Prévoyance professionnelle: taux de conversion

Monsieur le Président,

Monsieur le Conseiller fédéral,

Chers Collègues,

 

Je vous propose de ne pas entrer en matière sur une nouvelle diminution du taux de conversion. Cette diminution n’est absolument pas nécessaire, ni en raison de l’allongement de la durée de la vie, nous en avons déjà tenu compte lors de la première révision de la LPP et il y a encore une marge, ni en raison de la diminution des taux d’intérêts. Une nouvelle baisse se ferait purement au détriment des assurés et ne pourrait qu’entraîner une perte de confiance grave de la population dans le deuxième pilier.

 

La confiance des citoyens dans la prévoyance professionnelle est déjà très fragile. Est-il nécessaire de l’ébranler encore une fois ? C’est prendre un certain risque, alors que la nécessité n’en est pas démontrée. Le Conseil fédéral a déjà décidé un abaissement du taux de conversion à 6,8% et demande maintenant un abaissement à 6,4% en 2011, ce qui entraînera une baisse des prestations de plus de 10% par rapport à 2005, prestations qui ont déjà beaucoup baissé avec la révision entrée en vigueur le 1er janvier 2005.

 

Le Conseil fédéral demande cette baisse en s’appuyant essentiellement sur la faible rentabilité des placements. Cet argument manque de crédibilité, car tous ceux et celles qui lisent la rubrique économique de leur quotidien et se tiennent au courant des résultats des caisses de pension suisses savent bien que nous ne sommes pas dans une situation de crise et que les rendements sont bons actuellement.

 

Des rendements de 2,5% correspondent peut-être aux obligations à 10 ans de la Confédération, or chacun sait que les caisses de pension et les assurances ne placent pas tout en obligations, mais font un mélange entre actions, obligations et immobilier. De 1985 à 2003,  le rendement annuel moyen d’un portefeuille contenant 25% d’actions et 75% d’obligations a été de 6,25%, celui des actions étant de 10,2% et celui des obligations de 4,9%. Je ne parle même pas d’un placement dans l’immobilier, qui est sûr et se situe entre les actions et les obligations.

 

Depuis le début des années 90, les caisses diversifient leurs investissements pour optimiser leur rentabilité à  long terme. Une grande partie des institutions de prévoyance possèdent une part de leur fortune d’environ 20 à 40% en actions. Or le marché des actions se porte très bien.

 

On ne peut donc fixer le taux d’intérêt technique en ne prenant en considération que les seules obligations et on ne peut pas ne se référer qu’au court terme. En admettant que le tiers des placements du 2ème pilier s’effectue en obligations, le tiers en actions et le tiers en immobilier, on peut admettre que le rendement sera sans problème de 4,5%, ce qui justifie le maintien du taux d’intérêt technique à son niveau habituel de 4%.

 

Selon des experts romands, en appliquant les tables actuarielles les plus récentes et en maintenant le taux d’intérêt technique à 4 %, le taux de conversion baisse de 7,2 % (niveau historique) à 7,0 % environ, soit de 2,8 %, alors que le Conseil fédéral, dans une procédure de consultation qu’il vient de lancer, se propose de le descendre à 6,4 %, ce qui correspond à une réduction de 11,1 %.

 

Pourquoi demander encore une baisse ? La première révision est à peine entrée en vigueur que l’on demande déjà une nouvelle baisse du taux de conversion. L’allongement de la durée de la vie ne le justifie pas.  Le rendement du capital non plus. Ne protège-t-on pas là les intérêts des assureurs de manière exagérée ? Ils veulent faire un maximum de bénéfices sans risque ? Je les comprends, mais je ne peux les suivre sur ce terrain, car j’ai à coeur de défendre les intérêts des assurés d’abord. On pourrait se demander pourquoi on a confié un tel mandat aux assureurs privés, alors que leurs intérêts sont complètement différents de ceux d’une assurance sociale qui veut servir au mieux la population dans son ensemble. J’ajoute que l’on pourrait aussi se demander où est l’argent qui a été accumulé pendant les années d’euphorie boursière et pourquoi il ne permet pas aujourd’hui de compenser les faibles rendements des années 2000 à 2003 ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on a là un manque total de transparence.

 

Le public ne peut pas comprendre que l’on revienne si rapidement et sans utilité sur cette question. L’assuré est en droit d’attendre de sa prévoyance professionnelle qu’elle lui fournisse le rendement le meilleur au coût le plus bas et que la marge bénéficiaire de l’institution de prévoyance soit optimale et non maximale. Le public n’a plus confiance dans cette institution et l’on sent une forte irritation à chaque remise en cause de ses rendements.

 

Les partisans d’un taux d’intérêt technique bas sont influencés par un courant de pensée anglo-saxon qui dit que l’assureur doit limiter au maximum les risques en tablant sur une rentabilité annuelle proche de celle des emprunts d’Etat à 10 ou 15 ans. Si on peut admettre ce calcul pour les compagnies anglo-saxonne d’assurance sur la vie, qui doivent garantir leurs primes sur une longue durée tout en étant soumises à des règles de solvabilité particulières, elle n’est pas admissible dans le cadre de notre prévoyance professionnelle, qui est très différente

organisé juridiquement de manière très différente et financé en principe de manière collective.

 

 

Pour le reste, le taux de conversion doit se trouver dans la loi. C’est une décision trop importante pour qu’elle ne fasse pas l’objet d’une discussion parlementaire. En outre, même si cela devrait être une discussion technique, c’est en fait une discussion politique, puisque le taux est fixé, non pas en fonction des besoins réels de la LPP, mais en fonction des demandes des assureurs privés.

 

Je refuse donc d’entrer en matière sur ces propositions et j’ajoute même que je suis extrêmement contrariée que le Conseil fédéral tente encore une fois d’affaiblir inutilement une assurance sociale importante pour le public.

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