locataires et des bailleurs dans les autorités de conciliation, les assesseurs dans les autorités tutélaires et les jurés dans les tribunaux.

Est éligible au niveau judiciaire tout étranger majeur, habitant le canton, bénéficiaire d’un permis d’établissement. En outre les jurés doivent parler correctement le français.

 

Nous voulons aujourd’hui faire un pas de plus dans cette direction.

 

Une initiative populaire « pas de démocratie au rabais – initiative pour le droit d’éligibilité des étrangers » a abouti et demande le droit d’éligibilité des étrangers sur le plan communal et cantonal. Elle avait été lancée par des organisations d’étrangers et soutenue par des organisations neuchâteloises et des partis, montrant déjà par là que ces étrangers étaient bien intégrés dans notre canton et avaient les relais nécessaires pour lancer et faire aboutir une initiative populaire. Elle a été déclarée recevable par le Grand Conseil en 2004.

 

Le Conseil d’Etat a préparé un contre-projet, qui propose l’éligibilité au plan communal seulement. Le Conseil d’Etat a fait cette proposition pensant que la population n’était peut-être pas mûre pour accepter le droit de vote au plan cantonal dès maintenant et a voulu éviter que tout ne soit perdu. Il a estimé que le droit de vote au plan communal pouvait passer, mais doutait que ce droit ne passe au niveau cantonal.

 

Il faut dire que la consultation menée auprès des communes neuchâteloise a révélé des positions très nuancées sur la question. Sur 52 communes qui ont répondu, 10 seulement sont totalement favorable à l’initiative et 17 sont contre, 2 s’abstiennent.

 

31 sont favorables à l’éligibilité dans les législatifs communaux et 20 dans exécutifs communaux.

 

35 sont contre l’éligibilité au Conseil d’Etat et 31 sont contre l’éligibilité au Grand Conseil.

 

On peut remarquer que les grandes communes sont en général plus favorables à l’éligibilité que les petites.

 

Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds se prononcent en faveur de l’éligibilité dans toutes les instances législatives, exécutives et judiciaires cantonales et communales.

 

Le Grand Conseil a délibéré et recommandé de voter oui à l’initiative populaire, qui passera devant le peuple le 17 juin prochain.

 

Le Grand Conseil a aussi accepté le contre-projet du Conseil d’Etat, mais l’UDC a lancé un référendum sur cet objet, estimant qu’il est électoralement porteur. Le référendum a abouti de telle sorte que cet objet sera aussi proposé au vote du peuple le 17 juin prochain.

 

Ce qui est intéressant de relever, c’est que les étrangers ayant le droit de vote au plan cantonal, pourront voter sur cet objet. Le feront-ils ? Ce sera aussi une manière pour eux de montrer s’ils s’intéressent à ce qui se passe dans leur canton de domicile et s’ils sont prêts à assumer ce nouveau droit d’éligibilité !

 

Une chose est certaine, c’est que cet objet est clairement accepté par la gauche, clairement refusé par l’UDC, mais qu’il divise douloureusement les partis de droite.

 

Si les radicaux sont majoritairement favorables à l’éligibilité au plan communal, ils sont dubitatifs, voire opposés, en ce qui concerne le plan cantonal.

 

Les libéraux quant à eux, sont totalement opposés à l’éligibilité au plan cantonal et très partagés pour ce qui est du plan communal. Leur assemblée, qui a eu lieu le 3 mai dernier a révélé une opposition dure entre deux ailes, presque égales : une aile dure, proche de l’UDC, qui estime que l’intégration passe par la nationalité, qui seule peut ouvrir le droit à l’éligibilité, et une autre aile, plus centriste, qui estime que l’intégration passe par la participation à la vie politique et associative locale, sans que la nationalité soit déterminante, dans un monde où on vit au rythme de la libre circulation des personnes. Ce qui compte c’est que l’on habite ici et non pas la nationalité que l’on a.

 

Le congrès libéral a finalement voté par 22 voix contre 27 contre l’éligibilité au plan communal. La liberté de vote a aussi été repoussée. Le parti libéral fera donc campagne contre l’éligibilité, aux côtés de l’UDC…

 

 

Je conclurai en soulignant l’importance de la participation des immigrés à la vie sociale et civique de leur lieu d’habitation. Participer à la vie politique, c’est un facteur d’intégration, tant pour la population suisse que pour la population immigrée. Or l’intérêt pour la participation à la vie politique est plus grand si l’on peut voter et si l’on peut être élu. Cela fait partie de l’effort que nous devons faire en tant qu’autorité politique pour favoriser la cohésion sociale de notre population.

 

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